Train de nuit pour Lisbonne
de Pascal Mercier

critiqué par Ludmilla, le 8 mai 2008
(Chaville - 68 ans)


La note:  étoiles
Un livre à savourer
Gregorius, professeur de latin/grec à Berne, à la vie réglée et raisonnable depuis des années, sauve par hasard une femme portugaise du suicide, puis se rend dans la librairie espagnole de Berne dans l’espoir de l’y retrouver. Il y fait la rencontre d’un livre portugais : « Un orfèvre des mots » de Amadeu de Prado. Après lui avoir traduit un passage de ce livre, le libraire le lui offre.
Et la vie de Gregorius bascule : il part pour Lisbonne, ville de Amadeu de Prado, pour en savoir plus sur ce livre et son auteur, orfèvre du langage.
Le livre alterne ensuite entre l’enquête de Gregorius et des extraits d’ « Un orfèvre des mots ».

« S'il est vrai que nous ne pouvons vivre qu'une seule partie de ce qui est en nous, qu'advient-il du reste ?»
« Celui que je paraissais (…) je ne l’avais jamais été , pas une seconde de ma vie »
Ces quelques extraits me semblent plus représentatifs de ce livre que le résumé qui précède et qui ne traduit en rien ce que j’ai ressenti à sa lecture. Autant certains livres se dévorent en quelques heures, autant je pense que « Train de nuit pour Lisbonne » mérite qu'on s’y attarde pour réfléchir sur le sens de la vie, l'amour, l'amitié, le courage et la mort.
Une rencontre avec soi 8 étoiles

Avec ce livre, on passe par toutes les étapes; c'est un conte, c'est un livre philosophique, une sorte d'enquête policière sans policier ??
Il y a de tout, comme dans la vie , et ceux qui acceptent "d'isoler" et de lire les extraits du livre et des lettres de Amadeu de Prado , l'un des deux personnages principaux, comprendront qu'il y a de magnifiques messages et de sujets de réflexion.

Sur le temps qui passe, les relations familiales et amicales,
les sentiments et convictions, la peur, la fidélité, le vide, le plein ...

Le deuxième (ou premier) personnage principal, Gregorius, vit une vie presque "vide", on dirait, et avant d' ''oser vivre" sa vie à travers la découverte de la vie d'un autre, le médecin et poète Amadeu dont il découvre le parcours de vie à Lisbonne.

Qui est qui, finalement, dans ce livre? Les personnages et le temps peuvent s'inverser, selon notre appréciation et sensibilité.
De magnifiques moments à côté de quelques longueurs, des pensées et sentiments merveilleusement décrits , et une qualité de traduction D-F remarquable.

Tulipe - - 68 ans - 15 février 2016


Tortillard vers Lisbonne 5 étoiles

Suite à une double rencontre, celle d’une inconnue lusophone et celle avec un livre rédigé en portugais « Un orfèvre des mots », le professeur Gregorius, alias Mundus, sommité dans l’art d’enseigner les langues anciennes dans cette bonne ville de Berne, décide de tout quitter et de prendre le train pour Lisbonne.

Comme sa vie en dépendait, sans arme et bagage, Mundus part à la recherche de l’auteur de ce livre, un certain Amadeu, médecin de son état, mais aussi intellectuel décédé lors de la révolution des œillets.

Trente ans après sa mort, il fait une série de rencontres avec des personnes l’ayant côtoyé, le récit relatant sa quête visant indirectement à faire revivre ce personnage qui a marqué sa famille, ses amis et ses professeurs.

Pascal Mercier, de son vrai nom Peter Bieri, est un philosophe helvétique germanophone qui utilise ce pseudo lorsqu’il écrit sous la forme romanesque.

Son style est certainement bon mais le fond de cette histoire manque de relief pour dire que le lecteur est pris par le récit. Cette lenteur et le manque criant d’action ou de rythme, voire le mystère entretenu qui entoure les personnages fait que le lecteur avance dans le brouillard sans savoir quand il va réellement émerger, à supposer qu’il sorte à un moment la tête de l’eau.

En conclusion, si l’idée du roman est bonne, tout quitter en vue de faire une sorte de quête laïque, le lecteur risque par contre de s’ennuyer à la lecture de ce roman dont l’atmosphère est plus étouffante qu’emballante.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 11 février 2016


hélas ! beaucoup de remplissage! 6 étoiles

L’auteur tient là un bon sujet de roman, l’amour que porte l’un des héros du livre, Amadeus Prado à la belle Estefania, une résistante sous la dictature de Salazar au Portugal, ainsi que les rapports difficiles de ce même héros avec son père, un juge d’instruction qui s’enferme dans son bureau.

Ils s’apprécient tous les deux mais ils ne le diront jamais, préférant écrire des lettres qu’ils ne s’enverront pas. Amadeus Prado, ayant tellement souffert de cette mauvaise relation avec son père se fera, à 25 ans, stériliser pour ne jamais avoir d’enfant, au grand dam de sa femme, Fatima.

Dommage que l’auteur se perde dans un tas d’éléments qui s’entremêlent les uns aux autres et dans lesquels un chat ne retrouverait plus ses jeunes.

