Un coup de Dés jamais n'abolira le Hasard
de Stéphane Mallarmé

critiqué par Christophe H, le 27 mai 2008
( - 62 ans)


La note:  étoiles
variables poétiques
Un siècle après la première parution du poème de Stéphane Mallarmé, sort un ouvrage remarquable avec plusieurs fac-similés. Un album rare, qui donne à lire le poème aussi bien qu’il raconte son histoire. « Il y a de possibles, multiples et variables interprétations symboliques du Coup de dés », prévient Françoise Morel, propriétaire des documents, à l’origine, avec Joseph Benhamou, des éditions de la Table ronde, de ce pari réussi.

Mallarmé apporta un soin capital à la présentation de son poème, espaces, blancs, taille des caractères, typographie, etc. qui en font un poème complet, bien loin des repères conventionnels. De ces mots, disséminés sur la page, comme en cascade, s’écoulant après le lancer d’un coup de dés magique émane une harmonie imperceptible au premier coup d’œil. Comme s’ils étaient guidés par le hasard, erratique selon ses règles, les mots semblent se succéder sur la largeur des deux pages. Et pourtant, ils résonnent, s’entrechoquent, pour restituer l’émotion poétique. Il ne s’agit pas de chercher la rime, mais de créer la surprise : « quand bien même lancé dans des circonstances éternelles… » Ainsi, le poète se fait l’observateur d’une succession de vocables qui crée ce moment subtil, l’étincelle… Parce que le mot est seul, « RIEN », au beau milieu d’une page, ou bien parce qu’une phrase fait brusquement image dans le déroulé du poème…

La seule lecture des fac-similés annotés par l’auteur constitue un vrai moment de bonheur. A cela s’ajoute l’étude savante de Françoise Morel, pour mieux saisir l’importance, pour Mallarmé et pour la littérature, de ce poème écrit en 1897. Un de ses tout derniers textes, puisqu’il est mort l’année suivante, à l’âge de 56 ans. Un poème comme un testament : « Toute pensée émet un coup de dés »…
Une réflexion poétique sur le hasard 9 étoiles

Ce poème volontairement déstructuré, archi-moderne en la forme, interroge sur le hasard, et il s'y prend de plusieurs manières, sur le fond, par les affirmations, apparemment intangibles, donnant l'impression d'être gravées dans le marbre, et par la forme, chaque phrase étant décomposée de page en page, la taille des caractères permettant de les identifier.
La confrontation de ces réflexions entre elles, par chevauchement, crée du hasard dans l'ordre de lecture, avant d'en comprendre le fonctionnement. Cette forme rappelle quelque peu, toutes choses égales par ailleurs, les calligrammes, lancés par les contemporains de l'auteur, notamment par Guillaume Apollinaire.

Voilà une oeuvre belle et déconcertante qui mérite d'être découverte et étudiée.

Veneziano - Paris - 46 ans - 31 décembre 2017