Coupures irlandaises
de Kris (Scénario), Vincent Bailly (Dessin)

critiqué par Sahkti, le 10 juillet 2008
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Deux ados en Irlande du Nord
1987, Belfast. Christophe et son ami Nicolas vivent dans une famille d'accueil dans le cadre d'un séjour linguistique en Irlande du Nord. La famille est sympathique et catholique. Rapidement, Nicolas change de famille afin d'éviter que les deux jeunes continuent à parler français entre eux; il intègre une famille protestante. Le conflit nord-irlandais s'invite au quotidien dans la vie de ces deux adolescents qui découvre un univers totalement neuf pour eux et bien évidemment pas très agréable. Malgré cela, ils tentent de mener une vie comme le ferait tout adolescent:: balade, filles, verre entre potes mais rien à faire, la violence et la peur sont là. C'est la guerre urbaine, les ados en prennent plein la vue et seront marqués à jamais. Des années plus tard, Christophe (Kris) raconte cette mésaventure et évoque les cicatrices qu'elle a laissées dans son esprit, en particulier lorsque l'Histoire vire au tragique avec morts à la clé. Sous leurs yeux.
Un récit dur, brutal, composé d'émotions brutes que tente d'apaiser le dessin, plus doux, de Vincent Bailly, parfaitement complémentaire du propos de Kris. L'évolution du récit se fait lentement, à petits pas, permettant au lecteur (l'obligeant, même) de s'imprégner de l'atmosphère de ces lieux et de cette époque.
J'ai beaucoup aimé cet album pour la proximité qu'il offre au thème abordé , vécu par l'un des deux auteurs, et le regard chargé de neutralité qui est posé sur ce conflit qui en a dépassé plus d'un, hors Irlande.
Témoignage sincère et sans parti pris 8 étoiles

Deux ados insouciants, une envie de bouger, de faire la fête, de liberté, de lâcher-prise, de conquête du monde et des filles. Pour un voyage linguistique proposé par l’école, ils partent vers un pays inconnu : l’Irlande.

Séparés, l’un dans une famille protestante, l’autre catholique, c’est ainsi qu’ils prendront toute la mesure de ce climat lourd d’insécurité. Qu’ils se poseront tant de questions, comme celle, évidente, du "pourquoi ?". A quatorze ans, on ne digère pas " la guerre des autres " comme ça. Guerre des autres qui ne l’est peut-être pas tellement.

Mis face à l’injustice, au courage, à la fierté, au sens de l’identité parfois trop fort, à la chaleur humaine et aussi à la douleur et la peur, ils passeront par les émotions les plus extrêmes, de l’allégresse à la consternation, et n’en sortiront pas indemnes, marqués comme on peut l’être à une période de la vie ou la prise de conscience du monde fait de nous des êtres différents. Surtout quand on se trouve toujours à la limite du drame.

Posées sur des souvenirs, ces "coupures irlandaises", qu’on sent sincères et intenses, ne commettent pas l’erreur du jugement. Elles sonnent plutôt comme une exorcisme, un besoin d’écrire cette page d’histoire-là, dans un regard personnel touchant qui, et ce n’est pas facile, parvient à éviter de prendre les autoroutes souvent empruntées quand il s’agit de parler de l’Irlande et de son passé riche mais dramatique.

Un graphisme pas forcément esthétisant mais qui colle au thème.

En fait, c’est bien aussi, les histoires vraies.

Bluewitch - Charleroi - 44 ans - 7 septembre 2008