Il part d’une rencontre fortuite qui a lieu à Berne entre un professeur, nommé Raimund Gregorius, et une Portugaise au bord du suicide. Cette rencontre mènera ce professeur très conventionnel à s’intéresser au Portugal et sans prévenir qui que ce soit, il partira là-bas sur les traces de ce fameux Amadeus Prado qui a laissé des écrits intéressants selon lui. Personnellement, je n’y ai rien trouvé de philosophique, juste des interrogations simplistes. Qu’est-ce que l’âme ? Qu’est-ce que la solitude ? Qu’est-ce que la croyance religieuse ? Qu’est-ce que la poésie ?

Avec toutes ces interrogations dans sa tête, cet Amadeus finira par faire éclater son cerveau et il mourra d’une rupture d’anévrisme.

Beaucoup de longueurs, comme si l’auteur avait voulu à tout prix remplir 500 pages, un aller-retour à Berne au beau milieu du livre, qui ne sert à rien, comme pour obtenir 20 pages de plus.

Darius - Bruxelles - - ans - 11 juin 2015


Lassitude 3 étoiles

C’est le deuxième roman de Pascal Mercier que je lis, après L’accordeur de pianos, et j’ai ressenti exactement la même chose que durant cette précédente lecture : une très belle écriture et culture, mais un manque désolant d’intérêt dans le fond. Il ne se passe quasiment rien, et dès la 10ème page, je me lasse et je dois presque me forcer pour finir, exaspérée par ses longueurs interminables, ou plutôt infinies.
En plus, j’ai retrouvé l’atmosphère de L’ombre du vent de Zafon que je n’avais pas particulièrement apprécié ; ce n’est certes pas l’Espagne mais le Portugal, et l’atmosphère particulière qui y flotte ressemble étrangement à celle décrite par Zafon ; un homme se livre corps et âme dans la quête d’un écrivain dont il ne connait que quelques textes. Si seulement Pascal Mercier pouvait raconter une histoire moins linéaire…

Elya - Savoie - 34 ans - 26 décembre 2011


Un livre comme un ami 9 étoiles

Ce train de nuit est une histoire lente, épaulée par un scénario captivant (comme quoi on peut captiver le lecteur sans être obligé d’écrire un thriller). C’est l’histoire de Monsieur Tout le monde (un prof érudit mais un peu terne) qui bouscule sa routine de manière compulsive et part dans une ville étrangère pour reconstituer le puzzle de la vie d’un écrivain disparu dans l’anonymat. Qui n’a pas rêvé comme Gregorius de tout plaquer un jour de sa vie et de suivre ses envies ? Cette histoire est aussi une mise en abyme littéraire, une histoire dans l’histoire, celle d’un professeur plus tout jeune, érudit mais un peu terne, qui se prend de passion pour l’histoire d’un auteur inconnu, brillant et fascinant, après avoir découvert ses écrits publiés par sa sœur à la mort de ce dernier. Celui qu’il aurait peut-être rêvé d’être. L’écriture est subtile et douce, telle un rêve éveillé. Les personnages recèlent tous une certaine profondeur, et Pascal Mercier a su à travers ce roman explorer les territoires de l’âme et ses méandres avec justesse élégance. Les mots sont le point de départ de cette histoire peu commune, puisque le professeur va s’intéresser au Portugal après avoir été séduit sans les comprendre par les paroles d’une jeune inconnue portugaise.

Beaucoup de thèmes s’entrecroisent dans ce livre dense qui mérite certainement plusieurs lectures : notamment les rapports filiaux, l’incommunicabilité entre les êtres, l’amitié, la réalisation de soi-même, la liberté, la fragilité, la beauté de la vie (et donc la mort), et bien entendu la puissance des mots et de l’écriture, sujet central du roman. L’auteur parvient parfaitement à décrire le cheminement des pensées et la difficulté de communiquer, notamment avec la lettre poignante du père d’Amadeu. Il décrit très bien le caractère fugace et insaisissable de l’âme humaine, et le vertige qui s’ensuit lorsqu’on fait le choix de la lucidité. Une lucidité face à notre condition humaine tragique qui ne peut que nous inciter à l’humilité. Au final, un roman intimiste avec des mots simples et beaux, qui n’énonce pas de grandes certitudes mais qui traduit très bien ce que chacun a pu ressentir en lui-même sans pouvoir toujours l’exprimer. Un livre riche, à la fois âpre et réconfortant, qui m’a toutefois laissé un peu sur ma faim, car je m’attendais à une conclusion plus poétique…

