L'Évangile selon Jésus-Christ
de José Saramago

critiqué par Nicolas D., le 31 août 2008
(Lille - 42 ans)


La note:  étoiles
Une autre idée de Dieu...
Un Dieu sensiblement différent de celui qui nous est conté par la catéchèse !
Cet évangile relate une vie possible du Christ, bien plus partagé sur son difficile rôle que ce que laisse entendre l'histoire classique. Il suffit de consulter la quatrième de couverture pour deviner la substance de cet 'apocryphe' : un Christ tiraillé par le remord d'être en vie, en proie aux funestes desseins d'un Dieu qui, en vouant son fils au martyre, ne souhaite qu'étendre son royaume. Quid du diable, me direz-vous ? A croire qu'il est la voix de la raison...
Une oeuvre très aboutie, pour laquelle un recours préalable à ses anciens manuels d'histoire ne peut-être qu'approprié; d'autant plus si les noms d'Hérode le Grand, Hérode Antipas, Jean-le-Baptiste... ne vous reviennent guère. Certes, les conversations tournent parfois à une démonstration d'aphorismes, soit ! J'en serai le dernier meurtri !

Le verbe est magnifique (notamment l'introduction de l'oeuvre, articulée autour de la description d'une gravure), certains passages de toute beauté et lourds de sens (l'exil de Jésus et sa rencontre avec Pasteur)...reste la syntaxe qui peut faire fuir les lecteurs farouches, mais Saramago fait du Saramago et bien lui en a pris! - sauf votre respect.

Profitez donc des journées de ciel terne, installez vous confortablement, cet évangile à la main... Respirez et laissez-vous narrer l'histoire d'un Christ intelligent mais malheureux et impuissant.

PS : Pour ceux dont la lecture paraît lassante, gardez le cap car le final est majestueux.
Avis mitigé 8 étoiles

J'ai trouvé la lecture de ce livre un peu difficile par moment, dû à un manque de ponctuation. J'ai également trouvé les deux derniers chapitres un peu pénibles, car j'avais une trop grande hâte d'arriver au bout du roman. Mais, d'un autre côté, j'ai bien aimé que l'auteur parle de la jeunesse de Jésus, chose que, personnellement, je n'ai jamais vue ailleurs. Donc, mon avis est mitigé.

Il y a dans le récit un Jésus bien plus humain que d'habitude, et Dieu est un marionnettiste qui manipule le monde à sa guise, pour étendre son règne. Mais une question m'est venue à la lecture du roman : Dieu aime-t-il réellement sa création humaine ? J'ai peur d'une réponse négative. C'est un roman qui peut, à sa façon, nous faire réfléchir, au sens philosophique du terme.

Windigo - Amos - 41 ans - 27 février 2024


Regard humaniste sur Jésus de Nazareth 9 étoiles

José Saramago réinvente l’histoire de Jésus de Nazareth avec un oeil résolument contemporain qui insère dans le récit certains des questionnements qui touchent les humains que nous sommes. Car son Jésus est d’abord un humain bien qu’il ait un destin, bien sûr, hors du commun. Ce sont les transpositions et même les ajouts à l’histoire traditionnelle qui soulignent ce caractère: sa famille où Marie est la mère de plusieurs enfants, la mort de son père crucifié par les romains, la découverte des ses origines à Bethléem et des conséquences pour les enfants innocents de cette ville, son amour et la vie qu’il partage avec Marie de Magdala. À travers ces événements , Saramago trace la quête de son personnage, son sentiment d’une culpabilité héritée de son père Joseph, ses angoisses, ses doutes, son humanité essentielle.

L’image de Dieu n’est pas épargnée dans ce récit. Il apparaît plutôt manipulateur, cherchant d’abord à étendre sa gloire et son royaume, même au prix de la souffrance et de la mort de ses fidèles croyants. Au point où les paroles que Jésus sur la croix crie à un Dieu souriant, sont “Hommes, pardonnez-lui car il ne sait pas ce qu’il a fait” p 473.

Un mot sur l’écriture de Saramago: le récit, les pensées, les dialogues sont le plus souvent concaténées en une seule phrase, à peine ponctuée de virgules. Au départ, cela déroute; mais bientôt, cette proximité des propositions semble nous plonger au coeur même de la pensée de l’auteur.
Au demeurant, si ce livre peut troubler des esprits religieux, son regard humaniste peut aussi éclairer d’une autre lumière les messages que les églises nous auront transmis au cours des siècles, permettant ainsi de séparer un bon grain dans beaucoup d’ivraie.

Citations:
"C'était l'heure où le crépuscule du matin couvre de cendre les couleurs du monde." p. 24

"Dieu ne pardonne pas les péchés qu'il nous fait commettre." p. 170

"Le temps nous emporte jusqu'au lieu où la mémoire s'invente, cela s'est passé ainsi, cela ne s'est pas passé ainsi, les choses sont ce que nous disons qu'elles ont été. " p. 213

Angreval - Brossard - 77 ans - 16 septembre 2016


Dieu n'est pas infaillible ... 8 étoiles

... et le Démon m'a surpris par son humanité et sa sagesse. Saramago nous entraîne bien loin de la conception classique et manichéenne que l'on nous bassine depuis 2000 ans. J'ai particulièrement apprécié la description des détails de la vie quotidienne à l'époque de Jésus qui, au delà de la dimension philosophique et religieuse, confère à l'oeuvre un caractère éducatif certain. C'est magnifiquement écrit, même si la ponctuation très particulière - en fait inexistante - des dialogues ne rend pas la lecture facile. Mais ça fait partie du charme.

HakuRyoku - - 59 ans - 23 février 2012


Une idée déjà évoquée 9 étoiles

Camus, dans "La chute" évoque déjà l'idée que si le Christ s'est laissé prendre et crucifier ce n'était peut-être pas pour satisfaire une certaine volonté d'un Dieu mais tout simplement parce qu'il ne supportait plus l'idée qu'il avait été le responsable du meurtre de milliers d'enfants nés en même temps que lui.

Jules - Bruxelles - 79 ans - 16 mars 2011


L'humanité de dieu 10 étoiles

Si les croyants chrétiens abondent sur leur "dieu fait homme", rien ne saurait en donner une idée plus forte que celle exprimée dans ce livre...mais elle n'est en aucune manière orthodoxe. Aucune des gloses prodiguées par les autorités religieuses "compétentes" n'atteint l'authenticité de cette humanité-là. Voilà un Christ acceptable, crédible, pour les athées, pour n'importe quel être humain. Un "roman" qui touche et remet en question les théologies admises ayant pignon sur rue. Enfin ! Un mythe rendu à son humanité profonde.

Radetsky - - 81 ans - 15 août 2009