Le Chant de la machine, volume 2
de David Blot (Scénario), Mathias Cousin (Dessin)

critiqué par Numanuma, le 7 juillet 2008
(Tours - 51 ans)


La note:  étoiles
Sampler et sans reproche
Après avoir chroniqué le volume I, il est normal que je passe au volume II édité en 2002 chez Delcourt. Ce n’est rien de dire que je l’ai attendu avec impatience ce second volume, au point que j’avais fini par désespéré le voir paraître un jour. J’ai fini par mettre la main dessus au Virgin des Champs Elysées alors que j’y étais sûrement pour autre chose.
Ce second épisode retrace l’arrivée de la musique véritablement électronique, vraiment technologique. On entre avec les teuffeurs dans l’ère des raves et des drogues, dans une ère d’hédonisme effréné violement combattu par les forces de l’ordre à coups d’amendements et de lois contre les stupéfiants. La BD s’ouvre sur l’histoire édifiante du LSD depuis son apparition en Allemagne en 1912 jusqu’à son explosion mondiale dans les années 60 grâce à un chercheur de Berkeley.
Bizarrement, j’ai eu l’impression à la lecture que le LSD est un truc sympa à consommer entre potes pour faire la fête… Un truc soft et sans danger. Je suis peut-être un vieux con réac mais j’ai du mal à voir le LSD de la sorte. Faudrait que j’en prenne mais j’avoue ne pas être très chaud.
Fermons cette parenthèse, chacun se fera son avis là-dessus et revenons à la musique.
A la différence du premier volume qui dressait établissait l’arbre généalogique de la musique électronique, ici, on tombe tout de suite dans le feu de l’action. Désormais, la techno est faite de samplers, de synthétiseurs et d’ordinateurs. Tout l’aspect organique des origines est gommé par les samples, les boucles et une recherche sans limite du BPM à la limite de l’intelligible. Les raves sont de grands rassemblements de weekenders prêts à entrer en transe pendant 24 heures, clean ou chargés de cachets.
La BD passe, volontairement ?, à côte de l’aspect profondément individualiste des raves. Certes, il s’agit de rassemblements de plusieurs milliers de personnes mais tout le monde danse dans son coin, dans son monde, dans son trip. L’accent est mis sur la transe collective qui semble le point fort de la chose, son aspect fondamental, vital. Réel ? Je connais trop les concerts de rock et le côté grand messe pour nier le fait qu’il se passe sûrement quelque-chose de spécial en rave. Mais cela me paraît relever de l’indéfinissable, de l’émotionnel pur. Un truc intraduisible en mots, ce que traduit bien mieux la BD avec ses images, ses plans et arrière-plans…
Les pages 24 à 39 sont incroyables de beauté et d’énergie en noir et rose. Elles racontent l’histoire d’un certain Stanley Rose apparemment considéré comme un pionnier de la soul du XXI° siècle. Je dois l’avouer, mais recherches sur Internet n’ont rien donné mais l’homme a connu un succès phénoménal avant de disparaître écœuré par le business qu’est devenu la techno et l’inculture des fans. Le moment le plus fascinant de son succès à seulement 19 ans se déroule alors qu’il est booké pour une rave en région parisienne. C’est à son tour de prendre les platines. La foule s’attend à des remix, du tchac-poum violent et euphorisant. Au lieu de ça, pensant qu’il s’adressait à une jeunesse cultivée ou du moins curieuse, il joue des classiques soul de Motown, de Stax avant de se prendre insultes, crachats et finalement d’être assommé puis remplacé par un DJ plus conforme à ce qu’on attend d’un DJ en rave.
Ce second volume, qui mérite une suite désormais, clin d’œil aux auteurs, possède un ton beaucoup plus sombre que le premier. La musique électronique est devenue un marché en sortant du circuit fermé des boîtes de nuits, ce qui est le lot de toutes les musiques attirant un tant soit peu de public fidèle. Même les raves sont maintenant soigneusement encadrées par un arsenal législatif assurant, il est vrai, une certaine sécurité sanitaire pour les participants mais détruisant par la même occasion le côté festif et improvisé des débuts, quand elles ne sont pas organisées directement par des entreprises privées avec sponsors. D’ailleurs, le 5 juillet 2008, le Parc des Princes ou le Stade de France, je ne sais plus, s’est transformé en boîte de nuit géante pour gogos payants avec ce guignol de David Guetta aux platines et un véritable artiste de la scène comme Carl Cox. C’est dire à quel point la techno est devenue une entreprise prospère. Comme le rock, oui, je sais…