Passage des miracles
de Naguib Mahfouz

critiqué par Tistou, le 23 juin 2008
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Zola égyptien ?
Si l’Egypte constitue le terrain de jeux exclusif de Naguib Mahfouz, ses romans sont d’une très grande variété. Une certaine unicité pourrait être néanmoins le cadre urbain et la ville du Caire en particulier. C’est le cas encore ici puisque l’impasse du Mortier, microcosme que Naguib Mahfouz va étudier à la loupe, est un petit « bout » du Caire.

" Le coucher du soleil s’annonçait et l’impasse du Mortier s’enveloppait d’un voile brunâtre, rendu plus sombre encore par le fait qu’elle était resserrée entre trois parois, comme au fond d’une nasse. On y entrait par la Sanâdiqiyyeh , puis la chaussée montait raide, en désordre, bordée d’un côté par une boutique, un café, un four de boulanger, de l’autre par une boutique encore, puis un bazar. Et, tout comme sa gloire passée s’était brusquement éteinte, l’impasse se terminait soudain par deux immeubles accolés, composés l’un et l’autre de trois étages. »

Une impasse est par définition réduite et nous allons faire la connaissance de ses habitants, autour d’une histoire principale ; celle de Hamida, jeune femme belle, sans trop de scrupules, déterminée à sortir de l’ennuyeux quotidien de l’impasse, et dont la destinée est comme réglée comme du papier à musique. C’est à travers son destin, ce qu’elle mettra en oeuvre consciemment, comme ce qui l’écrasera socialement de manière inhumaine, que Naguib Mahfouz nous donne à voir les évolutions à venir de la société égyptienne ou du moins les prémices de celles-ci.
Des personnages forts et bien campés vont venir prêter leur voix, leur vision, pour nous éclairer sur la progression du drame.
Ceci est daté, toutefois, écrit pendant ou à la fin de la seconde guerre mondiale. Il est certain que beaucoup d’idéologies, d’évènements majeurs, ont coulé depuis sous les ponts du Caire et que des « Impasses du Mortier » ne doivent plus trop exister dans le Caire d’aujourd’hui soumis à d’autres problématiques. Un peu l’impression qu’on pourrait ressentir en visionnant un film français du début des années 50, ou plus encore un film de société italien de la même époque. Tant de repères, de critères ont changé que ça en devient simplement une balise du passé.
Reste dans le cas de ce roman l’amour de Naguib Mahfouz pour le peuple égyptien et la justesse de ses développements psychologiques.
Un Zola du milieu du Xxème au Caire !