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 10 décembre 2011


Resté à quai 4 étoiles

Que dire devant tant d’éloges ?
Tout simplement que je suis resté à quai, je n’ai pas été transporté par ce train de nuit pour Lisbonne. Une désillusion donc…
Comment autant de lecteurs ont pu s’enthousiasmer pour une lecture si molle, si lente? Mon dieu que c’est lourd, pesant, on tourne les pages en espérant des rebondissements, que l’histoire prenne son envol, mais rien ne se passe, ou si peu, quelle platitude. Pourtant tout avait bien commencé, cet homme cultivé et relativement effacé qui quitte tout sur un coup de tête, sa découverte du livre de Prado, son changement de style de vie, ses rencontres, il y avait matière à faire. Mais très vite l’ennui nous guette, et pourtant je ne suis pas un fan d’action, loin de là même. Il y a beaucoup trop de superflu dans ce livre, un manque cruel de rythme, les réflexions philosophiques de Prado sont intéressantes, mais leur omniprésence devient lassante, dommage car Mercier possède une belle écriture.
Autre chose, que d’incohérences, je ne savais pas qu’une grande majorité des portugais étaient francophones et si amicaux, tout le monde accueille ce brave Mundius à bras ouverts, comme un ami de toujours, surtout cet homme si jovial...
Que de mal pour en venir à bout, chose rare, j’ai entrecoupé cette lecture par un Sôseki, bien plus accrocheur malgré ses caractéristiques, un fait révélateur. Pour être franc, je n’ai eu qu’une hâte, finir ce roman pour enfin aborder une nouvelle lecture.
Une déception donc, car comme les autres lecteurs dont les avis m’ont poussé vers cette lecture, j’aurais aimé être conquis mais ce ne fut pas le cas.

Sundernono - Nice - 40 ans - 21 octobre 2011


Saudade paradoxal 8 étoiles

L'une des grandes forces de ce roman est de laisser de la place à l'inachevé. Pascal Mercier ne cherche pas la finitude, l'épuisement de toutes les pistes. Il sait clore Train de nuit pour Lisbonne de la même façon qu'il a su nous dévoiler la vie d'un homme d'exception - et néanmoins non exempt de fêlures- : avec élégance. Les écrits d'Amadeu de Prado, réflexions et souvenirs, ont cette propriété précieuse; ils résonnent avec nos sentiments, ceux pour lesquels trop souvent les mots trébuchent.

Lobe - Vaud - 29 ans - 1 octobre 2011


Se découvrir à travers l’histoire d’un autre ! 8 étoiles

Le livre trace la longue introspection d’un professeur de langues anciennes, la cinquantaine passée, qui médite sur sa vie et ses choix en explorant, sur une impulsion, la vie d’un médecin portugais dont un libraire lui a proposé l’autobiographie.

Le narrateur montre un personnage timide mais tenace. Passé sa première audace, il aura peur plusieurs fois et rentrera chez lui, avant de repartir car il n’a pas terminé sa quête. Ces atermoiements le rendent crédibles. Le fait qu’il soit toujours bien accueilli par toutes les personnes qu’il rencontre est plus sujet à caution. Le récit est lent, long, revient sur lui-même. Il est truffé de phrases en portugais dont la traduction suit. J’ai été parfois un peu ennuyée de toutes des circonvolutions. Il y a parfois eu des phrases qui ont résonné en moi et m’ont amené à lâcher le livre pour réfléchir. C’est ce qui mérite les 4 étoiles.

Au milieu d’une journée, Raimund Gregorius quitte le lycée où il enseigne, envoie une lettre au directeur et prend un billet pour Lisbonne muni d’une grammaire car il ne connait pas la langue. Il rencontre les différentes personnes qui ont connu Prado, retrace son parcours et ses sentiments. Il se libère un peu de sa gangue et change avec hésitation sa façon de s’habiller, porte des lunettes plus élégantes. Il va pourtant jusqu’au bout de sa recherche, jusqu’à ce qu’il soit sujet à des vertiges et doive rentrer à Berne pour passer des examens neurologiques.

IF-0911-3784

Isad - - - ans - 11 septembre 2011


Aller simple pour la vie ! 9 étoiles

Exercice de haute voltige que de déposer une critique après de si fameux lecteurs...
Comme la majorité d'entre-vous , j'ai été happé par le fond et la forme .

C'est l'histoire d'un voyage aux diverses facettes :
* un voyage de Berne ( Suisse ) à Lisbonne ( Portugal )
* un voyage dans le temps ( la dictature de Salazar )
* un voyage initiatique ou les questionnements philosophiques sont omniprésents .

Raimundo Grégorius , professeur de lettres anciennes ( grec, latin , ... ) a 57 ans quand il décide de tout plaquer et de s'évader de sa vie actuelle.
La découverte hasardeuse d'un livre écrit par Amadeu Inacio de Almeida Prado , va lui faire entreprendre une enquête quasi-policière à la recherche de la vie de l'auteur.
On assiste alors à un véritable portrait croisé de ces 2 personnages ( Grégorius et Amadeu ) ; le récit alternant entre les différentes phases de la vie d'Amadeu et l'investigation de Grégorius .
Amadeu Prado était médecin , combattant de la résistance et orfèvre des mots . Un " prêtre sans Dieu ", élevé entre un père sévère ,torturé de douleurs et une mère ambitieuse qui vivra sa vie à travers son fils idolâtré.
Amadeu Prado ne cessera de s'interroger sur Dieu ( la foi ) :
" Je vénère la parole de Dieu , car j'aime sa force poétique. J'abomine la parole de Dieu , car je hais sa cruauté" .
sur la Mort :
" Que serait-ce d'être nous pour l'éternité sans la consolation d'être un jour délivrés de la nécessité d'être nous ? "
" C'est la Mort qui donne à l'instant la beauté et son épouvante "
sur le Devoir :
" Quand la dictature est un fait , la révolution est un devoir "

Cette quête de l'auteur est menée comme une enquête policière , jalonnée de personnages forts et " hauts en couleur " .
Et c'est également la langue ( le portugais ) et les mots qui sont mis à l'honneur tout le long du roman :
" Estefania Espinhosa ; un nom comme un poème "
" il faut aimer notre langue ; nous sautons par-dessus les voyelles "

Je vous invite à lire les superbes analyses de Jlc , Dbz et Alma qui vous permettront de sonder la profondeur de ce magnifique roman .

