Hitler m'a dit
de Adolf Hitler, Hermann Rauschning

critiqué par Smokey, le 14 août 2008
(Zone 51, Lille - 38 ans)


La note:  étoiles
Un grand intérêt documentaire
Sa première publication remonte à l'année 1939, destiné à prendre place dans l'arsenal idéologique de la "drôle de guerre", mais l'ouvrage n'a pas eu le temps d'assurer cette vocation: la victoire des armées nazies ne tarda pas à le chasser de la devanture des librairies.

Même si beaucoup d'historiens ont suspecté l'authenticité de l'ouvrage, il a pourtant fait longtemps figure de source privilégiée pour la compréhension d'Hitler et de sa doctrine.

En effet, Rauschning nous présente ici un politicien retors, visionnaire et fasciné par l'abîme.

Membre du parti nazi de 1926 à 1934, Rauschning a su comprendre ce que nombre de ses contemporains se sont obstinés à ignorer: la dynamique du parti le plus puissant et destructeur du vingtième siècle.

"Je vous garantis que j'anéantirai l'Église en quelques années, tant cet appareil religieux est creux, fragile et mensonger"(propos d'Hitler)

"Il n'existe pas de Vérité, pas plus dans le domaine de la morale que dans celui de la science."(propos d'Hitler)

"Cruel, vindicatif et sentimental. Il aimait ses canaris et pleurait lorsque l'un d'eux venait à mourir. Mais il a martyrisé jusqu'à la mort, avec des raffinements de cruauté, des hommes dont il voulait se venger."

Un livre peu commun grâce à la vivacité des propos recueillis par Rauschning.
Un témoignage exceptionnel concernant la personnalité et l'ignoble Idéologie d'Hitler ! 10 étoiles

Ce livre de Hermann Rauschning est longtemps resté un témoignage important dans l’étude du personnage d’Hitler. Puis, après avoir été contesté quant à sa véracité durant de longues années, ce témoignage de Hermann Rauschning réapparaît de nos jours dans le champ Historique, comme une source d’Archive fondamentale. D’autant plus fondamentale, que ce livre a été publié et traduit en Français dès 1939, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale et de l’Holocauste.
Hermann Rauschning adhère au Parti National-Socialiste (Nazi), le N.S.D.A.P. en 1926, pour le quitter en 1934. Rauschning est d’abord membre du conseil exécutif (« Sénat ») de la ville de Dantzig, avant d’en devenir le Président entre 1933 et 1934.
À partir de 1932, il a l’occasion de s’entretenir de nombreuses fois avec Hitler, dans le cadre de comités restreints, et même, en tête-à-tête.
Il détecte alors dans la personnalité de Adolphe Hitler toute l’ampleur de la dangerosité de son Idéologie barbare. En 1934, s’opposant au régime Hitlérien, il doit quitter l’Allemagne Nazie en 1935, se réfugiant en Suisse, puis aux États-Unis. Il ne revient en Allemagne qu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Confronté à l’impossibilité de recréer une unité Nationale, il regagne à nouveau les États-Unis, dans l’Oregon.

La plupart des conversations avec Hitler ont été retranscrites par Hermann Rauschning, dans la foulée de ses entretiens avec le Führer, entre 1932 et 1934.

Voici quelques repères afin de se faire une rapide idée de la chronologie historique des évènements : Hitler est élu Chancelier de l’Allemagne le 30 janvier 1933 et, Président, en se faisant appeler le Führer (« Guide »), en 1934. Plusieurs évènements marquants vont être évoqués dans ce commentaire. Quant à la suite tragique de l’histoire du Nazisme, elle est parfaitement connue…

