Case à Chine de Raphaël Confiant

Case à Chine de Raphaël Confiant

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Feint, le 6 août 2008 (Inscrit le 21 mars 2006, 60 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 297ème position).
Visites : 4 140 

Un pays qui s’enfante lui-même dans la douleur

« Case à Chine », c’est le nom que les habitants des Terres Sainville, quartier pauvre de Fort-de-France, donnent aux successives boutiques du chinois Chen Sang et de la négresse Fidéline jusqu’à celle de leur descendant Fang-Li et de sa femme Mâ, dite « Poupée Porcelaine », eux-mêmes parents du narrateur Farel, alias Raphaël, promis par un mulâtre hautain (un mulâtre « qui porte beau ») à un avenir d’écrivain – celui de Raphaël Confiant (dont la grand-mère paternelle était en effet d’origine chinoise).
« Case à Chine », c’est aussi l’expression créole qui résume le mieux l’immigration chinoise aux Antilles : après l’abolition de l’esclavage, les plantations en mal de main d’œuvre – puisque les anciens esclaves, on les comprend, ne souhaitaient plus guère couper la canne même contre trois sous –, on a fait appel à d’autres populations, qu’on s’est efforcé de faire venir en leur faisant miroiter le rêve « américain » : ces nouveaux immigrants furent des indiens « koulis » venus du pays tamoul, des « nègres congo », des Chinois ; des hommes et des femmes qui, aux yeux des nègres créoles, seront pendant un temps considérés comme ceux qui travaillent pour les békés, ceux qui acceptent le travail de la canne dont eux-mêmes ne veulent plus, et seront à cause de cela objets de mépris dans un pays qui s’enfante lui-même dans la douleur. Dans les « cases » – les mêmes qui logeaient naguère les esclaves – se retrouve une population déplacée, trompée par le mirage de « l’Amérique », voire carrément enlevée de force, objet d’un nouvel esclavage déguisé.
C’est le destin de trois familles que raconte ici Raphaël Confiant, depuis les origines en Chine jusqu’à l’époque contemporaine. L’histoire cruelle d’une arrivée dans un pays dans la langue duquel le mot « amour », ce sentiment douteux, n’existe pas (en créole, nous dit l’auteur, au lieu de dire « Je t’aime », on dit juste « Je suis content de toi ».) Le récit est construit en « cercles » successifs, faisant alterner les protagonistes, les époques, sans que le fil résolument non chronologique du récit en gêne la lecture. C’est un beau roman, assurément, émouvant et sincère, qui donne de son auteur une image plus humaine, à vif certes, plus complexe que celle qu’on peut en avoir à ne considérer que les positions de l’homme public – son alter ego – que je ne mentionne ici (conscient cependant du hors-sujet) que parce que la qualité du roman a su me les faire oublier le temps de sa lecture.

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Ce livre avait (presque) tout pour me déplaire…

8 étoiles

Critique de Ludmilla (Chaville, Inscrite le 21 octobre 2007, 68 ans) - 15 mars 2015

…et pourtant je l’ai aimé !

Un récit totalement non chronologique, ce qui m’a un peu perturbée au début (« Mais qui donc est celui-là ? J’ai déjà lu quelque chose sur lui, mais il était plus vieux ? »). Après en avoir pris mon parti et plus vraiment essayé de suivre la chronologie et les lignées des 3 familles, j’ai lu ce livre comme on écouterait un ancêtre raconter ses souvenirs dans le désordre.
La critique de Feint décrit bien mieux ce livre que je ne le ferais – et c’est d’ailleurs grâce à elle que je l’ai lu.
Merci Feint !

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