Le grand paon-de-nuit
de Marcel Cohen

critiqué par Feint, le 9 août 2008
( - 60 ans)


La note:  étoiles
Pourquoi ça me touche
C’est déjà, un peu comme dans "Faits", une succession de petits instantanés sans titre, souvent putatifs, plus brefs encore, plus anonymes, aussi simples dans l’écriture, aussi essentiels dans ce qui est dit. Un exemple :

« Un vieux marin rapporte en quels termes, et avec quelle véhémence indignée, il se fit rappeler à l'ordre dans sa jeunesse pour avoir tenté de lancer une bouée au mousse tombé à la mer par gros temps alors que son navire s'apprêtait à doubler le cap Horn :
- C'est une cruauté réellement digne d'un démon que de prolonger l'espérance de l'homme qui va se noyer quand, dans de tels parages, il n'existe aucun espoir de lui porter secours. Si c'était possible, la charité commanderait plutôt de lui jeter un pavé sur la tête. »

Un autre :

« Malgré ses réticences, un homme adopte un chien. C'est alors que se referme l'obscur piège qu'il avait toujours pressenti. Les mois passant, l'animal n'accapare plus seulement son temps, mais une part appréciable de lui-même. Son enfance resurgit et il se surprend, certains jours, prêt à s'endormir, comme autrefois, le visage enfoui dans le poil chaud. Tentant de réagir contre l'engourdissement, il doit reconnaître avec effarement qu'il est de plus en plus enclin à refermer les livres qu'il dévorait pour, simplement, sortir jouer avec le chien. »

J’aimerais conclure, dire « ce qu’il en est », pourquoi ça me touche. Je renonce.
Un dernier :

« Interrogé sur son entraînement, un coureur de fond célèbre avoue noter scrupuleusement haines et humiliations dans un carnet, y puisant, avant chaque entrée sur le stade, la violence répondant aux difficultés de la course. »