" La vie n'est pas ce que nous vivons ; elle est ce que nous imaginons vivre " ....... citation qui vient clôturer comme un feu d'artifice ce petit bijou de la littérature contemporaine .
A lire absolument !

Frunny - PARIS - 58 ans - 25 juin 2011


A-t-on d'autres vies possibles ? 7 étoiles

Un roman contemporain.
Les cent premières pages sont superbes. Elles se dévorent comme un voyage. Puis des répétitions apparaissent. Certains passages philosophiques sont d'une grande puissance. Cependant je rejoins Jules, le roman aurait gagné à être plus court.

Chene - Tours - 53 ans - 16 novembre 2010


Un roman complet 9 étoiles

Qu'il est bon de se plonger dans un roman qui cherche autant à être "complet".

Narration, questionnements philosophiques, humains, relationnels, quêtes d'identité, découverte, inconnu. Tous ces mots clefs nous tiennent par la main de bout en bout.

J'ajoute mon enthousiasme à tous ceux qui ont précédé. Ma gratitude, aussi. Une vraiment belle balade, une vraiment belle "conversation" avec ce livre.

Bluewitch - Charleroi - 44 ans - 3 mars 2010


Trop méconnu à mon goût 10 étoiles

Je me suis remis depuis peu à la lecture. J'ai notamment utilisé ce site pour me faire une liste de lecture. J'ai constaté d'excellentes critiques de ce livre et ai donc décidé de l'attaquer. J'ai été très surpris. Agréablement surpris. J'ai été transporté par cette lecture. Beaucoup de choses ont déjà été dites (et bien dites), que je ne peux que vous inviter à le lire, à le dévorer. Attention, amateurs d'actions et de rebondissements ... s'abstenir ;o)

Pepito2 - - - ans - 19 novembre 2009


Une version moderne et originale du mythe de Faust 9 étoiles

Merci à toutes les critiques précédentes qui m'ont donné envie de lire Pascal Mercier. Beaucoup a ainsi été dit sur le style et la hauteur de vue de cet auteur, j'y souscris sans réserves.
Il me semble cependant qu'il s'agit d'une nouvelle rencontre avec le mythe de Faust. Cette fois-ci sans une Marguerite, encore que parfois je me suis attendu à ce que l'intrigue bascule de ce côté-là.
Professeur à Berne de langues anciennes, Gregorius se trouve brusquement confronté à une manifestation de la vie (et de son corollaire la mort) avec la tentative de suicide d'une jeune femme portugaise. Il en ressent un choc tel qu'il va quitter immédiatement son lycée, découvrir le livre de réflexions d'un médecin portugais, s'intéresser à ce personnage et filer à Lisbonne pour en retrouver la trace.
Durant cette errance, il va peu à peu entrer dans l'histoire de ce médecin - aujourd'hui décédé - et se passionner pour le destin d'un homme éminemment vivant et animé, tant par la lecture du livre que par la rencontre avec ceux qui l'ont connu et aimé.
Il confronte ainsi sa vie terne et poussiéreuse à celle de gens animés d'autres ambitions et éclairés d'autres préceptes. Il sort en quelque sorte de lui-même pour décapuchonner son esprit et se laisser aller à la plénitude des rencontres humaines.
C'est un excellent livre, un peu alourdi par les nombreuses citations plus ou moins philosophiques de l'auteur portugais, dont l'originalité et l'intérêt sont parfois limités.

Falgo - Lentilly - 84 ans - 16 novembre 2009


Quintessence 10 étoiles

A cette question banale : Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte, eh bien, j'ai enfin la réponse.

Il faut en laisser passer, du temps pour parler de ce monument. Besoin d'un wash-out. Besoin que lui succède un grand bouquin, mais pas juste après, surtout pas. Comme lorsque, après une belle histoire d'amour, ne se supporte que la solitude, car la comparaison se fait forcément en défaveur de ce qui suit.

Oui, ce livre est un tour de force. Vous avez dit thriller philosophique ? C'est bien cela. Vous n'aviez jamais rien lu de "philosophique" de toute votre vie ? Pas un problème. Vous vous étonnez d'être scotché comme dans un bouquin de Robert Littell ? Fort possible. Vous allez pester, parce que ce soir vous êtes fatigué, et qu'il vaut mieux être en forme pour le lire ? Vrai aussi. Vous allez le refermer, à la fois rassasié et inassouvi ? Eh oui !

Car il vous faudra le digérer, l'assimiler, le transformer. Restera ce qui doit rester, autant dire à peu près tout. Je voudrais simplement évoquer le passage extraordinaire, dans ce livre hors norme, qui parle de complétude, de plénitude d'une vie, et qui donne un autre visage à la mort. Ce passage, je l'ai relu quatre fois, et il m'a semblé plus fort encore que tous les autres, pour autant que ce soit possible. L'auteur parvient à mettre en mots simples ce qui nous touche tous, et pourtant relève de l'inexprimable.

