Dérives sur le Nil
de Naguib Mahfouz

critiqué par Tistou, le 11 juin 2008
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Haschisch et Haschaschins
Le Nil. Une péniche. Celle de Anis Zaki. Un monde à part, le soir, la nuit, quand la bande d’amis se réunit pour fumer le haschisch au narguilé. Un monde qui nous est inconnu et qui transparait d’une lenteur et d’une douceur toute fluviales. Le Nil, le long Nil …
Anis Zaki est fonctionnaire. On a vu plus motivé ! Sa raison de vivre pratiquement, ou ce qu’elle est devenue, est les soirées-nuits pendant lesquelles ses 6 amis : un écrivain, un critique littéraire, une traductrice, un acteur, un avocat, un homme d’affaires, viennent pour refaire le monde, autour du narguilé, au même rythme fluvial ralenti que le Nil.
Cette petite société est vaguement décadente, vaguement dépravée, rien de bien méchant et Naguib Mahfouz nous décrit tout cela très bien. L’ambiance de la nuit égyptienne au bord du Nil est très prenante et la ville du Caire en est surréalistement exclue.
Et puis s’invite une journaliste, Samara. Elle a bien une idée derrière la tête, mais s’ils s’en doutent, les sept ne le savent pas. Enfin pas tous … Et puis Samara n’est pas haschaschin (qui entre parenthèse a donné naissance au mot assassin en français). Et puis par elle va arriver le drame. Le drame qui servira de révélateur aux différentes personnalités, qui montrera la fragilité des rapports humains …

« Le fumoir était prêt. Les matelas étaient disposés en un large croissant, juste devant le pont.Au milieu, un grand plateau de cuivre où étaient rassemblés le narguilé et tout le nécessaire. Le crépuscule enveloppa l’eau et les arbres ; dans l’air s’installa une douceur rêveuse. Des vols de pigeons blancs passaient au-dessus du Nil. Anis, accroupi derrière le plateau, contemplait le coucher de soleil d’un air ensommeillé, goûtant amoureusement la senteur lourde de l’eau. »

C’est un peu compliqué à lire au départ. Eh bien oui ! Anis et ses amis sont haschaschins, quasi en permanence dans le récit sous l’emprise du haschisch … et donc forcément … la cohérence, la rigueur … Il y a donc les pensées d’Anis qui dérivent au petit bonheur la chance, genre cheveu sur la soupe, et auxquelles on finit par s’habituer. A force. Pas de suite. Ca, ça freine un peu. Une fois qu’on a compris, « Dérives sur le Nil » se dévore. Se dévore car on se demande bien comment ça peut finir. On se demande …