C’est donc dès la préface de son ouvrage que Hermann Rauschning décrit avec une grande lucidité et de manière incroyablement visionnaire, l’apocalypse qui attendait l’Europe, puis le Monde (page 31) :
« Rien, je le crois, ne peut donner une idée de la tempête de révolutions qui s’abattra sur le monde, si jamais Hitler vient à triompher. Régimes intérieurs, ordre extérieur, tout s’écroulera et partout, en Europe comme sur le reste du globe. Alors, on verra ce qui, de mémoire d’homme, ne s’est encore jamais vu au cours de l’histoire : ce sera l’effondrement universel de tout ordre établi.
Le bouleversement mondial, voilà vers quoi tend la nouvelle guerre. Hitler est convaincu qu’il lui suffit de gagner cette guerre pour imposer aux hommes un régime nouveau, celui de sa volonté. Idée fantastique, sans doute, mais la fausse puissance créatrice d’un hystérique risque de réduire le monde en un monceau de décombres.
Le dessein véritable d’Hitler, qu’il entend réaliser par le moyen du national-socialisme, on ne le trouvera pas dans Mein Kampf, car ce livre est écrit pour la masse. Mais la doctrine naziste a aussi son ésotérisme qu’on professe et divulgue dans un petit nombre de cercles restreints devant une sorte de super-élite. Les S.S., les Jeunesses hitlériennes, les sphères dirigeantes de la politique, toutes les organisations de cadres comportent, en marge de la troupe des affiliés, un petit groupe d’initiés.
Hitler n’a jamais dévoilé ses véritables buts politiques et sociaux que dans ces milieux hermétiquement fermés et c’est là, précisément, qu’il m’a été donné de les entendre de sa propre bouche. »
Au mois d’août 1932, Hitler décrit à Rauschning de quelle manière, excessivement claire, il conçoit la future guerre qu’il a bien l’intention de provoquer (pages 36 et 37) :
« – Un peuple à qui l’on refuse son bon droit peut légitimement employer tous les moyens, y compris la guerre bactériologique. » La voix d’Hitler se fit plus forte. « Je n’ai pas à avoir de scrupules, et je choisirai l’arme que je jugerai nécessaire. Les nouveaux gaz toxiques sont terribles, mais, après tout, quelle différence y a-t-il entre la lente agonie dans les barbelés, et les souffrances du gazé ou de l’intoxiqué ? Dans l’avenir, c’est toute une nation qui se dressera contre l’autre, ce ne sera plus seulement une armée luttant contre des armées ennemies. Nous ruinerons la santé physique de nos ennemis de la même façon que nous briserons leur résistance morale. Si l’arme microbienne a de l’avenir ? Parbleu, j’en suis convaincu. À la vérité, nous ne sommes pas encore très avancés dans cette technique, mais des expériences sont en cours et je crois savoir qu’elles se développent dans les meilleures conditions. Mais l’emploi de cette arme reste limité. Elle est importante surtout en tant que moyen d’affaiblir l’adversaire « avant » les hostilités. Nos guerres à nous se mèneront, du reste, avant les opérations militaires, et j’imagine que nous aurons les moyens de juguler l’Angleterre, au cas où elle voudrait marcher contre nous. Ou encore, l’Amérique… »
Hitler continue de décrire sa stratège guerrière, à la fois prophétique et apocalyptique (pages 39, 41 et 42) :
« Nous ne capitulerons jamais, s’écria Hitler. Nous succomberons peut-être, mais nous entraînerons un monde dans notre chute… »
(…) « Moi, j’ai le don de simplifier et de ramener les problèmes à leur donnée essentielle. On a voulu faire de la guerre une science hermétique et c’est pourquoi on l’a entourée d’un appareil solennel. Comme si la guerre n’était pas la chose la plus naturelle du monde. Elle est de tous les temps et de tous les lieux, elle est quotidienne, elle n’a pas de commencement, pas plus qu’il n’y a jamais de paix.
La vie est une guerre, chaque lutte que nous menons est une guerre, la guerre c’est l’état naturel de l’homme. Retournons en arrière, remontons, si vous voulez, jusqu’à l’époque de l’homme non civilisé. Qu’est donc la guerre sinon ruse, tromperie, stratagème, attaque et surprise ? Les hommes n’ont commencé à s’entre-tuer qu’à partir du moment où ils ne pouvaient plus faire autrement. Les marchands, les brigands, les guerriers… À l’origine, tout cela ne faisait qu’un. Mais il existe une stratégie plus haute, une guerre employant des moyens d’un ordre plus spirituel. Que cherche-t-on à obtenir à la guerre, Forster ? La capitulation de l’adversaire. Dès l’instant où l’ennemi capitule, je sais que je puis l’anéantir complètement. Pourquoi, dans ces conditions, chercherais-je à le démoraliser militairement, si je puis obtenir un résultat identique par des moyens moins onéreux et plus sûrs ? »
(…) « Si je fais la guerre, Forster, j’introduirai peut-être, en pleine paix, des troupes dans Paris. Elles porteront des uniformes français. Elles marcheront, au grand jour, dans les rues où personne n’aura même l’idée de les arrêter. J’ai tout prévu dans le moindre détail. Elles marcheront sur le siège de l’État-Major, elles occuperont les ministères, le Parlement. En quelques minutes, la France, la Pologne, l’Autriche, la Tchécoslovaquie seront privées de leurs dirigeants. » (…) « Aujourd’hui, messieurs, vous ne me croyez pas, pourtant je ferai comme je vous le dis, je les introduirai section par section. Peut-être atterrirons-nous sur les champs d’aviation, car nous serons en mesure, à ce moment, de transporter par air, non seulement des hommes, mais encore des armes, et il n’y aura pas de ligne Maginot pour nous arrêter. Notre stratégie, Forster, consistera à détruire l’ennemi par l’intérieur, à l’obliger à se vaincre lui-même. »
Hitler décrit alors, avec sa manière radicale, les processus Révolutionnaire et Terroriste (pages 45, 46 et 47) :
« Vous connaissez, n’est-ce pas, l’histoire des révolutions ? C’est toujours la même chose. Les classes dirigeantes capitulent. Pourquoi ? Par défaitisme, parce qu’elles n’ont plus aucune volonté. Les enseignements de la révolution, voilà tout le secret de la stratégie nouvelle. Je l’ai appris des bolcheviks et n’ai pas honte de le dire, car c’est toujours de ses ennemis qu’on apprend le plus. Connaissez-vous la théorie du coup d’État ? Étudiez-la, et vous saurez alors ce que vous aurez à faire. »
(…) « Jamais je ne commencerai une guerre sans avoir auparavant la certitude absolue que mon adversaire démoralisé succombera sous le premier choc. » Le regard d’Hitler devint fixe, sa voix s’enfla. « Quand l’ennemi est démoralisé à l’intérieur, quand il est au bord de la révolution, quand les troubles sociaux menacent d’éclater, alors, le moment est arrivé, et un seul coup doit l’anéantir. Des attaques aériennes massives, des coups de main, des actes de terrorisme, le sabotage, des attentats perpétrés à l’intérieur, l’assassinat des dirigeants, des attaques écrasantes sur tous les points faibles de la défense adverse, assénées comme des coups de marteau, simultanément, sans se soucier des réserves ni des pertes, telle est la guerre future. Un martelage gigantesque et qui broie tout, je ne vois que cela et je ne pense pas à la suite… Je ne jouerai pas au soldat et je ne m’en laisserai pas imposer par les stratèges. La guerre, c’est moi qui la mènerai. Le moment favorable à l’attaque, c’est moi qui le déterminerai. Le moment, le plus favorable de tous, je l’attendrai, avec une détermination de fer et je ne le laisserai pas échapper. Je mettrai toute mon énergie à le provoquer. Ceci sera ma tâche. Et lorsque j’aurai réussi, j’aurai le droit d’envoyer la jeunesse à la mort, car, alors j’aurai épargné autant de vies humaines qu’il aura été possible de le faire. Messieurs, nous ne nous amuserons pas à jouer aux héros. Ce que nous voulons, c’est anéantir l’adversaire. Les généraux, malgré les enseignements de la guerre passée, veulent continuer à se comporter comme des chevaliers d’autrefois. Ils se croient obligés de conduire les guerres comme des tournois du Moyen Âge. Je n’ai que faire de chevaliers. Ce qu’il me faut, ce sont des révolutionnaires. J’ai fait, de la doctrine de la révolution, la base de ma politique. »
Hitler s’arrêta quelques instants : « Je ne reculerai devant rien. Il n’y a pas de droit international, il n’y a pas de traité qui m’empêchera de profiter d’un avantage lorsqu’il se présentera. La prochaine guerre sera terriblement sanglante et cruelle. Mais la guerre la plus cruelle, celle qui ne fait aucune différence entre les militaires et les civiles, sera aussi la guerre la plus douce, parce qu’elle sera la plus courte. En même temps que nous interviendrons avec toutes nos armes, nous ébranlerons le moral de l’adversaire. Nous provoquerons une révolution en France. J’en suis aussi sûr que je suis sûr que cette fois-ci, il n’en éclatera pas en Allemagne. Vous pouvez m’en croire. J’entrerai chez les Français en libérateur. Nous nous présenterons au petit bourgeois français comme les champions d’un ordre social équitable et d’une paix éternelle. Ces gens-là ne veulent plus rien savoir de la guerre et de la grandeur. Mais moi, je veux la guerre, et tous les moyens me seront bons. Évitez surtout de provoquer l’ennemi ! – ce n’est pas là ma devise. Ce que je veux, c’est l’anéantir par tous les moyens. La guerre, c’est moi qui la conduirai. »
Au point de vue économique, Hitler envisage les mêmes méthodes martiales et terroristes que celles qu’il veut appliquer pour la guerre (page 58) :
« Comment cela ? demanda Hitler, en me regardant d’un air courroucé. Le financement ne me cause aucun souci. Laissez-moi faire. Il n’y aura aucune difficulté si l’on élimine les spéculateurs.
– Mais, répliquai-je, il ne sera pas possible de maintenir les prix si l’on finance de cette manière les grands travaux. La monnaie imaginée par Feder provoquera forcément de l’inflation.
– Il se produit de l’inflation si on le veut, s’indigna Hitler. L’inflation n’est qu’un manque de discipline : indiscipline des acheteurs et indiscipline des vendeurs. Je veillerai à ce que les prix restent stables. Pour cela, j’ai mes S.A.. Malheur à celui qui oserait augmenter ses prix. Il n’y aura pas besoin de textes législatifs. Le parti s’en chargera. Vous verrez, quand nos S.A. iront faire respecter les prix dans les magasins. Ils n’auront pas besoin d’y aller deux fois. »
Le débat s’oriente ensuite vers les avancées technologiques qui doivent permettre de participer à la de domination hégémonique mondiale d’Hitler (page 63 à 65) :
« Les ingénieurs sont des fous, coupa brutalement Hitler. Ils ont parfois une idée qui pourrait être utilisée, mais qui devient une folie lorsqu’on la vulgarise. Lawaczek n’a qu’à construire ses turbines, mais qu’il n’aille pas chercher les moyens de provoquer un essor économique. Ne vous embarquez pas avec lui. Je connais son dada. Messieurs, tout cela n’est que fadaises. Le monde ne se répète jamais. Ce qui était bon au XIXe siècle ne vaut rien pour le XXe. Les découvertes ne viennent plus d’elles-mêmes par un coup de chance. Aujourd’hui, elles dépendent de nous. Nous sommes en mesure de calculer quand on peut attendre des découvertes, et dans quel domaine. On en fait d’ailleurs continuellement, et c’est de nous qu’il dépend de les développer. Mais le hic est que, justement, nous ne les développons pas. Nous passons à côté des possibilités. Tout est une question de volonté. De nos jours, il n’est plus possible de laisser les choses aller d’elles-mêmes.
Les pays qui sont riches, qui possèdent tout, n’ont pas besoin de nouvelles découvertes. À quoi bon ? Au contraire, elles les gênent. Ils veulent continuer à gagner suivant les vieilles méthodes. Ils veulent dormir, ces peuples riches, l’Angleterre, la France, l’Amérique. Lawaczek a raison en un sens : il faut produire méthodiquement ce qui, autrefois, naissait de la chance. Il faut remplacer le hasard. Or, nous le pouvons. C’est là que réside l’importance des grands travaux qu’entreprendront les États, et non plus les spéculateurs et les banquiers juifs qui, aujourd’hui, ont intérêt à ce qu’on ne fasse rien de neuf. C’est bien pour cela que nous autres, Allemands, nous devons nous libérer de ces gens-là. Nous devons marcher par nos propres moyens. Mais l’Allemagne telle qu’elle est aujourd’hui, n’a aucune unité biologique. L’Allemagne ne sera véritablement l’Allemagne que lorsqu’elle sera l’Europe. Tant que nous ne dominerons pas l’Europe, nous ne ferons que végéter. L’Allemagne, c’est l’Europe. Je vous garantis qu’alors il n’y aura plus de chômage en Europe : on assistera à une prospérité inouïe. Nous nous chargerons de sortir le monde de sa léthargie. Nous nous assignerons des tâches que personne actuellement ne peut soupçonner. Et nous les mènerons à bien. Mais il nous faut l’Europe et ses colonies. L’Allemagne n’est encore qu’un commencement. Il n’y a plus, sur le continent, un seul pays qui soit un tout complet. Notre espace complet, à nous, c’est l’Europe. Celui qui la conquerra imprimera son empreinte au siècle à venir. Nous sommes désignés pour cette tâche. Si nous ne réunissons point, nous succomberons, et tous les peuples européens périront avec nous. C’est une question de vie ou de mort. Votre Lawaczek, votre Feder sont pour moi de vieilles radoteuses autour de la cafetière. Qu’ai-je à faire de leur sagesse de petits bourgeois ? »
Hitler s’arrêta. C’était la première fois qu’il dévoilait devant moi quelques-uns de ses projets véritables. Je dois avouer que l’ampleur de cette perspective m’avait, à cette époque, surpris et impressionné. »
Lors d’une autre réunion, après l’intervention de Darré (l’un des membres de l’État Major), Hitler précise à nouveau sa propre vison anticipatrice de la domination territoriale et de la hiérarchisation sociale de la société Nazie (pages 80 à 87) :
« À ce qui vient d’être dit sur notre politique de l’Est ou, plus précisément de l’espace oriental, je donne mon approbation presque totale. Cependant, mes chers camarades, il y a une chose que vous aurez toujours présente à l’esprit. Nous ne parviendrons jamais à la domination mondiale si nous n’avons d’abord au centre de notre rayonnement un noyau de puissance solide, dur comme l’acier. Un noyau de quatre-vingts ou de cent millions d’Allemands formant une unité compacte. Par conséquent, ma toute première tâche sera de créer ce noyau qui, non seulement nous rendra invincibles, mais nous donnera, une fois pour toutes, une supériorité décisive sur tous les peuples européens. Le jour où nous aurons réalisé cette première tâche, le reste sera relativement facile. À ce noyau appartient l’Autriche. Cela va de soi. À ce noyau appartiennent également la Bohême et la Moravie ainsi que les régions occidentales de la Pologne jusqu’à certaines frontières stratégiques naturelles. Il faut y intégrer également, et ceci est important, les États baltes, qui pendant des siècles ont eu une classe dirigeante allemande. À l’heure actuelle, ce sont surtout des races étrangères qui peuplent ces territoires. »
« Quand nous voudrons créer notre grand Reich allemand dans son ampleur définitive, nous aurons le devoir d’éliminer ces peuples. Il n’y a aucune raison pour que nous ne le fassions pas. Notre époque nous donne les moyens techniques de réaliser avec une facilité relative tous ces plans de transplantation. D’ailleurs, l’époque de l’après-guerre a provoqué une émigration intérieure de plusieurs millions d’hommes, à côté de laquelle notre présente entreprise n’est qu’une bagatelle. Le bassin de Bohême-Moravie, les territoires qui s’étendent immédiatement à l’est de l’Allemagne seront colonisés par nos paysans allemands. Nous transplanterons les Tchèques et autres Slaves de ces régions en Sibérie ou dans les terres de la Volhynie. Nous leur assignerons des « réserves » dans les nouveaux États confédérés du Reich. Il faut chasser les Tchèques de l’Europe centrale. Tant qu’ils y resteront, ils seront toujours un foyer de décomposition hussite et bolchevique. C’est seulement quand nous aurons le volonté et le pouvoir d’atteindre ce but que je serai prêt à prendre la responsabilité de sacrifier toute une génération de la jeunesse allemande. Même si tel doit en être le prix, je n’hésiterai pas une seconde à me charger la conscience de la mort de deux ou trois millions d’Allemands, en pleine connaissance du poids de ce sacrifice. »
« Pour les États baltes, la situation est différente. Nous germaniserons facilement la population. Il y a là des races qui, ethniquement, nous sont apparentées et qui seraient devenues allemandes depuis longtemps si les préjugés et l’orgueil social des barons baltes n’avaient pas dressé des obstacles artificiels. »
« D’ailleurs, les problèmes de frontière m’intéressent peu en eux-mêmes. Si je leur sacrifiais ma politique, nous serions bien vite au bout du rouleau et le peuple allemand n’y gagnerait rien. Aussi veux-je en finir avec la sentimentalité niaise des Tyroliens du sud. Il ne me viendra jamais à l’idée, à cause de cette question qui pourrait intervenir dans les lignes fondamentales de notre politique, de me laisser égarer et gêner pour une alliance avec l’Italie, si je la juge utile. Au cours de sa malheureuse histoire, le peuple allemand a été toujours et partout exploité comme du bétail. Je ne me laisserai pas conduire par des souvenirs de notre passé si honorables qu’ils soient, à commettre une folie politique. Pour l’Alsace et pour la Lorraine, la situation est encore différente. Nous ne renoncerons jamais. Ce n’est pas parce que ces régions sont peuplées d’originaires allemands, c’est simplement parce que nous avons besoin de territoires et d’autres encore pour arrondir notre noyau territorial à l’Ouest, exactement comme nous avons besoin de la Bohême au sud et le Posen, de la Prusse orientale, de la Silésie et des pays baltes, à l’est et au nord. »
(…) « La société sans classes des marxistes est une folie. L’ordre implique toujours une hiérarchie. Mais la conception démocratique d’une hiérarchie basée sur l’argent n’est pas une moindre folie. Une véritable domination ne peut naître des bénéfices hasardeux réalisés par la spéculation des gens d’affaires. Le secret de notre succès est précisément d’avoir rétabli au centre de la lutte politique, la loi vitale de la véritable domination. La véritable domination ne peut naître que là où se trouve la véritable soumission. Il ne s’agit point de supprimer l’inégalité parmi les hommes, mais au contraire de l’amplifier et d’en faire une loi protégée par des barrières infranchissables comme dans les grandes civilisations des temps antiques. Il ne peut y avoir un droit égal pour tous. Nous aurons le courage de faire de ceci non seulement la maxime de notre conduite, mais encore de nous y conformer. C’est pourquoi je ne reconnaîtrai jamais aux autres nations le même droit qu’à la nation allemande. Notre mission est de subjuguer les autres peuples. Le peuple allemand est appelé à donner au monde la nouvelle classe de ses maîtres. »
(…) « Non, mes camarades, on ne discute pas sur la création d’une « couche supérieure ». On la crée, et pour la créer, il n’y a qu’un seul moyen, c’est le combat. La sélection de la nouvelle élite des Führer sortira de « mon combat », de ma lutte pour le pouvoir. Celui qui se rallie à moi est élu du fait même de son ralliement et de la qualité du concours qu’il m’apporte, c’est la grande signification révolutionnaire de notre long et tenace combat pour le pouvoir, qu’il implique la naissance d’une nouvelle classe de chefs, appelés à diriger non seulement les destinées du peuple allemand, mais encore celles du monde entier. »
« Le nouvel ordre social qui doit naître en même temps qu’une nouvelle classe de chefs, ne sera pas le fruit de rêveries spéculatives ni d’expériences de laboratoire : il jaillira d’un seul processus historique. Nous sommes précisément au centre de ce processus. Nous vivions au milieu du bouleversement révolutionnaire qui naît de l’abdication des vielles classes sociales et de l’ascension des nouvelles. Mais, messieurs les marxistes se trompent quand ils s’imaginent que c’est le prolétaire qui remplacera le Junker à la tête du nouvel ordre social. Une telle idée traduit assez bien la ridicule lâcheté de la bourgeoisie capitularde, qui voit dans l’ouvrier d’usine une sorte de sauveur mystique apportant le salut social. Le prolétariat, dans sa signification politique actuelle, est un des symptômes provisoires d’un ordre social agonisant exactement comme la noblesse et la bourgeoisie. »
« Quel aspect prendra le futur ordre social, mes camarades, je vais vous le dire : il y aura une classe de seigneurs, provenant des éléments les plus divers, qui se sera recrutée dans le combat et trouvera ainsi sa justification historique. Il y aura la foule des divers membres du parti, classés hiérarchiquement. C’est eux qui formeront les nouvelles classes moyennes. Il y aura aussi la grande masse des anonymes, la collectivité des serviteurs, des mineurs, ad aeternum. Peu importe que dans la ci-devant société bourgeoise, ils aient été des propriétaires agricoles, des travailleurs ou des manœuvres. La position économique et le rôle social d’autrefois n’auront plus la moindre signification. Ces distinctions ridicules seront fondues dans un seul et unique processus révolutionnaire. Au-dessous encore, nous verrons la classe des étrangers conquis, de ceux que nous appellerons froidement les esclaves modernes. Et au-dessus de tout cela, il y aura la nouvelle haute noblesse, composée des personnalités dirigeantes les plus méritantes et les plus dignes de la responsabilité. De la sorte, dans la lutte pour le pouvoir et pour la domination à l’intérieur et à l’extérieur de la nation, il se créera un ordre nouveau. Mais cette transformation ne s’effectuera pas, comme le pensent nos professeurs et autres rats de bibliothèque, par une constitution qu’ils auront agencée et que promulguera quelque décret gouvernemental. »
« Oui, je suis d’accord avec ce que vient de dire notre camarade Darré. C’est dans l’Est que nous trouverons notre grand champ d’expériences. C’est là que naîtra le nouvel ordre social européen. Telle est la grande signification de notre politique de l’Est. Un dernier mot pour conclure. Il est certain que dans la nouvelle aristocratie que nous créerons, nous admettrons également les représentants d’autres nationalités, qui se seront montrées sympathiques à notre combat. Sur ce point encore, je pense exactement comme Darré et comme Himmler. Le racisme biologique n’est qu’un des aspects de notre système. D’ailleurs, d’ici peu, nous déborderons les frontières de l’étroit nationalisme d’aujourd’hui, car les grands empires naissent bien sur une base nationale, mais ils la laissent très vite derrière eux. »
« Et j’en arrive ainsi à ce que l’on appelle la culture ou l’éducation. Aussi sûr et certain que les plans que nous avons discutés ce soir doivent rester ignorés des simples militants du parti, il n’est pas moins sûr qu’il faut en finir une fois pour toutes avec ce que l’on appelle l’instruction générale. L’instruction générale est le poison le plus corrosif et le plus dissolvant que le libéralisme ait jamais trouvé pour sa propre destruction. Il ne peut y avoir qu’un degré d’instruction pour chaque classe, et dans la classe, pour chaque échelon. La liberté totale de l’instruction est le privilège de l’élite et de ceux que l’élite admet dans son sein. Tout l’appareil de la science doit rester sous un contrôle permanent. La science est l’instrument de la vie, mais elle n’en est pas l’essence. Conséquents avec nous-mêmes, nous accorderons à la grande masse de la classe inférieure le bienfait de l’analphabétisme. Mais nous, nous nous libérerons de tous les préjugés humanitaires et scientifiques. Et à cet effet, je ferai prêcher, dans les collèges de Junkers que j’ai l’intention de créer et que devront fréquenter tous les futurs membres de notre aristocratie, l’Évangile de l’homme libre, de l’homme maître de la mort et de la vie, s’élevant au-dessus de la crainte humaine et de la superstition, de l’homme qui s’entraîne à devenir maître de son corps, de ses muscles et de ses nerfs, aussi parfaitement que le simple soldat, mais qui dominera en outre les tentations de l’esprit ou d’une soi-disant liberté scientifique. »

