Alessandro ou la guerre des chiens
de Alain Absire

critiqué par Persée, le 10 novembre 2001
(La Louvière - 73 ans)


La note:  étoiles
"Vous qui entrez ici..."
La misère est le terreau noir de l'intégrisme. A Florence, dès la fin du 15ème siècle, Savonarole l'avait déjà compris. Dans les quartiers pauvres que la splendeur des Médicis n'éclairait pas, il avait prêché la révolution.
Et une république des purs était née dans le sang, fruit de cet inexorable effet de balancier qui veut qu'à la débauche succède la pudibonderie, à l'étalage des richesses, l'austérité outrancière.
Benedetto, jeune apprenti, fait partie des "milices du Christ", ces enfants embrigadés par les dominicains pour semer la terreur dans la ville. Ses chefs l'introduisent chez le peintre Botticelli qu'il a mission d'espionner…
Dans une atmosphère lourde où la vertu masque difficilement la haine, le lecteur pénètre ainsi dans l'atelier et, progressivement, dans le coeur d'un Botticelli finissant, nostalgique d'un amour défunt, en proie aux tourments d'un enfer censé illustrer l'oeuvre de Dante.
Car voici que l'artiste, après avoir servi les Médicis (cfr. La Naissance de Vénus, l'Allégorie du printemps, chefs-d'œuvre illuminés par la grâce d'une féminité païenne où la chair se fait soie) cautionne à présent les idéaux de la république "dominicaine" : ordre, vertu, rigueur, austérité, sévérité… ce qui ne l'empêche pas de susciter la suspicion chez ses commanditaires. Dans la République des Purs, on trouve toujours plus vertueux que soi. Et ceux qui font ostentation de leur rigueur ne s'avèrent pas toujours aussi vertueux qu'on pense.
Vous l'aurez compris : l'Histoire bégaie. Et le lecteur qui voudra transposer l'ambiance de ce roman dans notre XXIème siècle ne manquera pas de références.
De très belles pages aussi sur la création artistique, sur le rapport parfois tumultueux entre le peintre et son modèle. Une quête d'absolu traverse le livre de part en part, avec ses leurres, ses ponts-aux-ânes et ses pièges à c.

Quelques longueurs auraient pu être sacrifiées au bûcher des vanités. Comme quoi la rigueur n'est pas toujours à bannir. Seul l'excès tue. Mais enfin, soyons bons princes : nous n'en tiendrons pas rigueur à un auteur sincère et généreux qui nous convainc si bien qu'il faut mesure garder. Comme disait l'autre, ceux qui font ostentation de leur rigueur ne s'avèrent pas toujours aussi vertueux qu'on pense.
Superbe critique 6 étoiles

C'est vrai que l'histoire bégaie ! Mais combien de temps faudra-t-il pour que les masses arrêtent de s'y laisser prendre ?... Chaque homme qui se prétend plus pur que les autres est un dangers pour les autres si on le laisse faire ! Les Khmers rouges le pensaient, les garde rouge, Robespierre, les Talibans, Hitler et combien d'autres. A chaque fois des bains de sang !... Staline est une des exceptions: c'était un simple arriviste cynique et le résultat fut pire encore... Mais il s'est servi du modèle et prétendait défendre le modèle ! Et n'oublions pas quelques bons inquisiteurs...

Jules - Bruxelles - 79 ans - 12 novembre 2001