La corde et la pierre
de Arkadi Vaïner, Georgij Vaïner

critiqué par Sahkti, le 22 mai 2008
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Russie de plomb
Ames sensibles et moral bas, s'abstenir! Voilà un roman sombre, noir, déprimant par moment tant l'injustice et la révolte guettent. Pas étonnant que les frères Vaïner aient caché ce manuscrit pendant de nombreuses années, par peur de la censure et des représailles! Car c'est tout un système qui est ici montré du doigt et dénoncé, celui de la Russie des années 70, des années de plomb.

Sous prétexte de raconter l'enquête menée par Aliocha, un auteur poivrot et rejeté qui cherche à démêler l'intrigue de la mort du père de sa petite amie Ula, A. et G.Vaïner plongent dans le système étouffant et ô combien puissant de la bureaucratie soviétique. Comment humilier les gens, les réduire au silence, semer le néant dans la vie des uns et des autres au gré des humeurs politiques, comment passer du goulag à l'hôpital psychiatrique, comment surveiller et contrôler la culture, bref comment asservir tout un peuple.

Les frères Vaîner ne mènent pas ici une dénonciation militante et virulente, ce n'est pas un essai ou un pamphlet, mais bien un roman policier, moyen détourné mais tout aussi efficace d'aborder la réalité par le biais d'une histoire connexe. L'occasion de glisser ça et là des détails, des morceaux d'Histoire et de vérité, de poser un contexte qui finit par s'insinuer peu à peu dans la tête du lecteur, au point de le dégoûter de ce régime totalitaire, de cette pensée antisémite et de ce pouvoir destructeur.
Heureusement, quelque part, que l'écriture des Vaïner est un brin emportée et lyrique, ça permet de respirer et de prendre un certain recul face au contenu, très noir, de l'ensemble.

La réédition par Gallimard/Folio Policier de ce roman initialement publié par Gallimard/Série Noire est bienvenue, car elle remet en lumière cet ouvrage qui dénonce une certaine Russie, dont les critères démocratiques ont certes évolué mais pas encore tant que cela. L'Union soviétique d'hier n'est bien sûr par la Russie d'aujourd'hui (quoique dans les coulisses, certaines méthodes ont toujours cours), mais des pays voisins, inspirés des exemples du passé, auraient tendance à reproduire quelques erreurs néfastes...

PS: je trouve très judicieux le choix de cette (belle) couverture pour illustrer l'édition Folio; elle reflète bien cette sensation d'être en permanence en route pour l'échafaud et l'inconnu.
Les années noires du socialisme soviétique 8 étoiles

On sait bien que les années Staline avant la deuxième guerre mondiale furent terribles, mais ce qu'on réalise moins c'est que les successeurs du tyran (glorifié longtemps en France) n'avaient rien à lui envier : ils maintinrent le système comme le montrent les frères Vaïder qui racontent une histoire épouvantable dans les années 70. Je suis d'accord avec Sahkti : l'énigme policière n'est qu'un prétexte pour nous donner un formidable témoignage de cette époque en Union Soviétique qui nous donne froid dans le dos.

Je retiens pour ma part deux moments forts : la mort de Staline et ses morts innombrables telle que se le rappelle un témoin oculaire, et les méthodes étonnantes des hôpitaux psychiatriques utilisés sans scrupules par les autorités pour "traiter" la dissidence.

A recommander à tous ceux qui n'acceptent pas les contes de fées que nous servent les héritiers de cette idéologie...

Tanneguy - Paris - 84 ans - 12 août 2011