C’est à partir de cette énième rencontre que Hermann Rauschning commence à prendre ses distances avec le Parti National-Socialiste, le N.S.D.A.P. (Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands). En effet, la volonté d’Hitler d’exterminer des populations entières comme les Juifs et la religion en générale, effraye Rauschning. Pour Hitler seule l’Idéologie Hitlérienne obligatoire, celle de la « pureté de la race Allemande aryenne » doit régner sur le Monde (pages 91, 92 et 94) :
« Les religions ? Toutes se valent. Elles n’ont plus, l’une ou l’autre aucun avenir. Pour les Allemands tout au moins. Le fascisme peut, s’il le veut, faire sa paix avec l’Église. Je ferai de même. Pourquoi pas ? Cela ne m’empêchera nullement d’extirper le christianisme de l’Allemagne. Les Italiens, gens naïfs, peuvent être en même temps des païens et des chrétiens. Les Italiens et les Français, ceux qu’on rencontre à la campagne, sont des païens. Leur christianisme est superficiel, reste à l’épiderme. Mais l’Allemand est différent. Il prend les choses au sérieux : il est chrétien ou païen, mais non l’un et l’autre. D’ailleurs, comme Mussolini n’arrivera jamais à faire de ses fascistes des héros, peu importe qu’ils soient païens ou chrétiens. »
« Pour notre peuple, au contraire, la religion est affaire capitale. Tout dépend de savoir s’il restera fidèle à la religion judéo-chrétienne et à la morale servile de la pitié, ou s’il aura une foi nouvelle forte, héroïque, en lui-même, en un Dieu indissociable de son destin et de son sang. »
Après une légère pause, Hitler poursuivit : « Laissons de côté les subtilités. Qu’il s’agisse de l’Ancien Testament ou du Nouveau, ou des seules paroles du Christ, comme le voudrait Houston Stewart Chamberlain, tout cela n’est qu’un seul et même bluff judaïque. Une Église allemande ! Un christianisme allemand ? Quelle blague ! On est ou bien chrétien ou bien allemand, mais on ne peut pas être les deux à la fois. Vous pourrez rejeter Paul l’épileptique de la chrétienté. D’autres l’ont déjà fait. On peut faire de Jésus une noble figure et nier en même temps sa divinité. On l’a fait de tout temps. Je crois même qu’il existe en Amérique et en Angleterre, encore aujourd’hui, des chrétiens de cet acabit, qu’on nomme des « unitaires » ou quelque chose dans ce goût-là. Toute cette exégèse ne sert exactement à rien. On n’arrivera pas ainsi à se délivrer de cet esprit chrétien que nous voulons détruire. Nous ne voulons plus d’hommes qui louchent vers « l’au-delà ». Nous voulons des hommes libres, qui savent et qui sentent que Dieu est en eux. »
À une observation de Streicher, ou de Gœbbels, que je n’entendis d’ailleurs point, Hitler reprit : « Ce serait folie de notre part de vouloir faire de Jésus un Aryen. Ce que Chamberlain a écrit là-dessus est tout simplement idiot ; encore suis-je poli. Ce que nous ferons ? Je vais vous le dire : nous empêcherons que les Églises fassent autre chose que ce qu’elles font à présent, c’est-à-dire perdre tous les jours un peu plus de terrain. Croyez-vous, par hasard, que les masses redeviendront jamais chrétiennes ? Stupidité ! Jamais plus ! Le film est terminé, plus personne n’entrera dans la salle, et nous y veillerons. Les curés devrons creuser leur propre tombe. Ils nous vendront d’eux-mêmes leur bon Dieu ! Pour conserver leurs fonctions et leur misérable traitement, ils consentiront à tout. » (Note n°1 : À rapprocher des nombreuses diatribes antichrétiennes rapportées par Martin Bormann (cf. Libres propos sur la guerre et la paix recueillis sur l’ordre de Martin Bormann, 2 vol., Flammarion édit, 1952). « À la longue, déclare par exemple Hitler en juillet 1941, le national-socialisme et la religion ne pourront plus coexister… Le coup le plus dur qui ait frappé l’humanité, c’est l’avènement du christianisme. Le bolchevisme est un enfant illégitime du christianisme. L’un et l’autre sont des inventions du Juif. Par le christianisme le mensonge conscient en matière de religion a été introduit dans le monde… »).
« Et nous, quel programme devrons-nous suivre ? Exactement celui de l’Église catholique, lorsqu’elle a imposé sa religion aux païens : conserver ce qu’on peut conserver et réformer le reste. Par exemple, Pâques ne sera plus la Résurrection, mais l’éternelle rénovation de notre peuple. Noël sera la naissance de notre sauveur, c’est-à-dire de l’esprit d’héroïsme et d’affranchissement. Pensez-vous qu’ils n’enseigneront pas ainsi notre Dieu dans leurs églises, ces prêtres libéraux qui n’ont plus aucune croyance et qui exercent simplement une fonction ? qu’ils ne remplaceront pas leur Croix par notre croix gammée ? Au lieu de célébrer le sang de leur Sauveur d’autrefois, ils célèbreront le sang pur de notre peuple ; ils feront de leur hostie le symbole sacré des fruits de notre terre allemande et de la fraternité de notre peuple. Mais oui, je vous l’assure, ils mangeront ce pain-là, et alors, Streicher, vous verrez les églises de nouveau remplies. Si nous le voulons ce sera notre culte à nous qui sera célébré dans les églises. Mais ce n’est pas encore pour aujourd’hui. »
En effet, le propre d’un système Totalitaire est de tout détruire : cultures, institutions, religions, etc., et d’exterminer tous ceux qui n’adhèrent pas ou seraient susceptibles de ne pas adhérer à l’Idéologie unique et obligatoire. L’objectif ultime de ces systèmes Totalitaires : Communisme et Nazisme, est d’exterminer le « Peuple Ancien », pour créer, régénérer un « Peuple Nouveau » soi-disant « pur et parfait ».

À travers ces entretiens, Hermann Rauschning témoigne également du fait qu’Hitler est incapable de s’exprimer calmement et sereinement. Soit il sombre dans un mutisme total, soit il vocifère. Il s’exprime de manière incontrôlée, puissante et rapide pour imposer son opinion, sans laisser à son interlocuteur la moindre chance de pouvoir s’exprimer. Il est totalement privé du sens de l’humour et de la simple joie de vivre. Son état normal est un état permanent de colère et de haine.

