Le Charme des après-midi sans fin de Dany Laferrière

Le Charme des après-midi sans fin de Dany Laferrière

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Aria, le 30 mai 2008 (Paris, Inscrite le 20 juin 2005, - ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 297ème position).
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L'enfance de Vieux Os en Haïti

Ce livre est le récit de l’enfance d’un jeune garçon haïtien, que tout le monde appelle Vieux Os, bien qu’il ait dix/onze ans. Vieux Os, c’est ainsi qu’on appelait le jeune Dany Laferrière à Petit-Goâve, là où il a été élevé par sa grand-mère, Da, à qui sa mère l’a confié pour l’éloigner des dangers de la capitale, Port-au-Prince.

C’est un livre plein de tendresse et d’amour pour cette grand-mère qui représentait tout pour lui, l’autorité et l’indulgence, la sagesse et la protection dans un petit cocon familial sécurisant. Da lui a tout appris sur ses ancêtres, sur les anciennes coutumes, elle lui a raconté sa vie, une vie dure mais auréolée d’un certain mystère entretenu pour garder de nouvelles anecdotes qu’elle lui narre au fil du temps. Mais Da lui a surtout ouvert l’esprit en s’adressant à lui comme à un adulte le plus souvent et elle lui a appris les bonnes manières, celles qui l’aideront à se comporter en parfait «gentleman», ce qui lui sera d’un grand secours plus tard.

Dany Laferrière nous peint avec justesse et nostalgie ce qu’était la vie d’une petite ville en Haïti : une société très hiérarchisée où chacun respecte les notables, comme le notaire Loné, le docteur Caillemite et essaie de comprendre les jeux du pouvoir entre le Préfet, le Commissaire, le juge. Ensuite viennent les commerçants : épicerie, fruits et légumes et couturière qui joue avec les tissus colorés pour habiller ces dames ; puis tous ceux qui vivent de petits boulots
Personnage essentiel : le guérisseur, magicien du maniement des plantes, dont le surnom est Nèg-Feuilles. Il réussit là où la médecine classique échoue souvent. Ses recettes sont aussi moins chères que les médicaments.

Da a une position importante en ville. Elle est de bon conseil, elle fait un peu figure de «sage». C’est aussi elle qui fait le meilleur café de la ville, attirant vieilles connaissances et amis. On philosophe tranquillement, on cancane ou bien on parle avec inquiétude grandissante des problèmes politiques qui secouent le pays.

Les enfants sont tout un monde à part. Vieux Os va à l’école religieuse, car les mauvais garçons sont tous à l’école publique. Il travaille régulièrement, Da est très stricte sur les résultats scolaires. Pas un matin ne se passe sans qu’il ait à réciter ses leçons à sa grand-mère avant de partir à l’école.
En dehors de l’école, il y a aussi le foot et les bagarres. Vieux Os nous raconte tout ça avec nostalgie, même les raclées que se donnent régulièrement les élèves des deux écoles, auxquelles il ne participe pas. Les gamins en sortent parfois amochés, mais c’est admis dans la société haïtienne ; il faut qu’ils deviennent des hommes.

Et puis, il y a comme partout le jeu de la séduction entre garçons et filles, les premiers émois. Les filles caquettent d’un côté, se font belles quand il y a une fête, lancent des œillades à celui qui les intéresse. Les garçons élaborent des stratégies complexes pour aborder l’élue de leur cœur. Il y a le Don Juan qui les fait toutes rêver, Frantz et Rico, le meilleur ami de Vieux Os, qui fait beaucoup d’efforts, sans guère de succès. Toute la parade amoureuse a lieu le soir, quand la température a fraîchi, sur le Port de Petit-Goâve. Les mères surveillent, sans grand résultat.
Vieux Os n’est guère intéressé par ces simagrées car son cœur est pris par Vava, mais c’est Fifi la Tigresse qui s’intéresse à lui. Eternel jeu des intermédiaires, qui donne des passages très drôles, des quiproquos classiques. C’est Marivaux en Haïti.
Il fait chaud et les garçons boivent souvent plus que de raison, comme leurs pères, qui pendant ce temps de répit, le soir, jouent aux dominos ou aux échecs, selon leur classe sociale, chez le coiffeur de la ville, buvant des alcools plus ou moins trafiqués selon leurs moyens, ratafia ou whisky.

Le livre est une succession de tableaux, ou de vignettes, décrits avec une telle justesse qu’on s’y croirait, comme tout simplement, l’art de manger les mangues bien dures en croquant dedans au dessus d’une cuvette d’eau.
Toute la couleur locale est évoquée par les noms colorés ou évocateurs des lieux : Petite-Guinée, Boucan-Bélier, Deuxième-Plaine.

Mais hélas, en une nuit, se produisent une série de troubles qui effraient les habitants de la petite ville. Le cœur déchiré, Da décide d’envoyer Vieux Os poursuivre sa scolarité chez sa mère à Port-au-Prince. Le gamin comprend qu’il est quasiment entré dans le monde adulte, le matin de son départ, quand Da lui donne une tasse de son vrai café, du fort.

Ce livre se lit avec bonheur. C’est la nostalgie de l’enfance et de la terre natale perdue que l’auteur exprime avec émotion. Il s’agit là de son livre le plus autobiographique, bien que «L’Odeur du Café», publié en 1991 soit également un récit.
Dany Laferrière a un style simple et sans fioritures, mais c’est un conteur qui écrit avec le cœur, ce qui est une qualité rare.

« Je vois passer Vava au loin. Elle semble nager ou flotter. Je la suis jusqu’à l’église. Elle y pénètre par une porte dérobée…Je la vois grimper l’escalier en colimaçon qui mène aux cloches. La petite robe jaune apparaît et disparaît. Mon soleil. Il m’attire vers son centre »

NB. Da est morte le 17 octobre 1992 à l’âge de 96 ans. J’ai l’impression qu’elle me manque autant qu’à Vieux Os.
Dany Laferrière est né à Port-au-Prince le 13 avril 1953. Il a dû quitter son pays précipitamment en 1976, poursuivi par les tontons macoutes. Il est maintenant citoyen canadien.

Merci aux Editions du Serpent à Plumes de choisir pour leur collection «motifs» des couvertures aussi colorées.

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Le Charme des après-midi sans fin

8 étoiles

Critique de Exarkun1979 (Montréal, Inscrit le 8 septembre 2008, 44 ans) - 18 août 2012

Le charme des après-midi sans fin c'est une tranche de la vie de l'auteur Dany Laferrière. Il nous raconte un de ses moments heureux avec sa grand-mère à Petit-Goâve. Il nous raconte comment vivaient les gens, l'ambiance de ce coin de pays et l'interaction entre les gens.

Ce que réussi à transmettre Laferrière, c'est la joie et le bonheur. Lorsque je lisais le livre, j'avais l'impression d'y être avec lui et de partager ces beaux moments en sa compagnie.

J'adore vraiment cet auteur qui sait comment transmettre à ses lecteurs ses sentiments les plus profonds.


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