Richard III
de William Shakespeare

critiqué par Smokey, le 5 septembre 2008
(Zone 51, Lille - 38 ans)


La note:  étoiles
Le drame de Gloucester...
Pièce culminant avec la défaite du démoniaque roi Richard III à la bataille de Bosworth dans le dernier acte, Richard III est la théâtralisation d'évènements réels qui prirent fin en 1485, avec le changement de dynastie que l'on sait : les Plantagenêt laissant place à la monarchie Tudor suite à la guerre des Deux-Roses.

Il s'agit avant tout d'un drame humain et social dont les héros ne sont pas ceux que l'on croit.

En effet cette volonté de pouvoir ne fait pas de Richard l'incarnation du Diable que l'on a souvent décrite : elle naît plutôt d'un désir de revanche sur la Nature qui l'a fait difforme et sur la société entière, sur ceux qu'il a aidés à prendre le pouvoir et qui le rejettent une fois que ses mains sont salies (c'est lui qui a tué Henry VI et ainsi permis à Edouard de monter sur le trône).

Il va donc les tromper, les monter les uns contre les autres pour devenir roi. Contre l'insignifiance et la mesquinerie qui l'entourent, Richard prend le parti de l'absolu : le Mal absolu, certes, mais qui naît de sa liberté propre. Comme le "Caligula" de Camus, Richard III va au bout de ses idées, dénonçant par ses propres crimes l'absurdité du Monde.

Mais tout se paye. Les fantômes de ceux qu'il a tués viendront hanter Richard, qui confronté aux remords, presque schizophrène, connaîtra la peur. Enfin, lors de la bataille finale, alors que son cheval est tombé sous lui, il crie « Un cheval! Mon royaume pour un cheval! » et tombe sous les coups de Richmond...

Une pièce superbe de Shakespeare à lire et à relire...
déformations physiques et difformités morales 10 étoiles

Shakespeare, Richard III.

Toute la pièce baigne dans la violence : le contexte est la « guerre des deux roses », affrontement entre deux lignées royales, les Lancastre et les York, les premiers gagnant le trône quand Henri Tudor, apparenté à la maison de Lancastre, remporte la victoire de Bosworth en 1460.

Dès l‘ouverture, le duc de Gloucester [il sera Richard III de 1483 à 1485).] annonce ses intentions : tout faire pour la conquête du pouvoir
Donc il élimine ses rivaux et les héritiers légitimes de la Couronne, il a recours à des tueurs pour des crimes sanglants, sur son propre frère et des enfants innocents, il organise un mariage cynique et monstrueux…
Aude Mairier dans son « Richard III » paru chez Ellipse examine le personnage historique et la créature mythique, tout en suivant sa postérité sur scène et dans l’imaginaire contemporain.
L’Œuvre de Shakespeare a connu le succès depuis sa parution (1591 ou 1592) jusqu’à nos jours par la complexité d’un personnage brutal, cynique, et cependant séducteur, étranger à toute forme de moralité, ce qui en fait un modèle de chef politique particulièrement odieux, mais aussi proche de tyrans actuels ou passés selon les mises en scène, ou des créations contemporaines : ainsi « Difficile en effet de ne pas reconnaître Donald Trump, même s’il n’est jamais nommé dans Tyrant », une pièce de Stephen Greenblatt, célèbre spécialiste américain du Barde.
Shakespeare a créé une pièce infernale : De nombreux personnages, abusés et/ou complices, accompagnent Gloucester dans sa conquête du pouvoir, échangeant avec lui des insultes, des malédictions et des propos d’une telle violence verbale ou d’une telle immoralité que le lecteur/spectateur en demeure sidéré.
Interviennent aussi des cauchemars, des fantômes, et des scènes hallucinantes que l’Auteur assemble par ressemblance ou symétrie et suivant le schéma d’une lente ascension suivie d’une chute, brutale et dramatique dans la bataille finale. Le règne de Richard ( 3 ans seulement) est à peine évoqué au profit d’un effondrement dramatique exceptionnel sur une scène de théâtre.
Richard III s’avère un insondable puits de réflexion pour tous, comme en témoignent depuis 5 siècles les représentations fréquentes, les incessantes analyses et interprétations.

Rotko - Avrillé - 50 ans - 20 janvier 2020


"La conscience n'est qu'un mot à l'usage des lâches, inventé tout d'abord pour tenir les forts en respect." 7 étoiles

Ecrite à une époque où, lors de leur fin de vie, les comédiens étaient enterrés dans la fosse commune sans disposer, de plus, des aides et statuts sociaux globaux de l'ensemble de la population, je trouve qu'il est d'autant plus significatif de relire cette pièce de Shakespeare qui parle d'ambition et de morale...

Ainsi sans refaire l'analyse complète d'un chef d'oeuvre sur lequel on a déjà tout dit; le classique, par définition, ne se démode que rarement, et se retrouve en filigrane derrière énormément de "nouvelles" oeuvres, gageons que si l'on creusait un peu on trouverait quelque part l'ombre de ce héros et roi, au corps monstrueux peut-être, mais si fort en connaissances et passions humaines !