La volonté d’Hitler de conquérir le Monde passe également par la conquête de États-Unis (pages 117 et 118) :
« – Voulez-vous dire, demandai-je à Hitler, que le Germano-Américain, régénéré par le national-socialisme, est appelé à diriger les destinées de l’Amérique ?
– C’est exactement cela, répondit Hitler. D’ici très peu de temps, nous aurons une organisation de S.A. aux États-Unis. Nous dresserons nos jeunes gens et nous aurons alors des hommes, auxquels la pourriture yankee n’aura personne à opposer. Ce sera à notre jeunesse de reprendre la grande tâche que Washington n’a pas accomplie et que la démocratie corrompue a foulée aux pieds. »
(…) « Hitler s’échauffa : « Comprenez donc une bonne fois que notre lutte contre Versailles et notre lutte pour un ordre nouveau dans le monde ne sont qu’une seule et même chose et qu’il ne nous est pas possible de nous arrêter à une limite nous à une autre, suivant notre commodité. Nous réussirons à faire de notre système politique et social une réalité mondiale, à l’imposer à toutes les nations. Ou bien nous échouerons même dans la lutte banale que nous menons contre un traité de paix, qui, en vérité, n’a jamais existé et qui, dès le premier jour de son entrée en vigueur, a démontré que l’on avait confondu les vainqueurs avec les vaincus. »
Puis Hermann Rauschning continue d’analyser très finement la personnalité d’Hitler, cette fois-ci sur l’aspect de la perfidie du Führer. Il prend l’exemple du faux attentat de l’incendie du Reichstag par de soi-disant ennemis, dans la nuit du 27 au 28 février 1933 ; alors que c’est Hitler en personne qui a commandité cet incendie, et Gœring qui a exécuté ce plan machiavélique. Hermann Rauschning compare ensuite les deux personnalités d’Hitler et de Gœring (pages 128 et 129) :
« Certes, Gœring a toujours eu une attitude assez opposée à celle d’Hitler, et dans le cercle de ses amis intimes. Mais, dans les crises décisives, il s’est tenu toujours aux côtés du Führer. Il a fait incendier le Reichstag sur l’injonction d’Hitler, mais il en a revendiqué la responsabilité totale, de même qu’il a revendiqué celle des assassinats du 30 juin 1934, parce qu’il considérait Hitler comme trop timoré et trop indécis pour l’accepter. C’est là qu’est toute la différence entre Hitler et Gœring. Hitler est constamment obligé de s’arracher à la léthargie et au doute et de s’exciter à une sorte de transe avant de pouvoir agir. Chez Gœring, l’immoralisme est devenu comme une seconde nature. »
L’autre évènement auquel fait allusion, Hermann Rauschning, est donc celui, désormais, nommé dans l’histoire du Nazisme comme : « La nuit des longs couteaux ». Il s’agit d’une sorte de « purge » du Parti Nazi, dans la courte période située entre le 29 juin et le 2 juillet 1934 (mais essentiellement concentrée dans la nuit du 29 au 30 juin), durant laquelle Hitler fit assassiner plus de mille personnes : opposants réels, potentiels ou supposés et de simples innocents.
À l’occasion de l’incendie du Reichstag, Hitler stipule à ses interlocuteurs, par le mensonge et la propagande, son inflexible détermination à faire régner la Terreur de masse (pages 130 et 131) :
« Eh bien, oui, poursuivit Hitler, nous sommes des barbares, et nous voulons être des barbares. C’est un titre d’honneur. Nous sommes ceux qui rajeuniront le monde. Le monde actuel est près de sa fin. Notre tâche est de le saccager. » Il parla d’abondance de la nécessité historique de lancer sur les civilisations agonisantes des hordes barbares, afin de faire jaillir de ce marécage et de cette pourriture une vie nouvelle ! Il dit ensuite comment il entendait traiter les communistes et les socialistes. « On s’est imaginé que j’allais prendre des gants avec eux, que je me contenterais de les haranguer. Non, non, nous ne sommes pas en mesure de faire de l’humanitarisme. Je ne vais pas non plus entreprendre des enquêtes sans fin pour trier les hommes de bonne volonté, les innocents et les justes. Il faut nous libérer de toute sentimentalité et devenir durs. Si je dois un jour déclarer la guerre, est-ce que je pourrai m’attarder ou m’attendrir sur le sort de dix millions de jeunes gens que j’enverrai à la mort ? » Hitler s’indignait, nous prenait à témoins : « Peut-on exiger sans rire que je boucle les seuls communistes qui sont des criminels avérés ? C’est affaire aux bourgeois que de tranquilliser leur conscience par une procédure régulière. Pour moi, il n’y a qu’un seul droit, c’est le droit vital de la nation. »
L’entretien n’en finissait pas. Hitler se perdait en considérations prolixes sur l’incapacité politique des partis bourgeois et des socialistes. « Je n’ai plus d’autre choix possible, conclut-il enfin. Je suis obligé d’accomplir des actes qui débordent la légalité. Qu’on ne me juge donc pas à la mesure de la morale bourgeoise. Cet incendie du Reichstag me donne les moyens d’agir et j’agirai. » Le terrorisme, dit-il encore, se justifiait par la nécessité de frapper l’esprit des bourgeois, d’éveiller en eux la crainte des attentats communistes et en même temps de leur faire redouter la poigne du maître. « Le monde, déclare-t-il, ne peut être gouverné que par l’exploitation de la peur. »
Rauschning reprend alors ses descriptions sur le comportement incontrôlable et hérétique d’Hitler, lorsqu’il a des crises d’hystérie, sortes de transes furibondes. Qui plus est, ce passage décrit encore une fois toute l’incommensurable Inhumanité d’Hitler (pages 132, 133 et 134) :
» Hitler avait pris connaissance des premières plaintes sur les atrocités commises dans les camps de concentration. Je me souviens d’un cas survenu à Stettin, où dans les ateliers vides des chantiers Vulkan on avait traité d’une manière épouvantable des gens de condition aisée, dont quelques-uns étaient d’origine juive. Les tortionnaires s’étaient conduits avec une cruauté bestiale. L’écho en était parvenu jusqu’à Gœring qui s’était trouvé dans l’obligation d’ordonner une enquête et, dans ce cas, au moins, il avait fallu sévir.
En ce temps-là on s’excusait couramment de ces atrocités en alléguant qu’il ne fallait tout de même pas oublier que la révolution se déroulait en Allemagne dans des conditions exceptionnellement douces et débonnaires, et qu’on n’avait pas le droit de généraliser certains excès isolés. En réalité, il s’agissait de tout autre chose. Les atrocités, perpétrées par les S.A. et par les S.S. avec un raffinement inouï de cruauté contre des adversaires politiques, faisaient partie d’un plan politique délibérément établi. Les gardiens qu’on recrutait pour le service des camps de concentration étaient systématiquement choisis dans les bas-fonds et les milieux criminels. J’ai eu l’occasion de recueillir maintes précisions édifiantes. On introduisait dans les formations paramilitaires du parti des alcooliques et des criminels. C’est un trait caractéristique du régime que cette sélection de la pègre pour l’accomplissement de certaines besognes politiques.
J’étais présent le jour où le Führer fut avisé des incidents survenus à Stettin et dans d’autres villes. Il accueillit ces rapports avec une remarquable indifférence. Non seulement il ne s’indigna pas, comme on aurait pu le supposer, des excès de ses gens, mais au contraire, il se répandit en insultes contre ceux qui semblaient attacher de l’importance à ces « histoires ridicules ». Ce fut aussi pour la première fois, mais non la dernière, que j’entendis Hitler pousser des vociférations et des hurlements ; je le vis perdre tout contrôle de lui-même. Il criait à perdre la voix, il trépignait et frappait du poing sur la table et contre les murs. Sa bouche écumait ; il haletait comme une femme hystérique et éructait des exclamations entrecoupées : « Je ne veux pas !… F…z le camp ! traîtres ! » Ses cheveux étaient en désordre, son visage contracté, ses yeux hagards et sa face cramoisie. Sur le moment, j’eus peur qu’il ne tombât victime d’une attaque.
Brusquement, tous ces symptômes disparurent. Il arpenta la pièce, toussa pour s’éclaircir la voix, se lissa les cheveux, puis regarda autour de lui d’un air timide et méfiant et jeta sur nous des regards scrutateurs. J’eus l’impression qu’il cherchait à savoir si l’un de nous riait. Et, je dois l’avouer, je sentis monter en moi, plutôt qu’une réaction nerveuse, une forte envie de rire.
« Tout cela est ridicule ! dit-il enfin d’une voix enrouée. Avez-vous remarqué comme les badauds accourent lorsque des voyous se battent sur le trottoir ? La cruauté en impose. La cruauté et la brutalité. L’homme de la rue ne respecte que la force et la sauvagerie. Les femmes aussi, les femmes et les enfants. Les gens éprouvent le besoin d’avoir peur ; c’est l’effroi qui les soulage. Qu’une réunion publique finisse en bagarre, n’avez-vous par remarqué que ceux qui ont été le plus sévèrement rossés, sont les premiers à solliciter leur inscription au parti ? Et vous me parlez de cruauté et vous vous indignez pour des racontars de tortures ? Mais c’est justement ce que veulent les masses. Elles ont le besoin de trembler. » Hitler s’arrêta pendant quelques instants, puis il reprit sur son ton habituel : « J’interdis qu’on prenne des sanctions. À la rigueur, je veux bien qu’on punisse une ou deux personnes, afin d’apaiser ces abrutis de « nationaux-allemands ». Mais je ne veux pas qu’on transforme les camps de concentration en pensions de famille. La terreur est l’arme politique la plus puissante et je ne m’en priverai pas sous prétexte qu’elle choque quelques bourgeois imbéciles. Mon devoir est d’employer tous les moyens, pour endurcir le peuple allemand et pour le préparer à la guerre. »
Hitler arpentait son bureau avec agitation. « Je ne me conduirai pas autrement dans une guerre. C’est la guerre modérée qui est la plus cruelle. Je sèmerai la terreur par l’emploi brusqué de tous mes moyens de destruction. Le succès dépend du choc brutal qui terrorise et démoralise. Pourquoi donc agirais-je autrement avec mes ennemis politiques ? Ces prétendues atrocités m’épargneront des centaines de milliers de procès contre les malveillants et les mécontents. Ils y regarderont à deux fois avant de rien entreprendre contre nous, lorsqu’ils sauront ce qui les attend dans les camps de concentration. »
Personne n’osait poser de questions. « Je ne veux plus entendre parler de ces histoires-là. C’est à vous de veiller à ce qu’on ne puisse constituer de dossiers sur ces prétendus « cas ». Je ne veux pas distraire une parcelle de ma capacité de travail pour des bagatelles aussi ridicules. Et s’il y a parmi vous des froussards que cela offusque, qu’ils aillent vivre au couvent chez les bonnes sœurs. Ils n’ont pas de place dans mon parti. »
Guidé par une haine viscérale, Hitler a constamment besoin d’exprimer cette haine lors de colères féroces. Il passe instantanément du calme à la tempête, pour se calmer à nouveau.
Dès 1933, Hitler, rêvant d’annexer l’Autriche, prononce cyniquement ces propos racistes et antisémites… (page 139) :
« Cette Autriche est enjuivée. Vienne n’est plus une ville allemande. On n’y trouve plus que des métis slaves. Un Allemand convenable n’est plus rien. Les curés et les juifs gouvernent. Il faut écraser cette vermine ! » Tout en parlant, ils nous invitait à nous servir. Les Dantzikois assis à sa table l’écoutaient avec ahurissement. »
À ce moment du livre, Hermann Rauschning commence donc à évoquer l’antisémitisme viscéral d’Hitler. Après un premier pogrom anti-juifs qui a lieu dès 1933, puis de nombreuses autres mesures antisémites comme les ignobles lois de Nuremberg du 15 septembre 1935 ; le 7 novembre 1938, Hitler se sert du prétexte de l’assassinat du troisième secrétaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris, Ernst von Rath, par un israélite allemand d’origine polonaise, Henschel Grybspan, pour déclencher l’un des plus importants pogroms contre les Juifs, avant la Shoah !
Une centaine de Juifs sont exécutés et entre 20 000 et 30 000 personnes sont arrêtées et/ou déportées… Désormais, dans l’histoire, cet effroyable pogrom perpétré dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, porte le nom de : la « Nuit de Cristal ».
Hermann Rauschning tente d’élucider pour nous, le phénomène de la faible résistance au Nazisme et à Hitler, notamment parmi les fonctionnaires du Parti. Peut-être plus que par Idéologie, il nous aide à comprendre pourquoi si peu de fonctionnaires du IIIème Reich, ont essayé de s’opposer à Hitler. Ces raisons reposent essentiellement sur : l’extrême pusillanimité de ces individus, le carriérisme, le zèle consistant à se faire bien voir au sein du Parti Nazi, l' »accaparation » et la peur (pages 153 à 155) :
« Le chemin qui menait le régime à sa ruine était, dès cette époque, pavé des pires intentions. Il s’étalait, dans les milieux nazis, un cynisme qui, la veille encore, eût paru inconcevable. Petits et grands dans le parti affichaient sans se gêner leur volonté d’accaparer, de jouir, de se dédommager des privations passées et surtout d’entasser pour l’avenir. Ne rien laisser aux autres, se garder de tout risque, se maintenir au peloton de tête, éviter à tout prix de retomber dans la foule des anonymes, dans la masse des sans-pouvoir. Les antichambres regorgeaient de chasseurs de places qui exprimaient leurs exigences sans vergogne : « Le Führer l’a dit », répondaient-ils naïvement, « les vieux combattants doivent tous avoir un emploi et du pain. Aurions-nous combattu pour rentrer chez nous les mains vides ? »
Quelqu’un me demanda un jour une place de conseiller d’État à Dantzig. Ce qui l’intéressait, n’était pas tellement le traitement ou l’emploi, mais le droit à la pension. Il voulait être assuré pour toujours. Dieu sait que ces quémandeurs n’étaient pas de véritables combattants. Presque tous étaient de pauvres diables, suant de peur pour l’avenir. « Je ne veux pas retomber dans la misère », me cria un jour un autre avec emportement. « Vous pouvez peut-être attendre, vous, vous n’avez pas le feu au derrière. Vous ne savez pas ce c’est que d’être chômeur ! Plutôt que de recommencer, je commettrai n’importe quel crime. Je veux me maintenir à la surface à n’importe quel prix. L’occasion ne reviendra plus. »
Des besogneux, des criminels, voilà ce qui constituait la « vieille garde » d’Hitler. Chacun cherchait à faire sa pelote et pouvait se référer aux promesses du Führer. Personne, si haut placé fût-il, n’était sûr que ce beau temps durerait toujours. Personne n’avait confiance dans une ère national-socialiste de mille ans. Le président d’une grande banque m’avoua un jour ouvertement qu’il avait exposé sa peau pendant la guerre mondiale, mais qu’il ne pensait plus du tout à risquer quoi que ce fût. Il était disposé à tout accepter pour ne pas se compromettre, car, disait-il, il n’avait plus la moindre envie de risquer sa peau.
Une course effrénée au profit cynique commençait. Les vieilles classes dirigeantes voulaient se maintenir au pouvoir. Laissant de côté toute honte et toute dignité, elles se cramponnaient à leurs positions et faisaient servilement tout ce qu’on exigeait d’elles, pour ne pas perdre leur part du gâteau. Les femmes, plus acharnées que les hommes, les poussaient à plier et céder ; elles ne voulaient pas renoncer aux belles voitures et aux riches résidences. C’étaient elles qui minaient de leurs doléances la conscience de leurs maris, leur répétant qu’il fallait penser aux enfants et à leur avenir. La nouvelle classe des parvenus nazis de son côté cherchait à percer brutalement et par tous les moyens. À aucune époque on n’a vu en Allemagne une telle déchéance de l’honnêteté et du caractère. Pourquoi n’a-t-on pas acheté toute cette clique ? Elle était à vendre, les vieux et les jeunes, l’ancienne classe dirigeante avec la nouvelle, en bloc et en détails. Elle était, elle est encore au plus offrant. Cela aurait coûté moins cher que la guerre. »
Hitler déteste tout ce qui ne relève pas de l’Hitlérisme : le Marxisme, le Libéralisme, et surtout…, la Démocratie. Il ne veut faire, et ne sait faire qu’une seule chose : tout détruire, pour tout reconstruire sur les fondements du Nazisme (pages 165 et 167) :
« Tout ce qui s’oppose à nous est d’une misérable impuissance. Nos adversaires sont incapables d’agir parce qu’ils ont oublié toutes les lois spécifiques de l’action. Le secret du succès des nationaux-socialistes, c’est d’avoir discerné que la bourgeoisie et ses idées politiques étaient irrévocablement condamnées. La démocratie est un poison qui détruit n’importe quelle entité nationale. Plus un peuple est fort et sain, plus sûrement il y succombe. Avec le temps, les vieilles démocraties sont parvenues à s’immuniser dans une certaine mesure et peut-être pourront-elles végéter encore pendant quelques décennies. Quant à l’Allemagne, dont le peuple est jeune et moralement intact, le poison agit sur elle de la manière la plus virulente. On peut aisément le comparer à la syphilis. Quand cette maladie fut, pour la première fois, importée d’Amérique en Europe, elle eut presque toujours des suites mortelles ; mais, quand de nombreuses générations l’eurent assimilée, elle perdit une grande partie de sa nocivité. Le corps s’immunise, la maladie n’est plus dangereuse. »
(…) « Le peuple allemand, poursuivit-il, avait dû être soustrait à la pestilence démocratique, qui le conduisait à sa perte. Aujourd’hui même en vérité nous ne savons pas encore où nous allons. Nous sommes pris dans une perturbation gigantesque, dont nous ne voyons que le début. Mais nous savons ce que nous voulons. Nous voulons la révolution. Nous ne reculerons plus. J’ai rompu les ponts délibérément, en ce qui concerne la politique extérieure. Je veux forcer le peuple allemand, qui hésite encore devant son destin, à s’engager dans la voie de la grandeur. Ce n’est que par la révolution mondiale que j’atteindrai mon but. Il ne faut plus laisser d’autre issue à l’Allemagne. Il faut la pousser implacablement au triomphe, sinon elle retomberait à la vie précaire et au renoncement. »
Contrairement à ce qu’Hitler laisse croire au grand public, dans ses échanges privés, il estime qu’il existe une certaine complémentarité entre le Communisme (Bolchevisme) et le Nazisme. Ou tout du moins, en opportuniste qu’il est, Hitler change ses alliances en fonctions de ses intérêts stratégiques et Idéologiques. Ici, Hermann Rauschning nous relate une autre très intéressante conversion avec Hitler, concernant les relations entre l’Allemagne Nazie et l’U.R.S.S. Stalinienne (pages 190, 191, 192, 193 et 194) :
« Je répondis que je n’avais pas songé à une alliance durable entre l’Allemagne et la Russie, mais à des arrangements temporaires pour couvrir notre arrière. D’ailleurs, je ne pouvais pas non plus me convaincre qu’une telle alliance fût sans danger pour l’Allemagne.
« Pourquoi ? demanda brusquement le Führer. De toute façon, je n’ai pas dit cela.
– Je pense au danger d’une bolchevisation de l’Allemagne.
– Ce danger n’existe pas et n’a jamais existé, répliqua Hitler. Vous oubliez que la Russie n’est pas seulement le pays du bolchevisme, mais qu’elle est en même temps le plus grand empire continental du monde, qu’elle dispose d’un potentiel immense et qu’elle pourrait attirer toute l’Europe à elle. Les Russes absorbent leurs partenaires, ils avalent le lapin avec la peau et les poils. C’est là qu’est le danger. On ne peut s’allier à eux qu’intégralement ou pas du tout. »
Je lui fis alors remarquer que, si je l’avais bien compris, il faisait une différence entre la Russie comme État et la Russie comme foyer du bolchevisme. Quant à moi, je n’étais pas du tout certain qu’une entente fût possible entre l’Allemagne et la Russie, sur le terrain diplomatique et pratique, sans tenir compte du bolchevisme, comme d’un facteur qui représentait toujours un danger pour nous. « Ce n’est pas l’Allemagne qui sera bolchevisée, c’est le bolchevisme qui deviendra une sorte de national-socialisme, répondit Hitler. D’ailleurs, il existe entre nous et les bolchevistes plus de points communs que de divergences, et tout d’abord le véritable esprit révolutionnaire, que l’on trouve en Russie comme chez nous, partout du moins où les marxistes juifs ne mènent pas le jeu.
J’ai toujours tenu compte de cette vérité et c’est pourquoi j’ai donné l’ordre d’accepter immédiatement dans le parti tous les ex-communistes. Les petits bourgeois social-démocrates et les bonzes des syndicats ne pourront jamais devenir de véritables nationaux-socialistes ; les communistes toujours. »
(…) « Notre esprit révolutionnaire est si fort, la vitalité de notre admirable mouvement est d’une vigueur si élémentaire, qu’il parvient à modeler les gens même contre leur volonté. »
(…) Une révolution radicale de notre situation sociale me procurera des forces nouvelles et insoupçonnées. Je ne crains pas une désorganisation révolutionnaire due à la propagande communiste. Mais nous nous trouvons en face d’un partenaire ou d’un adversaire aussi fort que nous et dont il faudra nous méfier. L’Allemagne et la Russie se complètent d’une façon merveilleuse. Elles sont véritablement faites l’une pour l’autre ; mais c’est là justement qu’il faut craindre le danger d’être aspirés et dissous en tant que nation. Avez-vous remarqué que les Allemands qui ont longtemps vécu en Russie ne peuvent plus jamais redevenir Allemands ? L’espace colossal les a envoûtés. La raison qui fait de Rosenberg un si farouche adversaire des bolcheviks, c’est qu’ils l’empêchent d’être un Russe. »
(…) « Il serait naïf de s’imaginer que nous poursuivrons notre ascension jusqu’au bout, sur une route rectiligne. Nous changerons nos fronts selon nos besoins et non pas seulement les fronts militaires. Mais, pour le moment, restons-en à notre doctrine officielle et continuons à voir dans le bolchevisme notre ennemi mortel. Nous devons essayer de reprendre l’offensive au point précis où nos armées ont dû s’arrêter lors de la dernière guerre. L’objectif principal est toujours, comme par le passé, d’anéantir à tout jamais les masses menaçantes du panslavisme impérialiste. L’Allemagne ne peut s’étendre et grandir sous la pression de cette masse. N’oublions pas que la natalité des peuples slaves est supérieure à celle de tout le reste de l’Europe. Notre mission est d’empêcher que la steppe russe déborde sur l’Europe. Rien ne pourra éviter le combat décisif entre l’esprit Allemand et l’esprit panslaviste, entre la race et la masse. Il y a là un abîme que nulle communauté d’intérêts ne saurait combler. Il faut que la hiérarchie des maîtres subjugue le pullulement des esclaves. Nous sommes le seul peuple capable de créer le grand espace continental, en imposant notre poigne et non pas en concluant des pactes avec Moscou. Cette partie suprême, nous la jouerons et la gagnerons. La victoire enfoncera devant nous la porte de l’hégémonie mondiale. Cela ne veut pas dire que je ne ferai pas un bout de chemin avec les Russes, si cela peut nous être utile ; mais avec le dessein bien arrêté de revenir à notre but essentiel dès que je le pourrai. »
Cet échange particulièrement intéressant, préfigure déjà les contours de ce qui deviendra l’alliance provisoire entre les deux grands régimes Totalitaires (Communisme et Nazisme) au XXème siècle, entre 1939 et 1941 : le double Pacte Germano-Soviétique entre Hitler et Staline. Le premier Pacte sera signé le 23 août 1939 et le second, le 28 septembre de la même année. L’invasion d’une partie de la Pologne par Hitler, le 1er septembre 1939, déclenchera la Seconde Guerre Mondiale. Staline, lui, à son tour, envahira l’autre partie de la Pologne à compter du 17 septembre 1939 !

