La violence et la dérision
de Albert Cossery

critiqué par Falgo, le 3 septembre 2008
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Salutaire bain d'hygiène mentale
Autre visage de Albert Cossery, plus caustique, plus drôle, plus politique en un certain sens, pas moins délectable que "les fainéants..." mais sur un autre registre. Fable encore, aisément transposable ici et maintenant.
Dans une ville orientale un gouvernement veut "assainir les rues et les préserver de tout ce qui pouvait entacher leur honneur......il s'était attaqué aux mendiants, cette race pacifique mais si fortement enracinée dans le sol, qu'aucun conquérant avant lui n'avait réussi exterminer. C'était comme s'il eut voulu débarasser le désert de son sable."
Devant cette ambition violente et ridicule, un groupe d'hommes se propose de réagir par la dérision. Il est en cela aidé par Khaled Omar, richissime négociant, qui explique ainsi son soutien à la cause: "Bref, j'ai gagné tout mon argent d'une manière si insensée, si absurde, que mes yeux se sont ouverts sur la folie du monde. Aussi, cet argent, je voudrais le mettre au service d'une cause qui ne fût ni sensée, ni juste. je voudrais contribuer à la folie du monde. Tu me comprends?".
Le projet se développe, prend de l'ampleur, échappe à la stupidité policière, puis se heurte à d'autres opposants qui agissent d'une autre manière.... et "d'un bourreau il avait fait une victime, un exemple glorieux de civisme et de sacrifice pour les générations futures, perpétuant ainsi l'éternelle imposture."
Considérant le monde politique, il me semble bien souvent que c'est Cossery qui a raison. Hommage soit rendu à son humour, son sens de la déraison er de la dérision. Lisons-le et relisons-le, en tous lieux, par tous les temps, son rire nous sauvera.
La Violence OU la dérision 7 étoiles

Je ne résumerai pas le roman car Falgo l'a fait très correctement.

Par contre plus que de roman je parlerais de conte philosophique.

Comme souvent avec Cossery il n'y a aucune précision quant aux lieux et aux dates même si l'on sait qu'on est dans une ville du moyen orient. Ce flou sur le contexte donne au récit et surtout à certaine théorie sur la révolte un caractère universel.

Le livre, plus qu'à l'habitude avec l'auteur, est une apologie d'une "nouvelle" forme de révolte et de l'absurdité du monde : le monde est fou, dirigé par des tyrans sanguinaires et il ne sert à rien de vouloir le changer par la violence. La dérision est de loin supérieure et elle seule permet de supporter la folie qui nous entoure. Les personnages incarnent donc des archétypes : le gouvernement, la police, le révolté violent, le révolté ironique... permettant à l'auteur d'exposer différents points de vue et comme il se doit de s'en moquer.

Tout cela est raconté dans le style simple et admirable de Cossery, fait de délicatesse et d'ironie mordante.

Même si ce roman n'est pas mon préféré de l'auteur (les personnages et l'histoire ne servent quasiment qu'à l'exposé du point de vue de l'auteur à mon humble avis), il faut lire et relire TOUT Cossery on ne le dira jamais assez.

CptNemo - Paris - 50 ans - 16 janvier 2009