Paysage fer
de François Bon

critiqué par Feint, le 12 août 2008
( - 60 ans)


La note:  étoiles
Un paysage aussi peut se lire.
Un paysage aussi peut se lire. D’une telle lecture, le chemin de fer peut être un guide, une grille. Un trajet hebdomadaire, les mêmes champs, les mêmes bâtisses, les mêmes usines derrière la vitre, toujours sous le même angle, ne révélant souvent ce qui n’est considéré que comme l’« arrière » de la maison alors que la façade par force échappe, tout cela est une invitation à une lecture du monde. François Bon, qui prend souvent le train, nous donne sa lecture de la voie Paris-Nancy. Phrases nominales, bousculés par la vitesse les noms sur la ligne comme les noms des chaînes commerciales des zones toutes jumelles que souvent le train traverse : « les couche-pas-cher Formule 1 Campanile Village Hôtel Etap Hôtel One Plus One Quick Palace et First Class », ou bien « la Marne encore » (on s’en souvient, le lecteur aussi autrefois a pratiqué partiellement cette même ligne), et surtout « l’entassement de choses, plastiques et fer, énigmes blanches sous bâches ou bâtiments sans explication », ou encore cette « pure sculpture de deux voitures identiques de deux voitures accolées par l’arrière, sans moteurs ni portes, au coin bas du champ ». A cette pratique, le regard s’aiguise face à l’opacité, en quête de sens, ou d’émotion ? « Qu’il ne soit pas indifférent qu’à Révigny le bar dans la rue perpendiculaire qui s’éloigne de la gare se nomme L’Outsider, et ait un bandeau émaillé rouge au-dessus de la vitrine. » « Qu’il ne soit pas indifférent que ce matin-là, passé Commercy, avant la cimenterie et le double tunnel de Foug, à la jonction du canal de l’Est et de la Meuse, deux hommes sur un chaland, et dans l’autre chaland en amont une pelleteuse presque plus large que la drague, dans l’aube froide d’hiver travaillent avec bottes sur l’eau vide. » « Qu’il ne soit pas indifférent à Liverdun, seconde cour de la conserverie l’escalier de fer en spirale peint au minium à vocation d’escalier de secours, et personne dans les bureaux d’au-dessus ne l’emprunte, que personne jamais dans cette cour en enclave dans les bâtiments jaunes. »