Féodalité
de Georges Duby

critiqué par Bolcho, le 29 octobre 2001
(Bruxelles - 75 ans)


La note:  étoiles
Tout sur le Moyen Âge
Ce livre (qui réunit en 1500 pages plusieurs oeuvres de Duby) est sans doute destiné plus au passionné d'histoire qu'au simple curieux mais il permet aussi au simple curieux de devenir passionné.
Georges Duby est LE spécialiste du Moyen Âge de langue française. Et c'est en plus un superbe écrivain, ce qui ne gache rien. Impossible de décrire ce livre: il contient trop de choses. Il me semble même qu'il nous dit beaucoup, non seulement sur le Moyen âge, mais sur le sens même de la démarche historique qui se nourrit d'approches théoriques successives. A propos du marxisme dont Georges Duby tient "à célébrer très haut -et peut-être bien l'un des derniers- l'extraordinaire fécondité", il dira "une société ne s'explique pas seulement par ses fondements économiques, mais aussi par la représentation qu'elle se fait d'elle-même". Et toujours, il nous permet de retrouver, précisément, comment la société du Moyen Âge se comprenait elle-même. Faute de quoi nous ne pourrions pas avoir l'espoir de la comprendre. Nos connaissances sur cette époque ont été forgées, à l'école, au moins autant grâce aux images d'Epinal que grâce aux historiens sérieux. Nous nous faisons en général une idée de la guerre au Moyen âge qui ne correspond en rien à la réalité. La guerre n'impliquait aucune prise de risque; c'était une expédition militaire de rapine. La bataille au contraire pouvait tuer beaucoup de gens, mais presque jamais des chevaliers (vaincus durant la bataille, ils remontaient sur leur cheval contre la parole donnée de verser une rançon à leur vainqueur). Ce qui tuait plus les chevaliers, étrangement, c'était le tournoi alors qu'il n'était pas prévu pour, au contraire. Il s'agissait, là encore, de vaincre l'autre pour lui soutirer de l'argent. Pour montrer à quel point un chevalier du Moyen Âge préserve la vie de son ennemi (à condition qu'il soit lui aussi chevalier bien sûr), Duby raconte la bataille de Bouvines. Avant de se jeter dans la mêlée, un chevalier "allemand" crie "Mort aux Français!". Ses compagnons, autour de lui, sont à ce point choqués par tant de brutalité verbale, qu'ils le tuent. Il sera l'un des trois ou quatre chevaliers mort durant cette bataille.