Cosa Nostra : L'histoire de la mafia Sicilienne
de John Dickie

critiqué par Solera, le 1 août 2008
( - 45 ans)


La note:  étoiles
LES ROUAGES MAFIEUX
COSA NOSTRA
L'HISTOIRE DE LA MAFIA SICILIENNE
DE 1860 A NOS JOURS
JOHN DICKIE
8/10

LES ROUAGES MAFIEUX

John Dickie nous propose l'histoire de la Mafia Sicilienne. Avec de nombreux rebondissements cette histoire mérite le détour. Les origines de la société des hommes d'honneur nous sont révélées. Grâce à John Dickie on comprend mieux le fonctionnement de cette société secrète et criminelle en Sicile et aux Etats-Unis. On apprend aussi comment des collusions entre les hommes politiques et la Mafia se sont créées. Elle apparaît ensuite comme un véritable instrument de gouvernement local. La détermination des Mafieux ne se soucie pas de borne, il est frappant de constater, que ni les deux guerres mondiales, ni le fascisme, ni un appareil plus répressif mis au point par Giovanni Falcone n'ont jusqu'à aujourd'hui pu faire disparaître cette contamination. On peut se demander si finalement certains n'y trouvent pas suffisamment d'avantages pour la faire perdurer. Pendant 150 ans d'existence, la Mafia a connu des périodes plus fastes que d'autres et c'est dans les années 60-70 qu'elle fit main basse sur le trafic mondial d'héroïne pour s'enrichir à tour de bras. Son principal et intolérable revenu est le «Pizzo» ou racket de protection. La Mafia connaît aussi son propre régulateur, elle connaît plusieurs guerres internes. Les juges et préfets de police s'occupent du reste. Le cinéma apporte à ces crapules une sorte de respectabilité et du prestige. Mais rendez-vous compte que le dernier des Parrains, Bernardo Provenzano fut attrapé après 43 ans de cavale et ce n'est peut-être pas un hasard au lendemain de la défaite de Silvio Berlusconi aux élections nationales Italiennes. Les parrains de Corleone comme Toto Riina et Luciano Leggio auront un peu moins de secrets pour vous après la lecture de cet essai troublant, détaillé, en deux mots fascinant et légendaire.
Un peu trop d'Histoire pour trop peu d'histoires. 7 étoiles

Comme son titre l'indique, ce livre retrace l'histoire de la mafia sicilienne de ses origines à 2007. Notez au passage qu'il s'agit réellement de l'histoire en Sicile, et que même si ses ramifications américaines sont abordées, elles n'y sont pas détaillées. De même, les autres mafias italiennes n'y sont que mentionnées.

Très accessible, une personne ne connaissant rien de ce milieu pourra sans crainte le découvrir et le comprendre, cet ouvrage s'adressant à tous les publics.
Bien entendu, les sujets traités sont à déconseiller aux plus jeunes ou avec toutes les précautions de rigueur, certains événements étant assez atroces, même si l'auteur ne se laisse jamais aller à la morbidité.
L'écriture y est très agréable et la structure et l'organisation des chapitres, claire et fluide.

Au delà de ces qualités techniques, prenez garde de ne pas prendre ce livre pour ce qu'il n'est pas; si vous recherchez des détails croustillants sur la vie des mafiosi ou des histoires de manigances, crimes ou délits détaillés sur plusieurs pages, vous serez peut-être un peu déçus. Car ce livre retrace l'histoire chronologique de la mafia en Sicile de manière très exhaustive. Et ainsi, on se retrouve avec une profusion de noms, de dates et de lieux qui, bien que s'enchaînant ou se recoupant, finissent par nous perdre un peu par leur profusion.
Pour lire ce livre, faites-le d'une traite, car si vous le laissez fermé sur la table de nuit pendant une semaine, il vous sera ensuite difficile de vous y retrouver.

Il faut bien comprendre que c'est plus un livre d'histoire comme pourraient l'étudier des lycéens italiens, qu'un roman. Ce récit s'étalant sur plusieurs générations d'hommes et de femmes mourant assez jeunes, il n'y a pas de longues intrigues, et on n'a pas le temps de s'attacher à des personnages qu'ils sont déjà tragiquement disparus.

Cette précision faite, l'auteur nous livre un travail qu'on imagine de longue haleine, où l'on découvre un milieu que tout le monde croit connaitre à travers les journaux télévisés ou le cinéma, mais qui s'avère en réalité très fermé et secret. Il faudra attendre les années 80 pour qu'un repenti très haut placé de l'organisation livre au tristement célèbre juge Falcone des détails sur son fonctionnement. Auparavant, il fallait se contenter des quelques enquêtes menées par des fonctionnaires courageux et téméraires (ou fous et suicidaires) pour des procès qui n'ont jamais pu aboutir à de réelles condamnations.
Notez que l'auteur fait preuve d'une grande objectivité en ne prenant jamais parti et en nous mettant régulièrement en garde de ne pas pour argent comptant les témoignages d'anciens malfaiteurs mais aussi de personnes plus "respectables".

Arrivés au terme de ce livre, nous comprenons mieux comment la mafia est devenue ce qu'elle est, mais la personnalité et le quotidien de ses membres nous échappent, et nous échapperont sans doute toujours tant qu'elle existera.

Même si cette critique peut paraître sévère, elle n'entache en rien la qualité exceptionnelle du travail de l'auteur, elle reflète juste ma légère déception de ne pas avoir trouvé dans cet ouvrage plus de petites histoires permettant de pénétrer plus intimement ce milieu par nature secret. Ceci dit, il m'a permis de me rendre compte que la loi de l'omerta ne peut permettre l'existence que ce genre de livre qui ne peut être abordé que de manière fictionnelle et romancée.

De Baskerville - Paimpol - 45 ans - 28 mai 2010