On va connaître ces jours-ci le Nobel de littérature. Eh bien, il me semble que ce livre constitue une œuvre à part entière. A bon entendeur…

Lutzie - Paris - 59 ans - 10 octobre 2009


Une étrange histoire 7 étoiles

C'est un roman très différent que je viens de terminer, et j'ai eu beaucoup de mal à le finir. J'ai trouvé l'histoire un peu étrange, et surtout très longue, mais peut-être que je n'étais pas assez réceptif. Au début j'étais très attiré par l'histoire de ce professeur de langue morte qui laisse tout tomber pour aller découvrir une culture et un auteur qui lui sont totalement étrangers. Puis à force de lire, j'ai décroché, par manque d'intérêt. L'œuvre est pourtant belle, mais elle exige beaucoup du lecteur. La fin m'a déçu, l'auteur a sans aucun doute voulu laisser son lecteur terminer ce roman...
Un livre qui d'après les critiques qui précédent semble être apprécié, je le relirai donc, plus tard lorsque je me sentirai plus en phase avec ce type de roman.

Laurent63 - AMBERT - 49 ans - 4 octobre 2009


Ne m'a pas transporté 6 étoiles

C’est un livre que j’ai trouvé bien, intelligent, mais il n’a pas touché la corde sensible à mon endroit.

Après deux évènements qui semblent insignifiants, mais déclencheurs (une rencontre avec une fille portugaise sur un pont et la découvert d’un livre d’un auteur portugais inconnu érudit), Gregorius décide de fuir son ancienne vie pour se lancer dans un périple initiatique.

J’aime beaucoup les réflexions, elles tombent souvent juste, mais j’ai trouvé plusieurs passages ordinaires (est-ce que mes attentes étaient trop élevées ? est-ce que je suis trop jeune pour m’identifier complètement au récit ?), j’ai plus ou moins accroché. J’ai souvent trouvé ça lourd. Aussi, j’ai eu beaucoup de difficulté à me lier avec la personnalité du personnage principal.

Nance - - - ans - 26 septembre 2009


Une magnifique intrigue métaphysique 10 étoiles

Un professeur de latin-grec se retrouve, à Lisbonne, en partie malgré lui, à la trace des interrogations métaphysiques d'un médecin portugais, fils d'un éminent magistrat, résistant à l'oppression politique, suite à l'apparition d'une femme au bord du suicide du haut d'un pont à Berne.
Il prend contact avec ses proches, recherche les éléments de son histoire, jusqu'à sa mort, de ses relations avec son père, pour mieux comprendre les raisons d'un engagement, de ses croyances ; l'auteur fait, de cette épopée intellectuelle improbable, un traité, une thèse stylisée sur l'engagement, les relations familiales, à autrui, l'amour.

Ce livre est impressionnant, très riche, d'une nostalgie réfléchie fortement enrichissante.
Formellement, plusieurs mondes s'y croisent, vivants et morts, le latin croise le portugais, les grecs ancien et moderne se rencontrent, les morts se laissent découvrir par les vivants, dont le principal est un étranger parfaitement inconnu, un germaniste se mettant au portugais à dessein. Les cartes sont rabattues et retournées sans cesse, mais toujours avec rebondissements et finesse à l'appui.

Merci à Ludmilla pour cette très belle découverte.

Veneziano - Paris - 46 ans - 24 septembre 2009


Dense mais envoûtant... 8 étoiles

Raimund Gregorius, dit Mundus, est professeur de grec, latin et hébreu au Liceu. Deux rencontres vont le persuader de tout quitter pour découvrir l’auteur de ce livre qu’il a trouvé dans une librairie, un certain Amadeu de Prado.

Un début très étrange mais j’ai vite été envoûtée par la vie de cet Amadeu de Prado à travers les témoignages de ses proches et ses écrits. J’ai été happée par ce personnage très charismatique et impressionnant mais possédant aussi quelques faiblesses. J’ai été un peu agacée par son côté sûr de lui. J’ai beaucoup apprécié les deux personnages, Raimund Gregorius et de Prado, qui sont tous les deux passionnés mais de caractère différent.

C’est une écriture très dense qui demande beaucoup de concentration. J’ai parfois été un peu perdue par le côté philosophique du roman. Mais j’ai aussi trouvé de très beaux passages que j’ai malheureusement oublié de noter !

Une lecture assez dure, qui demande beaucoup de concentration, avec le style sobre et détaillée de Mercier mais aussi, tellement intense par ses évocations.

Shan_Ze - Lyon - 40 ans - 23 septembre 2009


Un très grand livre, une très belle critique 9 étoiles

Je ne suis plus très présent sur le site, mais comment ne pas faire une critique éclair de « Train de nuit pour Lisbonne » ? Et pourtant ce livre ne manque pas d’excellents critiques. Elles sont très bonnes pour le livre, mais également d’une grande qualité.

Aussi, si j’ai choisi d’en ajouter une c’est parce que mon avis est un rien différent. Je suis totalement d’accord avec tous pour dire que ce livre est d’une très grande qualité, d’une qualité que l’on ne trouve pas souvent.

Je ne reviendrai donc pas sur les détails et ne resterai que dans le général.

