Privé de titre
de Andrea Camilleri

critiqué par Tistou, le 31 juillet 2008
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Démontage d’une machination fasciste
Andrea Camilleri a délaissé pour l’occasion son commissaire Montalbano. Pas la Sicile. Il s’agit ici d’une mise à nu des ressorts d’une machination, fasciste en l’occurrence, ou, comment faire passer pour un martyr de la cause une crapule qui s’apprêtait à commettre un crime « crapulo-politique ». Il se dit qu’Andrea Camilleri serait parti de ses propres souvenirs d’enfant (ce serait d’ailleurs lui-même mis en scène dans le petit chapitre introductif ?) pour raconter ce fait divers.
Sicile, donc, la petite ville de Caltanissetta. Nous sommes en 1921. Le fascisme monte en puissance et ses partisans s’affrontent régulièrement aux « rouges ». Lillino Grattuso, qui verse plutôt côté fasciste, en la mauvaise compagnie de Titazio Sandri et Nino Impallomeni, s’apprête à éliminer Michele Lopardo, jeune maçon catalogué « rouge ». Ils sont armés, qui d’un coup-de-poing, qui d’un bâton, et enfin d’un revolver et lui tendent une embuscade dans une ruelle sombre. L’affaire est confuse, les choses ne se passent pas ainsi que les trois l’espèrent, à telle enseigne que lors du corps à corps qui s’ensuit, un –deux ? – coup de feu part et Lillino Grattuso est mortellement touché.
La suite n’est que la manière dont ce qui devrait n’être qu’un fait divers crapuleux devient une récupération éhontée afin de procurer un martyr, un héros, au fascisme triomphant. Un peu didactique donc, mais ne se limitant pas au fascisme évidemment. On imagine bien comment n’importe quel régime pourrait récupérer ce genre d’évènement pour parvenir au même résultat. Histoire d’une récupération donc plus qu’histoire d’un méfait typiquement fasciste, ou, comment un individu peut se retrouver écrasé, broyé, par un appareil politico-médiatique quand l’occasion peut se présenter.
C’est suffisamment romancé pour n’être pas purement didactique ou partisan. Et comme de coutume avec Camilleri, c'est la Sicile qui apparait devant nous, avec ses particularismes et sa beauté vénéneuse.
Ce n’est pas traduit par Serge Quaddrupani, comme pour les épisodes Montalbano. Il n’y a pas les précautions d’usage qu’il impose pour tenter de laisser apparaître les singularités du langage sicilien. Il y a par contre des inventions de mots (pour j’imagine rendre compte de l’inventivité sicilienne ?) mais ça m’a apparu moins réussi sur ce plan.
La pertinence du titre « Privé de titre » ne m’a pas frappé, mais … bon …