Hitler s’épanche également auprès de Rauschning sur ce qu’il considère comme la menace principale pour l’Allemagne Nazie : que la « race aryenne » Allemande devienne « impure » (pages 195 à 198) :
« Au cours de l’entretien que j’ai rapporté sur sa politique étrangère, il avait laissé échapper une phrase qui mérite une attention spéciale. Hitler avait, une fois de plus, évoqué le danger que représente pour le peuple allemand sa proportion trop élevée d’éléments slaves. Cette imprégnation finirait inévitablement par modifier le caractère racial. « Nous avons déjà beaucoup trop de sang slave dans les veines. N’avez-vous pas remarqué combien de personnes, occupant des situations importantes en Allemagne, portent des noms slaves ? Un spécialiste de la question m’a affirmé qu’il y a cinquante ans encore la situation était différente. Je crois que son enquête a principalement porté sur la magistrature prussienne. Ce même expert m’a affirmé qu’un pourcentage relativement important de délits ou de crimes étaient commis par des gens dont le nom avait une consonance slave. Quelle conclusion en tirez-vous ? On pourrait croire qu’une minorité, socialement inférieure, arrive peu à peu à constituer une classe dirigeante. Il y a là un danger terrible pour le peuple allemand. Il est en train de perdre son originalité nationale, tandis qu’un peuple étranger s’empare de sa langue. Le peuple, dans l’ensemble, est toujours allemand. Mais il vit en terre germanique comme dans une maison étrangère. L’Allemand cent pour cent n’est plus qu’un étranger toléré dans sa propre nation. C’est un résultat analogue à celui que les juifs, d’une autre manière, avaient presque obtenu. »
Hitler se tut. Je ne l’interrompis pas. « Le moins, reprit-il, que nous puissions faire, est d’empêcher que ce sang étranger continue à s’infiltrer dans les veines de notre peuple. Je reconnais que le danger n’aura pas diminué lorsque, d’ici peu, nous occuperons des territoires où la population slave est en majorité. C’est un élément dont nous ne pourrons pas nous débarrasser rapidement. Pensez à l’Autriche, à Vienne. Qu’est-ce qui est encore allemand là-bas ?
« Ainsi s’impose à nous le devoir de dépeupler, comme nous avons celui de cultiver méthodiquement l’accroissement de la population allemande. Il faudra instituer une technique du dépeuplement. Vous allez me demander ce que signifie « dépeuplement », et si j’ai l’intention de supprimer des nations entières ? Eh bien, oui, c’est à peu près cela. La nature est cruelle, nous avons donc le droit de l’être aussi. Lorsque je lancerai dans l’ouragan de fer et de feu de la guerre future la fleur du germanisme, sans éprouver le moindre regret du sang précieux qui va couler à flots, qui pourrait me contester le droit d’anéantir des millions d’hommes de races inférieures qui se multiplient comme des insectes et que je ne ferai d’ailleurs pas exterminer, mais dont j’empêcherai systématiquement l’accroissement ? Par exemple, en séparant pendant des années les hommes des femmes. Vous rappelez-vous le fléchissement des courbes de natalité pendant la dernière guerre ? Pourquoi ne ferions-nous pas, intentionnellement et pour de nombreuses années, ce qui fut naguère une conséquence inévitable de ce long conflit ? Il existe plus d’une méthode pour supprimer systématiquement les nations indésirables, d’une manière relativement indolore, et en tout cas sans trop faire couler le sang.
« D’ailleurs, il s’agit là d’une idée que je n’hésiterais pas à affirmer publiquement. Les Français nous ont assez reproché, après la guerre, d’être trop nombreux. Il y avait, disaient-ils, vingt millions d’Allemands de trop. Nous reprenons ce propos à notre compte. Nous nous déclarons partisans d’une économie dirigée des mouvements démographiques. J’accepte l’estimation de ces messieurs : il faut supprimer vingt millions d’hommes, mais ils voudront bien nous permettre de les décompter ailleurs que chez nous. Depuis tant de siècles, qu’on parle de la protection des pauvres et des misérables, le moment est peut-être venu de préserver les forts que menacent leurs inférieurs. À partir de maintenant, ce sera l’une des tâches essentielles d’une politique allemande à long terme que d’arrêter par tous les moyens la prolifération des Slaves. L’instinct naturel commande à chaque être vivant, non seulement de vaincre son ennemi, mais encore de l’anéantir. Dans les temps passés, on reconnaissait au vainqueur son bon droit d’exterminer des tribus et des peuplades entières. Nous ferons preuve d’humanité en éliminant nos ennemis progressivement et sans effusion de sang, ce qui revient simplement à faire subir aux autres le sort qu’ils avaient pensé nous réserver. »
Après la mort du maréchal von Hinderbourg, Président du Reich, le 2 août 1934, Hitler prononce, quelques temps après, lors de son investiture en tant que Führer du Reich Allemand, un discours démontrant encore sa détermination hégémonique, tout en justifiant cyniquement le massacre de la « Nuit des Longs Couteaux » (pages 241 à 243) :
« Mon socialisme est autre chose que le marxisme. Mon socialisme n’est pas la lutte des classes, mais l’ordre. Qui se représente le socialisme comme la révolte et la démagogie des foules n’est pas un national-socialiste. La révolution n’est pas un spectacle pour le divertissement des masses. La révolution, c’est un dur labeur. La masse ne voit que les étapes parcourues. Mais elle ne connaît pas, et elle n’a pas non plus à connaître quelle somme de travail secret il faut fournir, avant de pouvoir faire un nouveau bond en avant. La révolution n’est pas achevée, elle ne peut jamais être achevée. Nous somme le mouvement, nous sommes la révolution perpétuelle. Nous ne nous laisserons jamais fixer et figer. Ce que j’ai fait récemment reste incompréhensible à beaucoup de personnes. Mais le succès m’a donné raison. En l’espace de six semaines, mes adversaires du parti, ceux qui voulaient faire mieux que moi, ont reçu l’éclatante démonstration que les événements du 30 juin étaient nécessaires et justifiés. Aux yeux du public, j’ai mis fin à la révolution. Mais nous la transportons à l’intérieur de nous-mêmes. Nous gardons notre haine bien au frais dans la glacière et nous pensons au jour où nous jetterons bas le masque pour apparaître enfin tels que nous sommes et que nous resterons toujours. Je ne puis encore vous dévoiler tous mes plans. Mais je vous demande d’emporter avec vous la conviction que le socialisme, tel que nous le comprenons, vise non pas au bonheur des individus, mais à la grandeur et à l’avenir de la nation tout entière. C’est un socialisme héroïque. C’est le lien d’une fraternité d’armes qui n’enrichit personne et met tout en commun. »
« En attendant, j’assure l’ordre. Notre première tâche est de réarmer et de nous préparer à la guerre, qui est inévitable. Notre deuxième tâche est de créer les conditions économiques et sociales les plus favorables au développement de notre force armée. Désormais, l’ordre allemand sera celui d’un camp retranché. Nous n’avons plus à penser qu’à nous-mêmes et à nos besoins vitaux. » Il avait ajouté : « Pour le moment, les S.A. doivent passer par le purgatoire. Mais le jour viendra où je les récompenserai et les élèverai aux plus hauts honneurs. » Et il conclut avec des sanglots dans la voix : « Même ceux qui sont morts l’autre jour ont donné leur vie pour la grandeur de notre mouvement. Ils avaient cru bien faire en se séparant de moi. Ils ont payé pour cette erreur fatale. Ils ont dû subir la peine qui attend, chez moi, quiconque ne sait pas obéir. »
Un autre jour Rauschning et Hitler s’entretiennent au sujet du Marxisme (pages 254 et 255) :
« J’ai beaucoup appris du marxisme, et je ne songe pas à m’en cacher. Non pas des fastidieux chapitres sur la théorie des classes sociales ou le matérialisme historique, ni de ces absurdités sur la limitation du profit et autres sornettes du même genre. Ce qui m’a intéressé et instruit chez les marxistes, ce sont leurs méthodes. J’ai tout bonnement pris au sérieux ce qu’avaient envisagé timidement ces âmes de petits boutiquiers et de dactylos. Tout le national-socialisme est contenu là-dedans. Regardez-y de près : les sociétés ouvrières de gymnastique, les cellules d’entreprises, les cortèges massifs, les brochures de propagande rédigées spécialement pour la compréhension des masses. Tous ces nouveaux moyens de la lutte politique ont été presque entièrement inventés par les marxistes. Je n’ai eu qu’à m’en emparer et à les développer et je me suis ainsi procuré l’instrument dont nous avions besoin. Je n’ai eu qu’à poursuivre logiquement les entreprises où les socialistes allemands avaient dix fois échoué, parce qu’ils voulaient réaliser leur révolution dans les cadres de la démocratie. Le national-socialisme est ce que le marxisme aurait pu être s’il était libéré des entraves stupides et artificielles d’un soi-disant ordre démocratique. »
Plus tard, Hitler se vante d’être un grand spécialiste de la manipulation des foules (page 282 à 286) :
« Le manque d’esprit critique de la masse est certainement une explication, mais non pas dans le sens où l’entendent nos marxistes et nos réactionnaires. La masse possède ses organes de critique. Ils fonctionnent simplement d’une autre manière que chez l’individu. La masse est comme un animal qui obéit à ses instincts. Pour elle, la logique et le raisonnement n’entrent pas en ligne de compte. Si j’ai réussi à déclencher le mouvement national le plus puissant de tous les temps, cela tient à ce que je n’ai jamais agi en contradiction avec la psychologie des foules ni heurté la sensibilité des masses. Cette sensibilité peut être primitive, mais elle a le caractère permanent et irrésistible d’une force de la nature. Lorsque la masse a fait une dure expérience, comme celle de l’époque des cartes de pain et de l’inflation, il lui est désormais impossible de l’oublier. La masse ne possède qu’un appareil intellectuel et sensoriel très simple. Tout ce qu’elle ne parvient pas à cataloguer la trouble. Ce n’est qu’en tenant compte des lois naturelles, que je suis capable de la dominer. On m’a reproché de fanatiser la masse, de l’amener à un état extatique. Le conseil des psychologues subtils est qu’il faut apaiser les masses, qu’il faut les maintenir dans un état d’apathie léthargique. Non, messieurs, c’est exactement le contraire qu’il faut. Je ne puis diriger la masse que lorsqu’elle est fanatisée. Une masse qui reste apathique et amorphe est le plus grand danger pour une communauté politique quelle qu’elle soit. L’apathie est, pour la masse, une des formes de la défense. Elle est un repli provisoire, un sommeil de forces qui éclateront subitement en action et en réactions inattendues. L’homme d’État qui n’intervient pas immédiatement, lorsqu’il voit les masses devenir apathiques, mérite de passer en Haute Cour. »
« J’ai fanatisé la masse pour en faire l’instrument de ma politique. J’ai réveillé la masse. Je l’ai forcée à s’élever au-dessus d’elle-même, je lui ai donné un sens et une fonction. On m’a reproché de réveiller dans la masse les instincts les plus bas. Ce n’est pas cela que je fais. Si je me présente devant la masse avec des arguments raisonnables, elle ne me comprend pas ; mais quand j’éveille en elle des sentiments qui lui conviennent, elle suit immédiatement les mots d’ordre que je lui donne. Dans une assemblée de masse, il n’y a plus de place pour la pensée. Et, comme j’ai précisément besoin de créer une telle ambiance, parce qu’elle me donne seule la certitude que mes discours produiront leur effet maximum, je fais rassembler dans mes réunions le plus grand nombre possible d’auditeurs de toutes sortes et les contrains à se fondre dans la masse, qu’ils le veuillent ou non : des intellectuels, des bourgeois aussi bien que des ouvriers. Je brasse le peuple, et je ne lui parle que lorsqu’il est pétri en une seule masse. »
Hitler réfléchit quelques instants, puis il reprit : « J’ai la conviction intime que, dans l’art d’influencer les masses, personne ne peut rivaliser avec moi, même pas Gœbbels. Ce qu’on peut obtenir par le calcul et la ruse, c’est le domaine de Gœbbels. Mais la vraie domination des masses n’est pas une chose qui s’apprenne. Et, notez bien que plus la masse est nombreuse, plus il est facile de la diriger. Plus riche est le mélange des ingrédients humains, paysans, ouvriers, fonctionnaires, plus l’amalgame prend le caractère typique de la Masse. Rien à faire avec des réunions limitées de gens cultivés, de représentants d’intérêts professionnels ou autres : ce qu’aujourd’hui vous obtiendrez d’eux par une démonstration logique, sera détruit demain par une argumentation diamétralement opposée. Mais ce que vous dites au peuple, lorsqu’il forme une masse, alors qu’il se trouve dans un état réceptif de dévouement fanatique, cela s’imprime et demeure comme une suggestion hypnotique ; c’est une imprégnation indestructible qui résiste à n’importe quelle argumentation raisonnable. Mais prenez garde : de même qu’il existe des névroses individuelles auxquelles le médecin n’ose pas toucher, de même on trouve dans la masse des complexes qu’on n’a jamais le droit de réveiller. Au nombre de ces tabous, il faut compter tout ce qui peut évoquer les mots dangereux d’inflation et de cartes de pain. Je peux exiger tranquillement de la masse des privations bien plus pénibles, mais il faut que je lui procure en même temps les suggestions émotives qui lui permettront de les supporter. Comment pourrais-je jamais songer à conduire plus tard une guerre si je plonge dès maintenant les masses dans cet état d’apathie où elles étaient en 1917 et 1918 ? »
(…) « La domination est toujours l’imposition d’une volonté supérieure à une volonté plus faible. Comment fais-je pour imposer ma volonté à l’adversaire ? Je commence par briser et paralyser d’abord la sienne. Je le trouble et le conduis à douter de lui-même. »
Un autre jour, Hitler développe sa terrifiante vision autour du thème de la « race » (pages 310 à 322) :
« Naturellement, je sais aussi bien que tous vos intellectuels, vos puits de science, qu’il n’y a pas de races, au sens scientifique du mot. Mais vous, qui êtes un agriculteur et un éleveur, vous êtes bien obligé de vous en tenir à la notion de la race, sans laquelle tout élevage serait impossible. Eh bien moi, qui suis un homme politique, j’ai besoin aussi d’une notion qui me permette de dissoudre l’ordre établi dans le monde et de lui substituer un nouvel ordre, de construire une anti-histoire. Comprenez-vous ce que je veux dire ? Il faut que je libère le monde de son passé historique. Les nations sont les matériaux visibles de notre histoire. Il faut donc que je brasse ces nations, que je les remoule dans un ordre supérieur, si je veux mettre une fin au chaos d’un passé historique devenu absurde. Pour accomplir cette tâche, la notion de race est tout à fait utilisable. Elle bouleverse le vieilles idées et ouvre des possibilités de combinaisons nouvelles. En partant du principe de la nation, la France a conduit sa grande révolution au-delà de ses frontières. Avec la notion de la race, le national-socialisme conduira sa révolution jusqu’à l’établissement d’un ordre nouveau dans le monde.
« De même qu’autrefois l’idée de nation avait quelque chose de révolutionnaire, par rapport aux États féodaux purement dynastiques et historiques, et de même qu’elle a introduit le principe biologique du « peuple », de même notre révolution est une étape nouvelle ou plutôt l’étape définitive d’une évolution qui mène à la suppression de l’historisme et à la reconnaissance des valeurs purement biologiques. C’est ainsi que je propagerai dans toute l’Europe et dans le monde entier, la nouvelle méthode d’élevage et de sélection que prépare en Allemagne le national-socialisme. Le même processus de destruction et de transformation se déroulera dans toutes les nations, si vieilles et si homogènes soient-elles. L’élite active des nations, c’est-à-dire l’élite combative, l’élément nordique, reprendra la suprématie et fournira des maîtres à tous ces boutiquiers, ces pacifistes, ces puritains et ces hommes d’affaires qui accaparent aujourd’hui le pouvoir. Il n’y aura pas de Dieu des Juifs pour protéger les démocraties contre notre Révolution, qui sera le pendant exact de la grande Révolution française. Nous traverserons des temps difficiles. Je ferai moi-même surgir les obstacles. Seule survivra la race la plus virile et la plus dure. Et le monde prendra un visage nouveau. Un jour viendra où nous pourrons faire alliance avec les nouveaux maîtres de l’Angleterre, de la France et de l’Amérique. Mais ils devront tout d’abord s’intégrer dans notre système, pour collaborer volontairement avec nous à la transformation du monde. À ce moment, il ne restera pas grand-chose, même chez nous, en Allemagne, de ce qu’on appelle encore le nationalisme. Ce qu’il y aura, c’est une entente entre les hommes forts, parlant des langues différentes, mais tous issus de la même souche, celle des Maîtres. »

