L'ennemi dans le miroir : Une enquête du commissaire Per Toftlund
de Leif Davidsen

critiqué par Sahkti, le 15 juillet 2008
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Musulman = terroriste?
John Ericsson vient de passer une semaine éprouvante en Arizona, dans la Death Valley, à jouer les guides de service dans un camp de survie organisé pour des Japonais riches en mal de sensations. Il n'aspire qu'à une chose: rentrer chez lui, retrouver les siens et prendre un peu de repos.
Pas de bol, nous sommes bientôt le 11 septembre 2001 et se produit ce que vous connaissez tous. Voilà qui n'arrange évidemment les affaires de personne, surtout pas celles de Ericsson qui se nomme en réalité Vuk "le danois serbe" et est un dangereux mercenaire aux doigts encombrés de meurtres en tous genre pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Toutes les polices du monde se lancent à la recherche des terroristes islamistes, y compris le commissaire Per Toftlund, héros danois de Leig Davidsen. Vuk/Ericsson est acculé et se voit proposer un marché. La trahison ou la vie, en quelque sorte.

Leif Davidsen aborde les événements du 11 septembre via le bouleversement qu'ils ont provoqué dans le quotidien des gens, en particulier des Américains. Peur, patriotisme, solidarité, voyeurisme... autant d'éléments qui entrent en jeu pour dresser le portrait d'une Amérique soudain ébranlée, et pas qu'un peu. En se postant en Arizona, l'auteur évite la proximité avec le lieu du drame, ce qui offre un certain recul, par moments anachronique, entre la frénésie de Big Apple et la réaction de l'Amérique dite profonde. C'est intéressant dans la mesure où ce recul offre un détachement froid, presque clinique, au lecteur qui peut mieux saisir les mécanismes de réflexe qui se sont emparés d'une certaine partie de la population.
Parallèlement à ce tableau américain, le personnage du commissaire Per Toftlund permet également à Leif Davidsen d'évoquer l'immigration en Scandinavie, l'intégration de nombreux musulmans désormais considérés comme dangereux terroristes, uniquement pour une question d'appartenance religieuse. Le Danemark en prend un coup dans son apparente tolérance et c'est tout le racisme scandinave qui est ici exposé, un peu à la manière de Henning Mankell lorsqu'il décrit les dérives de la société suédoise. Une description qui prend d'ailleurs le pas sur l'enquête proprement dite, tant l'auteur, à travers son personnage de Toftlund, s'étend sur les dérives danoises.
Je dirais que ce roman s'apparente davantage à un portrait sociologique qu'à un véritable polar. Les mécanismes d'un racisme latent qui ne demandait qu'un bouc émissaire pour laisser libre cours à sa détestable expression sont ici passés au peigne fin, de quoi permettre de comprendre un peu mieux (ou en tout cas prendre davantage conscience) le courant anti-musulman qui a pris place un peu partout dans le monde, à cause de l'amalgame erroné entre musulman et terroriste islamiste.
Lutte anti-terrorisme au Danemark 6 étoiles

L'analyse de Sakhti est précise et j'y souscris entièrement. Le roman a des ambitions certaines dans le domaine sociologique et c'est sans doute là un peu son point faible ; aurait-il écrit la même chose après les attentats de Madrid ? Il semble avoir sacrifié au "politiquement correct" et a peut-être été influencé par les tenants du dogme "islamo-phobie" brandi en permanence pour passer sous silence les excès de l'islamisme...

Malgré cela le roman est bien construit et se lit avec plaisir. Il éclaire le lecteur sur la vie quotidienne au Danemark, ce qui est toujours appréciable.

Tanneguy - Paris - 84 ans - 13 septembre 2009