Qu'est-ce que vous voulez voir ?
de Raymond Carver

critiqué par Kinbote, le 29 octobre 2001
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Cinq nouvelles inédites
Voici cinq nouvelles inédites de Raymond Carver, disparu en 1978 à l’âge de 50 ans, et découvertes dans ses papiers par sa dernière compagne. Ce ne sont pas des fonds de tiroir comme on aurait pu le craindre, même si l'auteur aurait certainement récrit ses nouvelles et ce, jusqu'à trente fois, comme il en avait l'habitude.
Dans « Appelle si tu as besoin de moi », un couple essaie de recoller les morceaux de leur amour en prenant leurs congés ensemble… Dans « Rêves », la voisine du narrateur perd ses deux enfants dans un incendie et réapprend doucement à vivre. Un autre incendie clôt « Vandales », dans laquelle nouvelle Nick reçoit les amis de sa femme qui ont connu et toujours regretté son premier mari. Dans « Du bois pour l'hiver », un homme passe, après une cure antialcoolique, un séjour chez un couple qui habite près d'une montagne. Enfin, la nouvelle qui donne son titre au recueil raconte comment un couple, s’apprêtant à quitter son logement et à se séparer pour causes professionnelles, est invité par leurs proprios à prendre une sorte de repas d'adieux au carré. Ceci n'est pas un livre de trop sur Carver. On peut découvrir sa prose à cette occasion, prendre plaisir à la lecture de ces tranches de vie pétries d’humanité et se faire à cette idée, illustrée si justement, que le cours des choses va son train quoi qu’on fasse pour l’infléchir. Sous des dehors d'une grande simplicité, le plus grand nouvelliste depuis Salinger sait toucher au plus profond de nous le ressort de nos émotions les plus vives.
Des tonneaux d'eau de pluie 8 étoiles

La critique de Kinbote, écrite il y a onze ans n’a pas pris une ride. Il a, de façon concise, indiqué les thèmes abordés sans jamais les divulguer, nous en laissant le bonheur de lecture. Ce sont toujours les mêmes, écrits avec la même écriture. C’est que Carver a, comme tous les grands écrivains, son univers. Malaise, mal être, alcoolisme, adultère, déménagements, imminence du danger.

On ne saura jamais pourquoi ces nouvelles ne furent jamais publiées et restèrent longtemps oubliées dans un tiroir, d’autant que ce recueil de cinq nouvelles a sa cohérence. Ainsi « Rêves » et « Vandales » racontent des histoires différentes mais avec les mêmes « intervenants », des enfants et le feu et une chute toujours ouverte sur un autre possible. D’autres parentés sont signalées par Tess Gallagher qui fut sa dernière femme. Dans un beau texte qui achève le sixième volume des œuvres complètes de Raymond Carver, elle considère, pour sa part, que ces nouvelles sont différentes de celles publiées du vivant de son mari (explication de l’oubli dans un tiroir ?), tout en les complétant et les éclairant.

Mais surtout, elle dit magnifiquement pourquoi Carver est toujours présent.

« Ce livre est semblable à de l’eau de pluie recueillie dans un tonneau, à de l’eau que le ciel nous a envoyée. Il suffit d’y plonger la main pour y puiser de quoi nous rafraîchir et nous aider à vivre - pour nous rapprocher de l’œuvre et de la vie de Raymond Carver. »

Jlc - - 80 ans - 29 juillet 2012