Le Juif éternel

Il faut partir de cette doctrine, pour comprendre l’antisémitisme d’Hitler. Le Juif est un principe. Entre l’opinion d’Hitler, celle de Julius Streicher, le Pornographe, et celle du simple membre des S.S. ou des S.A., il y a sans doute beaucoup de points communs, mais aussi autant de divergences. Pour la majorité de la clique dirigeante, toute la doctrine raciale n’est rien d’autre qu’une « chimère d’Adolf ». Elle voit dans l’élimination des juifs une occasion de se faire la main pour le grand chambardement révolutionnaire. Ces gangsters peuvent traiter les juifs comme ils auraient volontiers traité la bourgeoisie tout entière. On peut dire aussi que les persécutions antisémites sont pour une bonne part le dérivatif d’appétits révolutionnaires sur un objectif comparativement inoffensif. Pour Streicher, et pour ceux qui pensent comme lui, l’antisémitisme n’est pas seulement une affaire commerciale de premier ordre, il est aussi la satisfaction de leurs rêves sadiques. On ne peut véritablement parler d’un antisémitisme profondément ancré dans la masse du peuple allemand. Il n’y a que des préjugés et des ressentiments superficiels. Selon mon expérience la majorité des camarades du parti n’a jamais pris au sérieux les mots d’ordre antisémites du national-socialisme. De toute façon, personne ne s’était jamais attendu à des pogromes. Le 1er avril 1933, quand les premières persécutions méthodiques contre les juifs commencèrent en Allemagne, je me trouvais à Dantzig où rien de semblable ne s’était passé. Quelques-uns de mes vieux camarades du parti me téléphonèrent chez moi et me dirent que si de telles atrocités se renouvelaient ou même étaient introduites à Dantzig, ils étaient décidés à quitter le parti. Ce n’est pas sous cet aspect qu’ils s’étaient représenté le combat pour la rénovation de l’Allemagne.
La réaction du peuple allemand aux pogromes de l’automne de 1938 montre jusqu’où Hitler l’a mené en cinq ans et jusqu’à quel point il l’a avili. « Qu’est-ce que cela peut nous faire ? Détournez les yeux si cela vous fait horreur. C’est le destin des juifs et non le nôtre ! » Telle était l’attitude des passants quand des êtres humains à peine vêtus, des vieillards, des malades, des femmes, furent pourchassés dans les rues. L’endurcissement du cœur et de la sensibilité, la peur qu’inspiraient les maîtres tout-puissants avaient fait taire les sentiments naturels d’indignation devant un tel avilissement de l’homme. Mais l’antisémitisme n’en était pas devenu plus populaire.
Hitler, au contraire, a toujours cru au caractère maléfique du peuple errant. À ses yeux le juif est tout simplement le Mal. Il en a fait le maître du monde souterrain qu’il veut détruire. Il le voit comme on voit un mythe ; il grandit l’ennemi pour se grandir lui-même. Derrière cette attitude on peut découvrir un sentiment primitif de haine personnelle et de vengeance qui éclate aux yeux de chacun.
(…) L’ antisémitisme était d’abord, à ses yeux, un excellent argument révolutionnaire. Il en avait usé fréquemment avec succès et ne manquerait pas de s’en servir autant qu’il pourrait. Il y voyait, en outre, une menace efficace à l’adresse des petits bourgeois allemands trop endormis dans leur sécurité en même temps qu’un moyen de pression sur les stupides démocraties. « Mes juifs sont les meilleurs otages dont je dispose. La propagande antisémitique est, dans tous les pays, une arme indispensable pour porter partout notre offensive politique. On verra avec quelle rapidité nous allons bouleverser les notions et les échelles de valeur du monde entier, uniquement par notre seule lutte contre le judaïsme. D’ailleurs, les juifs sont nos meilleurs auxiliaires. Malgré leur situation exposée, ils se mêlent partout, quand ils sont pauvres, aux rangs des ennemis de l’ordre et des agitateurs, et ils apparaissent en même temps comme des détenteurs patents et jalousés de capitaux formidables. Il est donc facile de justifier la lutte contre les juifs dans tous les pays, au moyen d’exemples populaires que tout le monde comprendra. Dès l’instant où l’on a fait pénétrer dans les cervelles le principe raciste en dévoilant les méfaits des juifs, tout le reste s’ensuit très rapidement. Pas à pas, on est alors conduit à la démolition du vieil ordre politique et économique et à se rapprocher des nouvelles idées de la politique biologique. »
(…) Je lui demandai s’il fallait déduire de ses paroles que la race juive devait être totalement anéantie.
« Non, répondit Hitler, au contraire, si le juif n’existait pas, il nous faudrait l’inventer. On a besoin d’un ennemi visible et non pas seulement d’un ennemi invisible. » L’Église catholique ne se contentait pas, elle non plus, d’avoir le diable. Elle aussi avait besoin d’hérétiques visibles pour conserver son énergie combative. « Le juif réside toujours en nous. Mais il est plus facile de le combattre sous sa forme corporelle que sous la forme d’un démon invisible. Le juif était l’ennemi de l’Empire romain, il l’était même déjà de l’Égypte et de Babylone. Mais je suis le premier à entamer avec lui une guerre à mort. »
« D’ailleurs, les juifs m’ont prêté dans ma lutte un concours utile. Au début de notre mouvement, un certain nombre de juifs m’ont soutenu financièrement. Je n’avais qu’à lever le petit doigt, ils se seraient tous précipités vers ma porte. Ils reconnaissaient déjà de quel côté était la force et le succès. Rappelez-vous que c’est le juif qui a inventé cette économie du mouvement perpétuel des capitaux et de leur entassement qu’on appelle le Capitalisme, cette création géniale d’un mécanisme à la fois si raffiné et si parfaitement simple et automatique. Ne nous y trompons pas, c’est une trouvaille géniale, diaboliquement géniale.
« L’économie moderne est une création des juifs. Elle est entièrement et exclusivement dominée par eux. C’est leur empire universel, qu’ils ont étendu sur tous les royaumes et tous les rois du monde. Mais à présent, ils nous trouvent en face d’eux avec notre conception de la révolution perpétuelle ; nous sommes les rivaux intolérables qu’ils doivent détruire sous peine d’être détruits. Ne vous êtes-vous pas aperçu que le juif est en toutes choses le contraire de l’Allemand et qu’il lui est cependant apparenté au point qu’on pourrait les prendre pour deux frères ? Quand j’ai lu, il y a longtemps, les Protocoles des Sages de Sion, j’en ai été bouleversé. Cette dissimulation dangereuse de l’ennemi, cette ubiquité ! J’ai compris tout de suite qu’il fallait faire comme eux, à notre façon bien entendu. Représentez-vous ces hommes éternellement mouvants et nous-mêmes avec notre nouvelle croyance au mouvement éternel. Comme ils nous ressemblent et à d’autres égards comme ils sont différents ! Quelle lutte s’engage entre eux et nous ! L’enjeu est tout simplement la destinée du monde. »
Je demandai à Hitler s’il ne s’exagérait pas l’importance des juifs.
« Non, non, s’écria-t-il, le juif n’est pas un ennemi qu’on puisse surestimer. »
Je lui fis remarquer que les Protocoles des Sages de Sion étaient une falsification manifeste. En 1920, je les avais déjà lus sur les conseils d’un certain Muller von Hausen. J’avais tout de suite reconnu qu’ils étaient apocryphes.
« Et pourquoi pas ? s’emporta Hitler. Que le document soit authentique ou non, au sens historique du mot, que m’importe ? » La vraisemblance interne du document, s’il était faux, n’était que plus convaincante. « Nous devons battre le juif avec ses propres armes. J’en ai eu la certitude après avoir lu ce livre.
– Ce sont les Protocoles qui sont au point de départ de votre lutte ?
– Parfaitement, ils m’ont guidé jusqu’au moindre détail. J’ai appris énormément de choses dans ces Protocoles. J’ai toujours appris beaucoup de mes adversaires. J’ai étudié la technique révolutionnaire dans Lénine, Trotsky et les autres marxistes. Et aussi l’Église catholique, et aussi les francs-maçons m’ont ouvert des aperçus que je n’aurais jamais pu trouver ailleurs. Celui qui n’apprend rien de ses ennemis est un sot. Seul l’homme faible peut craindre de perdre, à leur contact, ses propres idées.
(…) Mais qu’avez-vous donc pris dans les Protocoles des Sages de Sion ? demandai-je.
– L’intrigue politique, la technique, le conspiration, la désagrégation révolutionnaire, l’art de déguiser, de tromper, l’organisation. Est-ce que ce n’est pas assez ? »
Je lui accordai que c’était beaucoup. « Mais nous n’avons parlé jusqu’ici, reprit Hitler, que du juif, maître dans le domaine économique. Nous avons parlé de notre adversaire politique. Que représente le juif dans la lutte plus décisive pour une nouvelle organisation du monde ? »
Je le priai de vouloir bien m’éclairer.
« Il ne peut pas y avoir deux peuples élus. Nous sommes le peuple de Dieu. Ces quelques mots décident de tout.
– Vous entendez cette proposition plutôt comme un symbole ?
– Non, c’est la réalité toute simple et qui ne supporte même pas la discussion. Deux mondes l’affrontent ! L’homme de Dieu et l’homme de Satan ! Le juif est la dérision de l’homme. Il est l’Anti-homme. Il faut qu’il soit sorti d’une autre souche de l’espèce humaine. L’aryen et le juif, je les oppose l’un à l’autre et si je donne à l’un le nom d’homme, je suis obligé de donner un nom différent à l’autre. Ils sont aussi éloignés l’un de l’autre que les espèces animales de l’espèce humaine. Ce n’est pas que j’appelle le juif un animal. Il est beaucoup plus éloigné de l’animal que nous, aryens. C’est un être étranger à l’ordre naturel, un être hors nature. »
Hitler semblait vouloir poursuivre, mais il était comme terrassé par l’étrangeté de sa vision. Les mots ne venaient plus à ses lèvres. Son visage s’était crispé. Dans son excitation, il fit claquer ses doigts : « Les… les juifs, bégaya-t-il, … c’est une leçon que nous n’aurons jamais fini d’apprendre. »
Ces propos et ce comportement haineux font froid dans le dos.
On remarquera au passage que, comme Lénine en Russie et Mussolini en Italie, Hitler se revendique également de notre Révolution Française. Malheureusement pour l’Humanité, les deux « inventeurs » des deux plus grands systèmes Totalitaires du 20ème siècle, se sont uniquement revendiqués de la Terreur Jacobine de 1793-1794 ; et non de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 !

