Une ambition dans le désert
de Albert Cossery

critiqué par Falgo, le 6 septembre 2008
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Dérision de l'ambition
L'émirat de Dofat est un cas particulier. Pauvre et aride, il est un ilôt de misère entouré de richissimes émirats pétroliers. Cette situation ne satisfait pas le chef du gouvernement, le cheikh Ben Kadem, qui ne dispose ainsi d'aucune ressource pour assouvir son ambition. Rien ne permet d'appeler sur Dofa l'attention internationale. Il lui faut trouver un moyen de compenser cette faiblesse.
Simple citoyen de l'émirat, Samantar, est ravi de cet état de fait qui permet, à la différence es états voisins, de sauvegarder un mode de vie heureux et simple, en rien perturbé par les ravages de l'argent. Surpris par des évènements bizarres qui surviennent à Dofa, il va découvrir les moyens employés par Ben Kadem pour faire parler de son pays et tenter de déjouer cette folie qui menace la paix intérieure. Hicham le musicien, Shaat le farceur, Tareq le fou volontaire, Higazi le chef de la police, quelques charmantes donzelles aussi, participent à l'aventure d'un côté ou de l'autre ou entre les deux.
On retrouve ici la manière de Cossery, mêlant réalité et fable, plausible et improbable de telle façon que l'on se retrouve parfois piégé. Cossery est à son meilleur dans cette caricature de la société occidentale et de ses travers.
Ecrivant cette critique, je me rends compte que Cossery traite curieusement ses personnages féminins. Ils ne sont que secondaires, rappelant aux hommes qui seraient tentés de l'oublier que la sexualité est la source principale de la vie et du bonheur. C'est un peu limité, chef? J'apprécierai d'avoir l'avis d'autres lecteurs - et surtout lectrices - sur ce point.
Travailler plus ou lire Cossery, il faut choisir 9 étoiles

L'histoire se déroule dans un pays fictif situé probablement dans le golfe persique, le seul pays de la région où il n'y a pas de pétrole. Pour le héros, Samantar (et pour l'auteur) c'est une véritable bénédiction qui protège le pays d'une folle modernité et des méfaits de la société de consommation. Mais brutalement des attentats se produisent, attentats organisés par de mystérieux révolutionnaires. Samantar craignant que ces attentats ne perturbent ce fragile équilibre mène l'enquête.

On retrouve dans "Une ambition dans le désert" tout ce qui fait l'incroyable charme des textes d'Albert Cossery. Le style d'abord est admirable, on sent que chaque phrase a été polie avec amour.
C'est fin, poétique et rempli d'ironie mordante. Un bonheur de lecture.

Les thématiques ensuite : la lutte entre les puissants et les miséreux, la haine du travail et de la société de consommation, la supériorité de la dérision et de la moquerie sur la violence, l'inanité des actions humaines... Comme il le disait lui même

« Je ne peux pas écrire une phrase qui ne contienne pas une dose de rébellion. Sinon elle ne m’intéresse pas. Je suis toujours indigné de tout ce que je vois… »

Et comme souvent avec Cossery "Une ambition dans le désert" marie admirablement le fond et la forme. Il est donc urgent de lire Cossery, surtout en ces temps de "travailler plus"

L'oeuvre de Cossery étant plutôt courte mais extrêmement cohérente il est difficile de choisir parmi ces 7 romans mais celui ci fait partie de mes préférés avec "Les fainéants dans la vallée fertile" et "La maison de la mort certaine"

Et je rappelle à tout le monde que le lecture de quelques romans d'Albert Cossery est totalement indispensable.

CptNemo - Paris - 50 ans - 6 mars 2009