Un style d’écriture particulièrement brillant auquel, heureusement, est venu se greffer beaucoup de profondeur, de finesse et d’intelligence. Ce n’est pas souvent que j’ai souligné autant de phrases dans un livre. Pour retrouver cela je dois passer à des auteurs comme Camus, Dostoïevski, Yourcenar ou Faulkner et quelques autres.

Cependant, je dois avouer que je trouve que l’auteur va un peu loin dans cette constante admiration et description d’Amadeu. Très souvent il se répète. Ses description vont parfois tellement loin que l’on ne sait plus tellement là où il veut aller.

Quant à Grégorius il est vrai qu’il trouve le courage de tout bouleverser dans sa vie mais, à nouveau, il reste enfermé dans l’écrit ou sur la Perse et Ispahan. Ce n’est pas un homme qui vit, sauf à travers les mots et par personne interposée.

J’ai toujours été passionné par la guerre civile espagnole et j’ai donc trouvé un intérêt pour cette fin de dictature de Salazar au Portugal. Et cela d’autant plus que je l’ai vécue pendant un mois en 1965.

Malgré les très légères réserves ci-dessus, purement personnelles,, même si je pense que ce livre a une petite centaine de pages de trop, je considère qu’il s’agit d’un très grand livre mais pas évident à lire pour tous.

Jules - Bruxelles - 79 ans - 7 août 2009


Le ressac du hasard 10 étoiles

Une femme sur un pont, la pluie, un numéro de téléphone, un livre de conduite et voilà une vie bien rangée bousculée par le hasard. Une vie qui désormais sera faite de langues à apprendre pour rencontrer les autres, de départs à oser pour se trouver, de fragments de textes écrits trente ou quarante ans plus tôt par « un possédé du langage, un ensorcelé par la langue », une nouvelle paire de lunettes signe d’une nouvelle vue/nouvelle vie.
Une vie d’échanges à la découverte de ceux qui ont connu Amadeu: sa sœur qui vit dans son souvenir fervent et figé, son maître au lycée encore ébloui par l’audace, le talent et l’arrogance de ce garçon, son compagnon d’armes dans la résistance au régime pourri d’un Salazar finissant, son ami de toujours dont il va s’éloigner par loyauté, son premier et son dernier amour. Il y a tout cela dans le fabuleux roman de Pascal Mercier mais aussi le père dont le suicide signe l’échec personnel autant que politique ou encore le bannissement du fils accusé d’avoir sauvé un tortionnaire du régime dictatorial quand il n’a fait qu’être fidèle à son serment de médecin. C’est dire la richesse de ce livre passionnant qui brasse idées et portraits, situations et réflexions sans négliger une émotion qui, comme le désir, « n’est pas dépourvue de dignité ».
« Quelqu’un s’intéresse-t-il vraiment à moi et pas seulement à l’intérêt qu’il me porte ? » lance le narcissique Amadeu. Je crois que c’est le cas de Gregorius dont la quête d’informations révèle l’identité avant de chercher à « être un autre sans être l’autre. »
Ce roman a été qualifié d’exceptionnel par l’un d’entre nous et il a bien raison, car c’est plus qu’un roman, c’est aussi un livre de réflexion et d’interrogation sur notre destin, le jeu du hasard et son ressac, en un mot « notre vie qui n’est pas ce que nous vivons : elle est ce que nous imaginons vivre ».
Et si finalement, pour prolonger le charme de ce livre encore et encore, le voyage de Gregorius n’en était pas un mais seulement l’évasion rêvée d’une vie immobile avant un autre hasard, celui de la maladie et de la mort ? La suite appartient au lecteur et à son imagination.

Jlc - - 80 ans - 27 juillet 2009


Seul face à lui-même 9 étoiles

« S’il est vrai que nous ne pouvons vivre qu’une partie de ce qui est en nous – qu’advient-il du reste ? » Est-ce cette question que Gregorius, le Pic de la Mirandole bernois, le professeur de langues anciennes, rigoureux jusqu’à la caricature, s’est posé en traversant un pont par un matin des plus ordinaires et qu’il a vu cette femme effondrée lisant une lettre, prête à se jeter à l’eau, c’est du moins ce qu’il a craint ? Cet incident comme un battement d’aile de papillon sur Rio peut déclencher un ouragan en mer de Chine, réveille brutalement Gregorius qui considère subitement qu’il n’a vécu qu’une toute petite partie de la vie qui est en lui. Il décide donc de tout plaquer en plein milieu de son cours et de partir pour le Portugal d’où est originaire cette inconnue éplorée et après avoir acheté un livre du poète Amadeu de Prado qui le bouleverse. «Il s’était enfui sans se retourner hors de sa vie si sûre, si pénible » pour «découvrir Amadeu de Prado en se frayant une voie dans son passé. » Et, petit à petit comme on construit un puzzle, il reconstitue la vie du poète en essayant de trouver les réponses aux différentes énigmes qu’elle comporte et aux différents mystères qui masquent encore les raisons de son comportement. S’enfonçant de plus en plus au cœur du personnage pour ne pas le voir de l’extérieur mais être lui, « je voudrais savoir comment c’était d’être lui. »