Finalement, comme le dit fort bien Hermann Rauschning, Hitler s’est fixé comme objectif ultime de recréer une « nouvelle Humanité », sa « nouvelle Humanité », en détruisant l' »ancienne » (pages 326 et 327) :
« La création n’est pas terminée, du moins en ce qui concerne l’homme. Du point de vue biologique, l’homme arrive nettement à une phase de métamorphose. Une nouvelle variété d’hommes commence à s’esquisser, dans le sens scientifique et naturel d’une mutation. L’ancienne espèce humaine est entrée déjà dans le stade du dépérissement. Toute la force créatrice se concentrera dans la nouvelle espèce. Les deux variétés évolueront rapidement en divergeant dans des directions opposées. L’une disparaîtra, tandis que l’autre s’épanouira et dépassera de loin l’homme actuel. J’aimerais assez à donner à ces deux variétés les noms d’Homme-Dieu et d’Animal-Masse. »
(…) « Oui, l’homme est quelque chose qu’il faut dépasser. Je conviens que Nietzsche l’avait déjà pressenti à sa façon. Il avait même déjà entrevu le surhomme comme une nouvelle variété biologique. Cependant, chez lui, tout est encore flottant. L’homme prend la place de Dieu, telle est la vérité toute simple. L’homme est le dieu en devenir. L’homme doit toujours tendre à dépasser ses propres limites. Dès qu’il s’arrête et se borne, il entre en dégénérescence et tombe au-dessous du niveau humain. Il se rapproche de l’animalité. Un monde de dieux et de bêtes, c’est ce que nous avons devant nous. Et comme tout devient clair, dès qu’on a compris ! C’est toujours le même problème que j’ai à résoudre, qu’il s’agisse de la politique quotidienne ou que je m’efforce de soumettre le corps social à un ordre nouveau. Tout ce qui s’immobilise, s’arrête, veut demeurer stable, tout ce qui s’accroche au passé, tout cela s’étiole et périt. Tous ceux qui écoutent, au contraire, la voix primitive de l’humanité, qui se vouent au mouvement éternel, sont les porteurs de torches, les pionniers d’une nouvelle humanité. Comprenez-vous, maintenant, le sens profond de notre mouvement national-socialiste ? Peut-il y avoir quelque chose de plus grand et de plus ample ? Celui qui ne comprend le national-socialisme que comme un mouvement politique, n’en sait pas grand-chose. Le national-socialisme est plus qu’une religion : c’est la volonté de créer un nouvel Homme. »
Une autre fois, Hitler revient encore sur ce qui est pour lui une notion fondamentale, pour mettre en place le régime Nazi : la Terreur de masse (page 357) :
« Si l’on n’a point la volonté d’être cruel, on n’arrive à rien. D’ailleurs cette volonté ne fait défaut à nos adversaires que parce qu’ils sont pusillanimes et non parce qu’ils sont trop humains. De tout temps le pouvoir s’est fondé sur ce que les bourgeois appellent le crime. La terreur a toujours accompagné la fondation de toute nouvelle puissance. Les bolcheviks ont supprimé totalement l’ancienne classe dirigeante. C’est là le vieux moyen classique. Si je me souviens bien, Machiavel aussi le recommande. Mais il conseille de gagner d’abord, par la bienveillance, la deuxième classe de la société, celle qui vient immédiatement après la classe dirigeante. Moi, je vais plus loin. Je me sers de l’ancienne classe dirigeante, je la maintiens dans la dépendance et dans la crainte. Je suis persuadé que je n’aurai pas d’auxiliaires plus zélés. Et si, par hasard, elle tentait de se révolter, j’ai toujours à ma disposition le vieux moyen classique. L’excès de cruauté ne vaut rien. Il y a un moyen plus efficace que la terreur : c’est la transformation méthodique de la mentalité et de la sensibilité des foules. C’est une sorte de propagande, plus facile à notre époque, parce que nous avons la radio. »
Ayant déjà évoqué le sujet plus haut, de l’épineuse et fondamentale question de savoir s’il aurait été possible d’arrêter Hitler, avant cette immense tragédie que fut l’Holocauste, Hermann Rauschning nous livre une autre partie de la réponse (pages 360 à 362) :
« Hitler a toujours menacé de provoquer une énorme effusion de sang si l’on tentait de le renverser par la force. Dans toutes les combinaisons qu’on envisageait pour délivrer l’Allemagne, on tenait compte de cette menace. Pouvait-on provoquer une scission dans le parti ? C’eût été possible en 1932 et même encore en 1934. Ensuite, et pour longtemps, cela cessa de l’être. Les foules devinrent apathiques et aveuglément crédules. De toutes les fibres de leur être, les compagnons du parti tenaient à la survie du régime. Hitler ne pouvait être renversé que si le peuple se révoltait, que si le plus grand nombre des membres du parti voyaient leur position compromise par la menace d’un effondrement, que s’ils étaient ainsi conduits à se séparer du parti, qui les entraînait au désastre. Des échecs d’Hitler, des erreurs manifestes qu’il accumulerait, des doutes qui s’élèveraient sur sa grandeur et sa mission, telle était la première condition des sa chute. Il ne pouvait se produire de coup d’État sans guerre civile sanglante que si Hitler conduisait manifestement l’Allemagne à sa ruine. La deuxième condition était la formation d’un centre d’opposition qui pourrait entreprendre la lutte contre la parti. Sans une telle phalange de chefs résolus, les troupes armées du parti seraient en mesure d’étouffer toute rébellion. Le temps des soulèvements populaires et des combats de barricades était passé. Il était donc indispensable d’organiser un centre de résistance et un état-major. Les choses étant ce qu’elles étaient, on ne pouvait trouver l’un et l’autre que dans la Reichswehr.
Une deuxième question était de savoir s’il ne serait pas possible de hâter le processus destructeur du régime d’Hitler, c’est-à-dire d’accélérer son auto-destruction. Le facteur économique n’y suffisait pas. Le régime pouvait végéter encore longtemps. Mais ne pourrait-on pas pousser Hitler dans des difficultés extérieures qui seraient inextricables ? Ne commettrait-il pas alors faute sur faute, puis, doutant de lui-même, ne perdrait-il pas la tête ? Tout ce qu’on savait de son caractère donnait à penser que la source unique de ses succès était la foi qu’il avait en son étoile. Il fallait donc préparer la chute d’Hitler en ruinant son assurance. Dépouillé de son auréole, il perdrait l’estime et l’influence dont il jouissait dans le parti et dans les foules. Alors le régime tout entier pourrait s’effondrer comme un château de cartes.
Il y a eu, en Allemagne, des opposants courageux, qui ont lutté à visière ouverte. Ils ont été rapidement éliminés. C’était un sacrifice inutile que de s’exposer ouvertement. Seule était possible, contre Hitler, une lutte souterraine. Il serait injuste d’oublier que les méthodes sournoises d’Hitler obligent ses adversaires à user des mêmes moyens. Aussi vit-on quelques-uns de ses pires ennemis se faire passer pour des extrémistes du parti, pour des défenseurs ardents des plus folles idées du Führer. De ce nombre sont deux personnages importants qui le touchent de très près. Ils sont persuadés – et avec eux de nombreux membres du parti de moindre importance – qu’Hitler doit être sacrifié pour sauver l’avenir de l’Allemagne. Il y a eu des plans astucieux pour amener Hitler à se compromettre de façon irréparable.
Mais, toutes ces tentatives pour le faire trébucher ont échoué jusqu’à présent, et j’en trouve deux raisons. La première est que ce sont justement les entreprises les plus risquées du Führer qui ont le mieux réussi et lui ont valu ses plus éclatants succès. L’autre raison, c’est que beaucoup d’opposants ne voient pas le moyen de mettre Hitler en difficulté sans mettre en danger l’Allemagne. Dans l’opposition conservatrice, le vent tourna plus d’une fois au découragement. Comme Gœthe parlant de Napoléon, on disait : « Cet homme est trop grand. » Il ne restait donc plus qu’une chose à faire : laisser à Hitler, et à lui seul, l’entière responsabilité des catastrophes inévitables : la guerre, la défaite et la destruction du Reich ».
En 1934, Hitler prépare déjà son entourage proche, au futur cataclysme qu’il va bientôt provoquer (page 367) :
« La grande épreuve ne nous sera pas épargnée », dit-il un jour en ma présence, pendant un congrès. »Il faut que nous nous préparions au combat le plus dur que jamais peuple aura supporté. Cette guerre qui trempera nos volontés et nous rendra dignes de notre mission, je la mènerai sans égard pour les pertes que nous subirons. Chacun de nous sait ce que signifie la guerre totale. Je ne reculerai devant aucune destruction. Il nous faudra renoncer à bien des choses qui nous sont chères et qui nous paraissent irremplaçables. Des villes allemandes tomberont en ruines, de nobles édifices disparaîtront pour toujours. Cette fois, notre sol sacré ne sera pas préservé. Mais nous serrerons les dents, nous continuerons à lutter, nous vaincrons. L’Allemagne se relèvera de ses ruines, plus belle et plus grande, reine et maîtresse des nations. »
Hitler relevait d’une mégalomanie sans fond, puisqu’il n’avait ni plus ni moins que l’ambition d’imposer l’Hitlérisme, pour remplacer « l’ère Chrétienne pour des milliers d’années » !
Enfin, pour terminer l’étude de cet exceptionnel témoignage historique de Hermann Rauschning, dans son dernier chapitre, Rauschning décrit toute l’inquiétante personnalité d’Hitler (pages 375 à 383) :
« Quiconque a vu cet homme en face, avec son regard instable, sans profondeur ni chaleur, quiconque a voulu fouiller ces yeux fuyants qui, derrière leur clarté froide, semblent verrouillés, sans arrière-plan, puis les a vus prendre brusquement une fixité étrange, a dû éprouver comme moi l’inquiétante sensation de se trouver en présence d’un être anormal. On le voyait des quarts d’heure durant, apathique, silencieux, ne levant même pas les paupières et se curant les dents d’un geste affreusement vulgaire. Écoutait-il ? Était-il absent ? Jamais, à ma connaissance, un visiteur quelconque n’a eu un vrai dialogue avec lui. Ou bien Hitler écoutait sans rien dire ou bien il parlait sans écouter, à perte de vue. Souvent il tournait dans la pièce comme un fauve en cage. Il ne vous laissait jamais la parole. Il vous interrompait aux premiers mots, et sautait d’un sujet à un autre, incapable de retenir la fuite de ses pensées, incapable de se concentrer.
Il ne m’appartient pas de juger si Hitler, au sens clinique du mot, est plus ou moins proche de la démence. Mon expérience personnelle, qui concorde avec celle de nombreuses personnes de ma connaissance, est que je me suis trouvé vingt fois en face d’un maniaque dépourvu de tout contrôle de ses émotions et dont les crises allaient jusqu’à la déchéance complète de la personnalité. Ses cris, ses vociférations, ses explosions de fureur rappellent les trépignements d’un enfant gâté et rebelle. C’est un spectacle grotesque et repoussant, mais ce n’est pas encore de la folie, bien qu’il reste assez inquiétant de voir un homme d’un certain âge tambouriner sur les murs comme un cheval piaffe dans sa stalle ou se rouler par terre.
Ce qui est plus grave et indique déjà le dérangement de l’esprit, ce sont les phénomènes de persécution et de dédoublement de la personnalité. Son insomnie n’est vraiment autre chose que la surexcitation du système nerveux. Il s’éveille souvent la nuit. Il faut alors qu’on allume la lumière. Dans ces derniers temps, il fait venir des jeunes gens qu’il oblige de partager avec lui ses heures d’épouvante. À certains moments, ces états morbides prennent un caractère d’obsession. Une personne de son entourage m’a dit qu’il s’éveillait la nuit en poussant des cris convulsifs. Il appelle au secours. Assis sur le bord de son lit, il est comme paralysé. Il est saisi d’une panique qui le fait trembler au point de secouer le lit. Il profère des vociférations confuses et incompréhensibles. Il halète comme s’il était sur le point d’étouffer.
(…) L’hystérie est contagieuse. On a vu de jeunes hommes normaux perdre peu à peu leur personnalité et changer de caractère en vivant auprès d’une femme hystérique. Il est donc explicable que l’hystérie du maître ait gagné les dirigeants, les Gauleiter, les hauts fonctionnaires, les officiers et finalement le peuple tout entier. Mais comment se fait-il que de si nombreux visiteurs tombent en extase dès qu’ils voient Hitler et vivent désormais dans l’adoration de son génie dominateur ?
(…) Cet homme gauche et embarrassé, qui cherche vainement ses mots dès qu’il ne peut prendre le ton pathétique, n’exerce même pas l’attraction d’un vertige démoniaque. C’est un homme tout à fait quelconque et vulgaire. Comment peut-il agir ainsi sur ses visiteurs ?
(…) C’est ainsi qu’incontestablement certaines forces traversent Hitler, des forces quasi démoniaques, dont le personnage nommé Hitler n’est que le vêtement momentané. Cet assemblage du trivial et de l’extraordinaire, voilà l’insupportable dualité que l’on perçoit dès qu’on entre en contact avec lui. Cet être aurait pu être inventé par Dostoïevski. Telle est l’impression que donne, dans un bizarre dosage, l’union d’un désordre maladif et d’une trouble puissance.
J’ai souvent entendu confesser qu’on avait peur de lui et que même un adulte ne l’abordait pas sans des palpitations de cœur. On avait le sentiment que cet homme allait vous sauter subitement à la gorge pour vous étrangler, ou vous lancer un encrier au visage ou faire quelque autre geste insensé. Dans tout ce que les « miraculés » racontent de leur entrevue, il y a beaucoup d’enthousiasme feint, d’humilité hypocrite et souvent aussi de suggestion. La plupart des visiteurs veulent avoir eu leur moment sublime. C’est l’histoire de Till l’Espiègle et de son image invisible, dont personne ne voulait avouer qu’il ne l’avait pas vue. Mais ces mêmes visiteurs, qui ne voulaient pas ouvrir les yeux, finissaient par s’avouer un peu déçus lorsqu’on les mettait au pied du mur. « Oui, c’est vrai qu’il n’a pas dit grand-chose. Non, il n’a pas l’air d’un homme éminent… du moins, je n’ai pas eu cette impression. » Alors d’où vient l’illusion ? Du prestige, du halo, du nimbe ? Le nimbe, oui, c’est le nimbe qui fait tout.
Mais en fait, ce « miraculé », quand il en vient à se prendre lui-même en flagrant délit d’auto-suggestion, va-t-il vraiment au fond des choses ? Elles ne sont pas aussi simples. J’ai souvent eu l’occasion de me scruter moi-même, tout à fait froidement et j’avoue qu’en présence d’Hitler je me suis senti sous une sorte d’emprise hypnotique que j’ai eu quelque peine à secouer ensuite. C’est, malgré tout, un type d’homme très singulier. Rien ne sert de le considérer comme un pantin. On s’approche davantage de la vérité en pensant au magnétisme du médecin célèbre, du grand charlatan. Mais ce n’est pas encore tout à fait cela, et encore moins juste serait l’évocation des Césars romains, des « divins Césars ». Hitler n’a rien du César, rien du Romain, rien de la majesté que confère l’empire incorporé dans la personne divine de l’empereur. Non, Hitler est tout autre chose. Ce qui résonne autour de lui, c’est le tam-tam des peuplades sauvages. Des rites et des incantations asiatiques ou africaines, voilà les vrais ingrédients de sa magie. Des danses frénétiques jusqu’à épuisement. C’est l’irruption du monde primitif dans l’Occident.
Gardons-nous à tout prix d’exalter cet homme, de l’éterniser, d’en faire un mythe. De toute façon, il occupera pendant longtemps encore l’imagination de son peuple et non pas de son peuple seul. Lui-même est persuadé que son action la plus profonde se fera sentir après sa mort. Et malgré toutes les précautions qu’on prendra, il n’est pas impossible que le mauvais charme revive, comme ces démons qui, emprisonnés dans un flacon, puis libérés au hasard, revivent subitement et prennent figure de géants. Il est donc souhaitable et nécessaire que notre époque apprenne à connaître cet homme dans sa vulgarité et sous son vrai visage, à voir Hitler tel qu’il est et non pas seulement tel qu’il s’explique lui-même : déshabillage peu plaisant, mais je le répète, indispensable.
Hitler est exigeant. Il est gâté, cupide, et ne connaît aucun travail régulier. On peut même dire qu’il est incapable de tout vrai travail. Il a des idées, des impulsions qu’il lui faut alors réaliser fébrilement, immédiatement. Il s’en débarrasse comme d’un besoin physique. Il ne connaît pas l’effort prolongé et soutenu. Pour employer son propre langage, tout en lui est secousse et convulsion. Rien n’est naturel chez lui, à commencer par son amour pour les enfants ou les animaux. Ce n’est qu’une attitude. Il a gardé toute sa vie ses habitudes de bohème. Il se lève tard, il peut passer des journées entières à somnoler sans rien faire. Toute lecture suivie le rebute. Il ouvre un livre et le rejette au bout de quelques pages. Avec cela, il s’est fait une bibliothèque importante, il aime les livres, les belles éditions et les belles reliures. Dans son appartement de Munich, j’ai vu des murs entiers garnis de rayons. La sœur de Hess lui a fait ses reliures.
Ce qu’il a de plus sympathique est le goût des promenades solitaires. Il se grise de l’odeur des bois en haute montagne. Ses promenades lui tiennent lieu de culte et de prière. Il contemple les nuages qui s’allongent et prête l’oreille aux gouttelettes qui tombent des pins. Il entend des voix.
Je l’ai rencontré ainsi. Il ne reconnaît alors personne, il veut être seul, et, à de certains moments, il fuit rigoureusement ses semblables.
Il est plein d’habitudes tyranniques et de manies.
(…) Hitler n’est pas d’un naturel courageux comme Gœring. Il est même craintif à l’excès. Il se prend ridiculement au sérieux ; son attitude n’est pas celle des hommes intrépides qui provoquent et défient le destin. Il se fait garder comme un objet précieux. Lorsqu’il s’expose, les mesures de sécurité sont extraordinaires ; mais il ne s’expose qu’en apparence. C’est un être timoré et douillet, qui fait de violents efforts pour avoir un peu de courage et de tenue. Il dépasse alors la mesure et fait preuve d’une brutalité sans nom. Pour affronter le moindre petit risque, il doit se plonger dans une sorte d’ivresse. Tout sang-froid naturel lui fait défaut.
Il lui faut toujours une élévation de température pour la moindre décision, pour l’action la plus simple ; il a besoin d’une certaine mise en scène, il doit se mettre à un certain diapason. Sorti de cette fièvre, il peut pendant des semaines entières, gémir de l’ingratitude de ses gens ou se plaindre de la malchance. Au cours de nos rencontres, il aimait à se poser en martyr et à se perdre dans la contemplation de sa mort prochaine. Tout, disait-il, serait inutile et ne servirait à rien. Il ne connaît qu’une seule pitié, c’est celle qu’il a pour lui-même.
Ses explosions de « volonté indomptable » n’en sont que plus étonnantes. Il ne connaît alors ni fatigue ni faim. Il vit d’une énergie maladive, qui lui permet d’accomplir des choses touchant au miracle. Sa parole même devient alors frénétique. Ce qui lui manque le plus, c’est l’équilibre. L’âge même ne semble lui apporter aucune sérénité. C’est pourquoi ses constructions les plus ambitieuses n’atteindront jamais à la vraie grandeur.
Hitler aimait autrefois à se montrer la cravache à la main. Il y a renoncé. Mais le caractère que trahissait cette habitude lui est resté : mépris, orgueil et cruauté. Hitler n’est jamais monté à cheval de sa vie ; mais les hautes bottes et la cravache témoignent de sa rancœur accumulée pendant des années, de l’humiliation qu’il éprouvait, dans le ruisseau, au passage des beaux cavaliers. Quelle affreuse jeunesse ! L’amertume qu’il en garde se révèle à l’occasion d’un mot tombé par hasard d’une association d’idées. Des visiteurs sont restés stupéfaits devant ces changements subits d’attitude : sa bienveillance, évidente un instant auparavant, se changeait en vociférations hautaines. Le visiteur avait touché, sans le savoir, à quelques places sensibles de son amour-propre et de sa vanité. Le Führer de l’Allemagne ne connaît aucun sentiment de magnanimité. Il vit dans un monde de cruauté et de rancune. La haine est un vin dont il se grise.
Cruel, vindicatif et sentimental. C’est là un mélange bien connu. Il aimait ses canaris et pleurait lorsque l’un d’eux venait à mourir. Mais il a martyrisé jusqu’à la mort, avec des raffinements de cruauté, des hommes dont il voulait se venger. Il est capable d’absorber d’énormes quantités de sucreries et de crème fouettée, mais la figure de l’histoire romaine qu’il admirait le plus est celle de Sylla, l’homme des proscriptions et des exécutions en masse. Il me recommanda un jour, pour mes heures de loisir, un mauvais roman de Sylla. »

