La plupart ne reviendront pas : Vingt-huit jours dans une poche du front russe (hiver 1942-1943)
de Eugenio Corti

critiqué par Septularisen, le 4 juin 2008
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
UNE GENERATION ENGLOUTIE
Après «Le sergent dans la neige», de Mario RIGONI STERN (déjà critiqué par ailleurs sur CL) voici donc un autre livre traitant de la tragique retraite de l’armée italienne du front russe au cours de l’hiver 1942-43.

Celui-ci est l’œuvre d’Eugenio CORTI (né en 1921) enfant de la grande bourgeoisie lombarde, officier de métier, anti-communiste notoire, engagé volontaire sur le front russe, profondément croyant et catholique, antifasciste après 1943, sous-lieutenant d’artillerie, qui pendant la Deuxième Guerre Mondiale a combattu aux côtés des nazis sur le front de l’Est dans la région russe du Don.
Ce livre se présente comme une sorte de journal racontant les évènements vécus et vus par l’auteur entre le 19 décembre 1942 et le 16 janvier 1943 lors de la retraite des armées allemande et italienne.
Fin décembre 1942 en effet le front de l’Est s’écroule (la VIème armée allemande de Friedrich VON PAULUS se retrouve entièrement encerclée dans la région de Stalingrad) 30.000 soldats italiens du trente-cinquième corps d’armée (l’un des trois corps de l’armée italienne engagés en Russie) et notamment des divisions Torino et Pasubio, ainsi que la 298ème armée allemande se retrouvent complètement encerclés sur les rives du fleuve Don dans la région d’Abrossimovo.

Leur seul espoir de ne pas tomber aux mains de l’armée russe (ce que tous redoutent) : la retraite, le plus vite possible et par tous les moyens… Commence alors une grande marche à pied en colonne vers l’arrière, en effet très vite, il n’y a plus d’essence pour les camions et seuls quelques traineaux peuvent encore transporter les blessés. Les morts le long de la route se comptent d’abord par centaines, puis par milliers, vaincus, plus que par l’harcèlement constant de l’armée russe et des partisans, par l’hiver, la neige, le gel, le manque de nourriture et surtout le froid insoutenable, en effet la nuit les températures deviennent insoutenables -20, -30, -40, et même -47°C au cours d’une nuit… or les soldats italiens n’ont pas de vêtements adaptés à l’hiver russe et ce n’est pas les quelques maigres vêtements qu’ils prennent sur les cadavres de soldats russes et les quelques couvertures des soldats italiens qui peuvent les protéger de ces températures extrêmes…

J’ai trouvé ce livre aussi beau et aussi intéressant que celui de Mario RIGONI STERN, bien que parfois les infimes détails notamment sur les noms des divisions, leur origine etc… alourdissent inutilement le livre et le rendent parfois un peu ennuyeux… en fait le livre de Mario RIGONI STERN fait 200 pages de moins et raconte exactement la même histoire tout aussi bien…

Sinon, les descriptions de ce que l’auteur a vu et vécu (parfois ce qu’on lui a rapporté) sont absolument époustouflantes. Ainsi p. ex. la recherche d’un abri quelconque pour passer la nuit (maison, grange, meule de foin…) et se protéger du froid qui deviennent quasiment obsédantes…pour le reste sinon le livre est très facile à lire dans son style, et son histoire est remplie d’humanité, bien que parfois l’auteur n’hésite pas à «se lâcher» avec mechanceté sur ses alliés Allemands (notamment sur les massacres des soldats russes faits prisoniers…) et ses adversaires russes.

Une histoire à lire, un grand document, la fin d’une génération entière engloutie dans une guerre qui n’est pas la sienne, disparue à jamais dans l’immensité des plaines russes… rapellons que sur les 30.000 soldats italiens encerclés le 19 décembre 1942 seuls 4.000 reviendront en Italie, dont… 3.000 blessés…