Ce roman dense, un peu touffu parfois, et très épais met en scène un homme qui a déjà avancé dans sa vie, qui atteint l’âge des premiers bilans et qui constate qu’il n’a vécu qu’une toute petite partie de ce qui est au fond de lui, de ce qu’il est réellement. Il constate alors que son entourage ne le voit que comme le professeur érudit et un peu maniaque qu’il apparait et non pas comme l’homme qui est au fond de son être comme les habitants de la caverne de Platon ne voient que… et c’est un incident banal, fortuit, aléatoire qui va décider de son avenir. La réflexion n’est pas le moteur de son action, c’est le hasard, le destin, la conjugaison d’éléments anodins : une femme portugaise en pleurs, un livre d’un poète portugais à un moment opportun de la sa vie, qui vont tout faire basculer car rien n’est définitif, tout est relatif mon cher Montaigne. Et, tous ces petits choix véniels que nous faisons chaque jour construisent notre avenir ou au moins l’être que notre entourage pense que nous sommes.

En pénétrant plus avant dans la vie du poète, il va rencontrer les rudes combats internes et externes que celui-ci a dû mener pour assumer ses actes et faire face à la culpabilité que les autres voudraient lui imposer en le jugeant sur ce qu’il a fait et non sur ce qu’il est en lui. Cette culpabilité, il devra aussi l’assumer vis-à-vis de ce père qu’il ne peut pas aimer car il est resté, du moins en apparence, du mauvais côté de la barrière. Le conflit est lourd : choisir entre l’amour filial et la morale civile, comme choisir entre une vie et des vies éventuellement perdues, qui peut dire la morale, le père qui souffre et qui juge sous le poids de la souffrance, la religion qui n’est que haine et rejet dans un pays qui a subi l’influence d’Isabelle la Catholique et d’Ignace de Loyola, l’ami qui est plus qu’un frère mais qui est prêt au sacrifice par jalousie ? Mercier nous laisse devant toutes ces questions confiant peut-être les réponses au libre-arbitre de chacun de nous à l’écart de l’opinion de ceux qui de toute façon ne verront que les apparences.

Et, même si on peut communiquer, dire, écrire, les mots sont de toute façon usés tant ils ont été galvaudés et le langage n’arrive plus à transmettre les vrais sentiments et les vraies raisons qui dictent nos actes et on reste devant la seule possibilité d’être vu comme nous apparaissons à travers les actions que nous conduisons sous le dictat des circonstances, devant notre seul jugement, face à nous même, face à la mort, face à l’indignité comme Gregorius, dans la peau du poète, face au poète.

Quand j’ai commencé ce livre, sous la pression des excellents littérateurs qui m’avaient averti, j’ai craint pendant un bon moment d’avoir affaire à un livre d’intellectuels qui n’a aucun égard pour les sentiments et les émotions mais progressivement, le personnage m’a imprégné de ses angoisses, de ses incertitudes, de ses désirs et avec lui j’ai entendu Maria Joao Pires faire courir ses doigts sur le clavier de son piano pour jouer les fameuses Variations Golberg qui ne doivent pas être à son répertoire, mais l’illusion prédomine, et j’ai senti comme un désir très fort d’aller voir ce que pensaient ces fameux érudits persans : Eliphas de Témen, Bildad de Shua, Cophar de Naamat dont les seuls noms chantent déjà comme une rapsodie orientale.

Débézed - Besançon - 76 ans - 9 avril 2009


Je souscris 10 étoiles

Toutes les critiques précédentes, du fait de leur qualité, m'ont ôté le courage de me lancer dans celle que je m'apprêtais à "commettre".
J'ai pris beaucoup de plaisir au fil de la lecture de ce livre qui m'a servi successivement et aléatoirement de roman, essai philosophique, ode au romantisme et guide touristique.
J'ai adoré et je le prouve .. 5 stars !

Nanardstef - - 47 ans - 9 avril 2009


Le miroir et sa réflexion... 9 étoiles

J’écris cette critique sans avoir lu tout ce qui a été dit à son sujet, je ne serai donc pas influencé par les opinions précédentes… même si je sais que ce livre est un summum de la littérature qui plafonne avec une moyenne de 4,5 étoiles !

Je ne reviendrai pas en détail sur l’histoire non plus, je me doute que cela a été maintes fois fait, je me contenterai de donner « mon » pitch : Train de nuit pour Lisbonne est l’histoire d’un homme, un professeur de latin-grec suisse (cela a son importance) qui, au hasard d’une rencontre tout à fait fortuite avec une portugaise subit un déclic radical et s’enfuit littéralement de sa vie ! Il part donc pour Lisbonne, à la recherche du passé et de l’histoire d’un médecin mort depuis trente ans, parcourant les rues et ravivant les souvenirs des personnes l’ayant connu. Il va sans dire que ce brassage de souvenirs enclenchera des vagues émotionnelles de part et d’autre.

Ecrit comme une espèce de road-movie, ce roman nous permet de suivre deux personnages en parallèle, au travers de leur vie mais aussi et surtout au travers de leurs angoisses, de leurs faiblesses, de leurs peurs et de leurs fantômes.

