Abel
de Hugo Marsan

critiqué par Spiderman, le 5 juillet 2008
( - 61 ans)


La note:  étoiles
"Invalide inverti "dans placard doré ...
Couronné par le Grand Prix 2007 de la Société des Gens de Lettres, Hugo Marsan place au coeur de son roman un « infirme » dont le narrateur tombe amoureux.
Construit comme une fiction dans la fiction, sous la forme des entretiens d'un écrivain vieillissant avec un jeune journaliste, ce superbe roman mêle des références à Mort à Venise, à André Gide et une scène assez « sadienne »... Dans une prose riche et littéraire, Denis, précepteur du jeune Aliocha (paraplégique ?) relate sa réclusion volontaire dans un château du Sud Ouest de la France où il se réfugie après l'échec de son mariage et une occupation allemande pendant laquelle son épouse et lui étaient, assez naïvement, tombés sous le charme d'Hugo, bel officier allemand.

Le jeune et séduisant Aliocha, avec ses jambes inutiles est secondé par le beau Franz qui lui offre les moyens d'être mobile ... et sans doute tellement plus de choses encore.

Denis dont l'orientation sexuelle ne semble pas oser émerger, même quarante ans plus tard auprès de son interlocuteur, souffre d'un trouble infini et d'une jalousie pernicieuse ....

C'est par les yeux d'un amoureux frustré de la fin des années 40 qu'Hugo Marsan trace le remarquable portrait poétique et assez bouleversant, idéalisé et largement abstrait de ce qui à l'époque était « un infirme ». Préservé des problèmes financiers, Aliocha est une météorite humaine dont les angoisses, les colères, les joies, les plaisirs sexuels sont décrits avec une plume littéraire, plus proche du coeur que de la peau ... même lorsque le fouet s'en mêle...

Ce sont toujours la pitié et la compassion qui perturbent le regard amoureux du valide : celui de Franz, moins intellectuel, plus concret et sans tabous, est certainement plus précieux à Aliocha que celui de l'intello sensible, cultivé, et terriblement frustré qu'est Denis.