Le balcon
de Jean Genet

critiqué par Imad, le 19 mai 2008
( - - ans)


La note:  étoiles
une pièce déroutante
Le Balcon est une pièce représentative de la dramaturgie subversive de Jean Genet, l'un des auteurs les plus atypiques du "théâtre nouveau" . Cette pièce marque un tournant dans l’œuvre de Genet, qui en publie d'ailleurs cinq versions successives : sur le plan dramaturgique, l’auteur brise l’unité de la scène et multiplie le nombre des personnages. Ces derniers jouent leurs scénarios pervers dans la maison de prostitution " le Grand Balcon" tenue par Madame Irma, alors que la révolution fait rage dans la ville. Les clients du Grand Balcon viennent sous des habits d’emprunt, chercher une image idéale dont ils seront  « la figure » pendant le scénario pervers qu’ils joueront avec l’une des prostituées de Madame Irma. C’est ainsi que l’on peut assister aux séances d’habillage et de déshabillage du client.
Le personnage se distingue dans Le Balcon par son caractère protéiforme . C’est le cas de l’Evêque qui se réjouit d’entendre confesser les pêchés, du Juge sadique qui veut fouetter la Voleuse, du Général heureux de succomber aux blessures des batailles. Ne disposant d’aucune identité, il prend de ce fait des allures multiples. Ainsi, le  Général  ne nous sera connu que sous l'étiquette d'un client assidu de la maison de Madame Irma, qui vient satisfaire ses fantasmes en revêtant l’uniforme et en mimant sa propre mort sur le champ de bataille avec l’aide de la fille dont il s’assure les services. Du reste, le personnage de Madame Irma est central: elle observe tous les salons de la perversion à travers un viseur qu’elle a installé dans sa chambre et c’est donc par ses yeux que le spectateur voit quelques scènes "obscènes". Quand l’Envoyé de la cour propulse Irma sur le devant de la scène politique afin de se servir d’elle, cette dernière devient une figure qui remplace la reine morte lors de la révolution. Cette machination met fin à la révolution.
Le Balcon reste d'une actualité surprenante même si sa version finale remonte à 1961. Genet y associe, non sans ironie, la société occidentale à un bordel de luxe : un lieu où s’échangent les corps contre de l’argent, où règnent la supercherie et l'illusion.