Monde Vrai - Long Beach - - ans - 27 décembre 2011


Quasimodo devenu roi 10 étoiles

Clarifions les choses : Lorsque j'écoute ou regarde Shakespeare, je ne cherche pas à être ému, j'irais presque jusqu'à dire que je m'en garde soigneusement. La plus belle interprétation que je connaisse est celle de l'Old Vic à Londres, filmée (en NB) et transmise par la télévision française lorsqu'elle n'était pas encore tombée dans la pourriture de "l'audience".
Les "adaptations" valent ce que valent les truandages audiovisuels d'oeuvres célèbres, qu'elles soient littéraires ou autres : du sous-Hollywood pour analphabètes drogués aux séries télévisées ou au outrances des effets spéciaux. Je suis méchant et définitif, tant pis. Car on casse ainsi ces ressorts essentiels du théâtre et de la littérature : l'imaginaire et l'intelligence du savoir.
Bref, pour en revenir à notre mouton, il faut dire qu'il est bien noir !
Je ne referai pas le catalogue des ignominies dont il se rend coupable tout au long de son irrésistible ascension comme aurait dit Bertold Brecht. Mais il faut s'arrêter sur l'enfance de ce monstre, monstre que la nature avait rendu tel par une difformité physique. On imagine, au Moyen-Âge, ce que pouvait signifier cette sorte de signe du ciel et valoir d'avanies, de mépris, de violences à celui, nabot, tordu ou autre qui en était porteur. Bien plus tard, en France, un personnage célèbre qui avait pour nom Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, nacquit avec un pied bot ; et ce fut sa malédiction, son humiliation (parmi sa famille, ses amis, dans la politique) depuis l'enfance, dont il chercha toute sa vie à combattre les effets, visant la rédemption grâce à une intelligence supérieure qui lui permettrait d'exercer une vengeance sûre et implacable contre ce monde qui l'avait fait naître et souffrir. Richard III fut un homme de cette catégorie : un enfant humilié et brimé. Ceci n'excuse pas le reste de son existence, mais permet de comprendre la complexité de son cas, magnifiquement mis en scène par Shakespeare. Le grand dramaturge anglais touche tour à tour aux racines de la personnalité, à la morale individuelle et collective, à l'éthique de la responsabilité, aux processus d'acquisition et de légitimation du pouvoir. Oeuvre foisonnante et terrible qui n'a jamais fini de livrer ses fruits.

Radetsky - - 81 ans - 27 septembre 2011


Bien, mais éclipsé par l'adaptation 8 étoiles

Richard III, monstre d’ambition, sans scrupule, il massacrera pour atteindre la couronne presque toute sa famille, ainsi que tous ceux qui se mettront dans son chemin.

Que le vrai Richard III ait été aussi fourbe et malfaisant (personnellement je doute qu’il ait été aussi extrême), ça ne m’affecte pas par rapport à la pièce. Pour moi c’est deux affaires différentes, la pièce est avant tout de la fiction et quand j’en lis / regarde une, je veux surtout être émue. Et ça a été le cas, j’ai beaucoup aimé lire la pièce, mais comme c’est le cas la plupart du temps avec William Shakespeare, je préfère l’adaptation. Il faut dire que Richard III (1955), réalisé et interprété par Laurence Olivier, est un de mes films préférés. Il y a plusieurs scènes qui sont imprimés dans ma tête et quand j’ai lu la pièce je n’ai pas pu faire abstraction. C’est en grande partie de ma faute, mais ce n’est pas automatique que j’embarque moins dans une oeuvre dont j’ai adoré le film, comme, j’ai beaucoup aimé lire Les sorcières de Salem de Arthur Miller même si j’avais été éblouie par les performances de l’adaptation (de 1996).

Non, il y avait quelque chose. Je n’ai pas trouvé Richard assez subtil dans ses machinations. Il est trop évidemment mauvais, peu sont dupes et même quand il réussit à charmer par ses paroles, il nie à peine et se trouve toujours pleins d’excuses peu convaincantes. Je ne sais pas, comme souvent avec Shakespeare, je ne trouve pas ça assez poussé psychologiquement (si on pense à Oscar Wilde par exemple, ou Euripide, Tennessee Williams, Alfred de Musset...), c’est plus axé sur la trame de l’histoire, des trames classiques et hautes en couleur, je ne dis pas le contraire. Richard III n’est vraiment pas mauvais, c’est juste que je n’aie pas ressenti la même chose qu’avec Laurence Olivier.

Côté lecture, Iago (d’Othello) reste encore mon super-vilain shakespearien indétrôné (oh... ici je sens Richard III jaloux!). Reste que je recommande la pièce, peut-être que j’avais juste trop d’attentes... Pour ceux qui n’ont pas encore vu le film, allez-y, il y a aussi l’adaptation plus modernisée de 1995 avec Ian McKellen qui est bien.

Nance - - - ans - 2 juillet 2011