Récits de notre quartier de Naguib Mahfouz

Récits de notre quartier de Naguib Mahfouz
( Hikâyât Hâritnâ)

Catégorie(s) : Littérature => Arabe , Littérature => Moyen Orient

Critiqué par Tistou, le 7 juin 2008 (Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans)
La note : 3 étoiles
Moyenne des notes : 6 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (54 880ème position).
Visites : 5 907 

Description en 78 séquences

78 séquences pour évoquer la vie d’un quartier du Caire, son quartier ? Naguib Mahfouz nous avait habitué à des romans construits, évoquant certes la vie des petites gens, mais au sein d’une histoire, d’un fil conducteur.
Rien de tout cela ici. Naguib Mahfouz raconte 78 cas individuels, sans nul doute tirés de sa mémoire, mais 78 cas racontés de manière express, comme un synopsis. En moyenne une page et demi par cas ! C’est dire qu’on est dans un mode descriptif plus que littéraire.

« A une époque révolue dont je n’ai connu que le crépuscule, la puissance et la force étaient détenues dans notre ruelle par les futuwwat. Eux dirigeaient, organisaient, défendaient, attaquaient, eux étaient la dignité, l’oppression, le bonheur et la souffrance.
Gaalas Dananiri est un des plus durs et des plus influents futuwwat de notre ruelle. Il trône au milieu du café telle une montagne ou se déplace à la tête de son cortège tel un monument. Je le regarde avec une admiration mêlée de stupeur mais mon père me tire par la main :
- Reste tranquille, malheureux. »

Ce genre d’ouvrage peut certainement intéresser quiconque souhaite en savoir plus sur la vie au quotidien dans un pays arabe tel l’Egypte, et plus particulièrement dans une ville telle Le Caire. De là à le qualifier d’ouvrage littéraire … ! Il y a trop de séquences purement descriptives pour attacher le lecteur. Les toutes premières séquences ; 1, 2, 3 … laissent espérer un bonheur de lecture mahfouzien associé à la connaissance ou la compréhension d’un monde qui nous est largement étranger, comme la séquence 3 qui raconte les circonstances de sa circoncision. Hélas Naguib Mahfouz ne tient pas la distance et le reste n’est plus que l’addition de cas individuels simplement relatés.

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Une ruelle du Caire ressuscitée dans la galerie de portraits de ses habitants et les souvenirs du narrateur

8 étoiles

Critique de Eric Eliès (, Inscrit le 22 décembre 2011, 49 ans) - 4 juillet 2015

Renouant avec l’art du conteur, Naguib Mahfouz (prix Nobel) ressuscite, à travers les yeux du jeune garçon qu’il fut autrefois, les personnages marquants d’une ruelle du Caire, coincée entre une place et un cimetière, et les évènements qui ont émaillé le quotidien de ses habitants. Les récifs, indépendant les uns des autres, sont brefs (ne faisant jamais plus de 3 ou 4 pages) et pourraient prêter à morale mais l’auteur ne se montre jamais sentencieux. Au contraire, il se montre avant tout soucieux d’esquisser des portraits et de redonner vie aux souvenirs enfouis dans la mémoire collective de la ruelle. Ce choix de construction peut entraîner un peu de frustration car il s'agit de portraits simplement juxtaposés, sans intégration dans un schéma narratif global, qui se concentrent sur la quintessence d'une anecdote ou d'un drame...

Les récits s’échelonnent sur plusieurs décennies mais sont très peu datés. Les éléments contextuels en toile de fond restent flous, malgré quelques repères historiques clairsemés dans le récit (notamment les manifestations pour l’indépendance et la répression des Britanniques, l’installation du 1er lampadaire électrique, la disparition des « futuwwa », autrement dit des chefs de quartier qui maintenaient l’ordre par la force, vivaient de la dîme qu’ils prélevaient sans laisser à quiconque le droit de s’y soustraire, et s’arrogeaient droit de vie et de mort sur tous). De prime abord, la ruelle est misérable et sordide : elle est le théâtre de nombreux crimes crapuleux ou de grandes bagarres de rue, mais la violence y semble acceptée comme une composante intrinsèque de la vie, qui suscite des explosions passagères et des alternances de tempête et de calme… Néanmoins, l’atmosphère est également conviviale : les gens se rencontrent, se rendent mutuellement visite et s’entraident fréquemment. Seul est réellement à plaindre l’individu mis au banc de la collectivité ou qui s’en isole volontairement, par son attitude ou ses propos (exception faite des idiots et des malades psychiques qui sont choyés et protégés car, si j'ai bien compris, tout ce qui ne vient pas de la raison humaine vient directement des démons ou de Dieu). En fait, l’amour, la religion et la réussite sociale sont les thèmes récurrents du recueil où la plupart des histoires illustrent les aspirations et les frustrations des habitants de la ruelle. Outre quelques souvenirs personnels parfois intimes (sa circoncision, sa première relation sexuelle en cachette avec la peur d’être surpris, etc.), l’auteur dévoile les contradictions que suscitent ces passions parfois antagonistes et les sacrifices consentis, de manière parfois émouvante ou tragique, par des hommes ou des femmes qui, par amour ou par ambition, bravent les conventions sociales, pour la plupart imposées par la pratique religieuse. Le mariage arrangé est celle qui cristallise les tensions, que de nombreuses personnes (et pas seulement des jeunes gens) tentent de contourner en résistant à leur entourage. Parfois, certains détails peuvent faire sourire, comme ce jeune homme qui déshonore sa famille en demandant à voir la photo de sa fiancée.

Au milieu du tumulte du quartier, le monastère soufi apparaît comme un havre de paix qui fascine tous les habitants. En effet, les moines qui y résident, ont la réputation de saints hommes et ne se mêlent jamais à la vie de la ruelle qui les a engloutis avec les progrès de l’urbanisation… Le narrateur a pourtant eu la certitude, après s’être réveillé à la nuit sur l’esplanade devant le monastère où il s’était endormi, d’avoir rencontré le Grand Cheick et d’avoir parlé avec lui… Ce souvenir d’enfance l’a longtemps hanté.

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