Conclusion :

À ma connaissance, grâce au fait qu’Hermann Rauschning ait fréquenté suffisamment Hitler pour pouvoir le cerner et le décrire si parfaitement bien et si minutieusement, il n’existe pas d’autres ouvrages basés sur des dialogues avec le Führer, décrivant avec une telle précision le personnage d’Hitler.

Le Monde a laissé un seul homme mégalomane, psychopathe, fanatique et terroriste, engendrer la Seconde Guerre Mondiale et exterminer des millions d’innocents, sans que personne ne puisse l’arrêter. Malheureusement, il n’est pas le seul et ne sera pas le seul, dans l’Histoire de l’Humanité (en l’occurrence, il faudrait plutôt parler ici : d’Inhumanité !) de réussir à assouvir son Idéologie criminelle.
Mais avec ses deux guerres mondiales, ses régimes dictatoriaux et ses systèmes Totalitaires : Communisme, Fascisme et Nazisme, le XXème a subi les anéantissement de population les plus massifs de toute l’Histoire Humaine.

Comme tous les dictateurs à caractères Totalitaires, Hitler a décidé de créer un « Peuple nouveau ». Mais pour cela, celui qui se prenait pour le nouvel « architecte » de l’Humanité, considérait ignominieusement qu’il fallait exterminer tous ceux qui étaient « incompatibles » avec ce projet de « régénération » de l’Humanité.

En publiant ce livre-témoignage, Hermann Rauschning voulait prévenir l’Europe et le Monde entier de l’horreur qui se dessinait à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, à travers le Nazisme Hitlérien. Alors qu’Hitler avait déjà publié ses deux volumes de « Mein Kampf » en 1925 et 1926, Hermann Rauschning voulait confirmer ce qu’était réellement et concrètement l’horreur du Nazisme, la folie et toute la monstruosité dont était capable Hitler. Mais il est terriblement dommageable de constater que trop peu de gens aient lu « Mein Kampf » à l’époque, ou n’en aient pas tenu compte.
Quant à la publication de ce témoignage, extrêmement précis et effrayant de Rauschning, malheureusement, en 1939, il était probablement déjà beaucoup trop tard pour stopper l’irrésistible ascension…, d’Hitler !

Quasiment tous les hauts gradés bourreaux Nazis, que ce soit lors de leur procès à Nuremberg en 1945-1946, ou plus tard, ont toujours tenté de se défausser de leurs incommensurables responsabilités de criminels de masse, dans leur stratégie de défense, en invoquant l’obligation dans un régime Totalitaire comme le Nazisme, d’obéir sous la contrainte de la Terreur (menaces d’exécution ou de déportations en camps de concentration). Pourtant l’exemple d’Hermann Rauschning montre clairement, qu’une autre voie que celle de la résignation était possible pour s’opposer à l’infâme tyrannie Nazi : celle d’une courageuse opposition inconditionnelle, malgré les risques encourus pour sa propre existence.

Anonyme11 - - - ans - 21 août 2020


un livre controversé ... 6 étoiles

A lire , mais avec un regard critique .

L'authenticité des propos recueillis a été depuis la parution remise en question. Il semble que l'auteur n'avait pas une intimité suffisante avec Hitler pour recueillir les propos rapportés.

Voir sur le net les travaux de l'historien suisse Wolfgang Hänel , publiés en 1983.

Il n'est pas de ma compétence de trancher !

Bunny - - 67 ans - 1 février 2014