Rocher de Brighton
de Graham Greene

critiqué par Saule, le 18 juin 2008
(Bruxelles - 58 ans)


La note:  étoiles
Entre le sol et l'étrier
Ce roman débute comme un roman policier, une atmosphère noire, une histoire de règlement de comptes dans la ville balnéaire de Brighton. Cependant, et Greene s'en explique dans l'introduction, les personnages semblent échapper à son auteur et le roman prend une autre dimension, toujours sombre, mais une dimension presque théologique sur le problème de l'enfer, de la damnation et de la miséricorde divine.

L'histoire est celle d'un gamin des bas fonds, qui sort à peine de l'adolescence et qui est à la tête d'une bande de malfrats cyniques et cruels. Le gamin est pourri par la vie, il se croit damné et s'en enorgueillit même si des lointains relents de catéchisme lui reviennent. Il n'hésite pas à entraîner une jeune fille naïve et amoureuse dans sa chute, qui choisit délibérément d'accompagner son amoureux en enfer par amour pour lui. Réussira-t-elle a sauver son amoureux, à l'instar de la merveilleuse Sonia de Dostoïevski qui grâce à la pureté de sa foi ira tirer son Raskolnikov des enfers ?

D'une simple histoire de gangster le roman se transforme en un grand roman, sombre et cruel, sur le mal. C'est un grand livre d'un tout grand auteur, un auteur dont chaque livre m'apporte le même plaisir de lecture mais qui m'apporte beaucoup plus que ça de par les thèmes qu'il traite. Après un premier chapitre entrainant et passionnant, le livre connait quelques temps morts, mais se termine par un final bouleversant.

"Entre le sol et l'étrier", c'est le court instant ou le pécheur peut faire acte de contrition avant de mourir. Cela me fait penser à une anecdote à propos du Saint curé d'Ars : lors d'une confession, une femme en pleurs se désespérait que son mari s'étant suicidé, il n'aurait pas droit à la miséricorde. Le curé d'Ars lui demande alors comment son mari s'était suicidé, et elle lui répond qu'il s'est jeté d'un immeuble. Sur quoi le Saint curé d'Ars lui explique qu'il y a toutes les chances que son mari ait eu le temps de demander pardon entre le moment où il s'est jeté dans le vide et la chute, ce qui fait qu'il aura été pardonné !
Vendetta sauce anglaise 7 étoiles

Un homme est assassiné par un groupe mafieux pour avoir aidé la police à se débarrasser d’un chef de gang. La personne qui a fait ça sort à peine de l’adolescence. C’est un gamin violent qui a soif d’asseoir son autorité sur la bande dont il se croit l’héritier légitime… Mais voilà qu’une femme un peu blasée et au tempérament fort sympathique, décide de mener l’enquête et qu’elle vient embêter le seul témoin, bien qu’indirect, de l’affaire : une jeune serveuse un peu paumée et follement romantique...

Le Rocher de Brighton raconte l’histoire d’un mafieux en herbe qui a pourtant toute la méchanceté d’un grand. Un gamin traumatisé par la religion et par ce qu’il a vu ses parents faire « tous les samedis soirs ». C’est un vrai méchant qui joue au dur, une racaille d’aujourd’hui, et dont on a grand peine à avoir pitié. Il « taillade » ceux qui ne le suivent pas et on s’étonne de le voir choisir le mariage plutôt que le meurtre pour se protéger de la jeune écervelée qui pourrait le compromettre mais est, bien commodément, amoureuse de lui… C’est d’ailleurs complètement invraisemblable et ça ne sert pas le récit qui devient à peine crédible. Les réflexions faites sur la religion et la place hallucinante de celle-ci dans leurs cerveaux perturbés sont aussi très tirées par les cheveux. On n’y croit pas, enfin je n’y ai pas cru… Je ne suis pas rentrée une minute dans cette histoire pourtant bien écrite (comme toujours) mais farfelue. Le seul personnage qui m’ait conquise est celui d’Ida, cette femme entre deux âges à la poitrine et au rire exubérants, et qui s’improvise détective d’un jour, un Sherlock Holmes bien loin des clichés habituels et qui donne toute sa saveur au livre.

Un peu décevant donc, mais une bonne histoire tout de même avec cette accélération, ce suspens vers la fin qui fait tourner les pages très facilement.

Antinea - anefera@laposte.net - 45 ans - 26 octobre 2010