Pouvoir et fortune de Richelieu
de Joseph Bergin

critiqué par Micharlemagne, le 1 juillet 2008
(Bruxelles - 72 ans)


La note:  étoiles
La pourpre et l'argent
Voici un ouvrage d’une grande valeur scientifique et d’une assez étonnante actualité à l’époque où les cabinets de juges d’instruction servent d’annexes aux salles de réunion des conseils des ministres…
Joseph Bergin, un « ancien » de Cambridge, aujourd’hui professeur de l’Université de Manchester, nous donne ici une vision tout à fait nouvelle du « grand cardinal », celle de l’argent.
Comment un jeune homme d’origine assez modeste et dont la jeunesse s’est déroulée dans un certain dénuement a-t-il pu, en un peu plus de quinze ans, constituer une fortune colossale ? C’est en partant de cette question que Bergin retrace la carrière de Richelieu. Bien plus, il nous introduit dans les arcanes de la vie politique du début du XVIIe siècle et nous initie aux mœurs d’une époque qui, décidément, n’a plus grand-chose en commun avec la nôtre.
C’est ainsi que nous apprenons qu’un ministre de Louis XIII – ou d’Henri IV (Sully) ou de Louis XIV (Mazarin, sans doute le recordman de la catégorie, Fouquet puis Colbert et Louvois) – se devaient d’être prodigieusement riches pour exercer le pouvoir. S’ils ne l’étaient pas, comme Richelieu ou Colbert, ils le devenaient rapidement, non seulement grâce aux libéralités royales, mais aussi grâce à une gestion avisée de leur capital social et culturel. Talleyrand, dont on a pu dire qu’il était l’homme le plus corrompu de son siècle, ne faisait au fond qu’appliquer les sages préceptes des siècles précédents et c’est en quoi il est un homme d’ancien régime.
En cette époque, un ministre pauvre eût été indigne de son roi et de son pays, et loin d’être puni pour avoir accumulé une importante fortune, aurait été châtié pour avoir « fait tache ». C’est la raison pour laquelle, l’arrestation et le châtiment de Fouquet, contrairement à ce qu’ont prétendu tous les "historiens", n’a rien à voir avec sa fortune mais bien avec ses prétentions politiques insupportables pour un jeune Louis XIV excessivement jaloux de son pouvoir et profondément complexé par la Fronde.
Joseph Bergin se livre donc a une étude extrêmement fouillée des sources des revenus du ministre de Louis XIII. Disons-le sans ambages, son livre ne se lit pas comme un roman. Il s’agit bien d’une étude universitaire de très haut niveau, avec tout ce que cela implique. Mais, pour qui s’intéresse à la personne de Richelieu et à l’histoire de cette époque, cette lecture est indispensable.
Très bien préfacé par Pierre Goubert, remarquablement traduit par Philippe Delamare, ce livre est publié par Robert Laffont, dans sa collection « Les hommes et l’histoire », dont il faut saluer ici la clairvoyance : cet éditeur ne craint pas de faciliter au public l’accès à des textes difficiles mais essentiels. Il nous y avait habitués avec sa remarquable collection « Bouquins », qu’on ne louera jamais assez. Il continue ici…