Le personnage qui m’a le plus touché dans cette histoire n’est pas le médecin portugais qui, même s’il a eu un destin exceptionnel, n’en reste pas moins un être « normal », exceptionnel, mais normal, si vous voyez ce que je veux dire, mais bien Gregorius ! Voilà un professeur de langues anciennes, suisse de surcroît, qui mène une vie rangée de chez rangée, d’un classicisme à la mesure de son métier, qui conduit sa vie comme une partie d’échec où chaque coup est la suite logique du précédent et où les coups sont prévus dix mouvements à l’avance ! Et voilà cet homme qui, à cinquante ans passé, tire un grand trait sur tout ça pour vivre une aventure qui le transformera radicalement (l’épisode des lunettes est le plus révélateur de la chose)… il s’offre une nouvelle vie… avec une facilité qui laisse sans voix ! Ce changement lui permet en outre de se retourner sur lui-même et de se voir tel qu’il est, tel qu’il était, lui permettant de se forger un devenir, un nouveau futur… Il ne quittera in fine pas sa vie (c’est, du moins, mon interprétation), mais la vivra différemment !

Et, comme de juste dans ce genre de roman, la psychologie et la philosophie sont mises en exergue au plus haut point ce qui donne des lenteurs certes, mais aussi et surtout une profondeur et un effet miroir vis-à-vis de soi qui coupe le souffle et laisse continuellement un arrière goût de « glups », une sensation à la limite du désagréable tant sa justesse nous touche là où ça fait mal ! Obligation de réflexion, obligation de remise en question, obligation d’avancement… on n’en ressort pas forcément plus sage, mais certes, comment dire, avec les neurones plus brillants, pétillants, dynamiques, éveillés, alertes, ouverts…

Pendragon - Liernu - 53 ans - 13 février 2009


Densité et vérité 10 étoiles

En est-il des livres comme des bûches ?
Si vous avez une cheminée, vous n’êtes pas sans savoir que selon la nature du bois, de la compacité de la bûche, celle-ci se consumera plus ou moins vite. Entre la bûche de frêne bien sèche, sans réelle capacité calorifique et celle d’un chêne ayant accumulé les années, rien de comparable !
Eh bien oui, il doit en être de même des oeuvres littéraires et celle-ci ; « Train de nuit pour Lisbonne », ce n’est pas du frêne ! C’est dense, c’est compact. Le genre de livre qu’il est impossible d’expédier en quelques heures soutenues. Il demande de la lecture au long cours, par portions à digérer avant de reprendre la suite. Pour en finir avec ma comparaison forestière, certains polars qui ne se soucient que de l’histoire et d’une intrigue se consument d’un coup, un « Train de nuit pour Lisbonne » c’est du chêne centenaire.
D’histoire ? Oui, il y en a une. Aussi, serai-je tenté de dire. Mais surtout la vie, le souffle de la vie, avec tout ce qu’elle a d’insaisissable, y est constamment présente. Et une réflexion, une philosophie à l’oeuvre, qui s’étalent à chaque page, et qui font qu’on ne consume pas ce livre comme un vulgaire polar (je n’ai pas dit qu’ils étaient tous vulgaires !).
La construction est double ; avec un livre épluché dans le livre. Un peu comme les ouvrages de Bernard Werber … mais j’arrêterai là les comparaisons !
Gregorius est un professeur des lettres anciennes à Berne, en Suisse, et sa vie est totalement résumée quand on a dit ce qui précède. Le genre de professeur qui ne vit que pour sa spécialité ; les langues mortes. Il va s’éteindre progressivement dans la poussière sans avoir jamais réellement vécu quand une rencontre, aussi brève que fulgurante, va lui faire … perdre la tête ( ?) … Non, la lui remettre à l’endroit plutôt et lui donner envie de vivre enfin, de voir autre chose. La rencontre, c’est une femme à l’accent chaloupé du Portugal qui a un comportement ambigu sur un pont de Berne et qui va tout déclencher. Portugal … livre du Portugal, et c’est le nouveau déclencheur avec la main-mise par Gregorius sur un ouvrage qui va être son fil rouge, qui va l’amener à partir brutalement, par un train de nuit, vers Lisbonne, à laisser derrière lui réputation et routine, confort et certitudes.
Il va vivre par procuration en cherchant à démêler, à retrouver qui est cet Amadeus de Prado qui a écrit cet ouvrage, ouvrage philosophique s’il en est.
Pascal Mercier réalise donc une double performance ; écrire un ouvrage philosophique et s’en servir pour étayer une histoire, une histoire qui ressemble furieusement à celles qu’on côtoie dans la vie, faite d’incertitudes, de peurs, de joies et de lâchetés.
C’est en outre magnifiquement écrit, remarquablement traduit – et ça n’a pas dû être de la tarte, merci à Nicole Casanova – et encore une fois, ça ne se lit pas en une nuit. Mais l’embarquement pour des jours de lecture n’est pas vain ; l’éblouissement est à l’arrivée.

« A l’endroit où la femme avait lu la lettre sous un torrent de pluie, il s’arrêta et regarda vers le bas. Il se rendit compte de quelle hauteur on tomberait. Avait-elle réellement voulu sauter ? Ou n’avait-il éprouvé qu’une crainte prématurée, en se souvenant que le frère de Florence avait lui aussi sauté d’un pont ? Il ne savait strictement rien de la femme, hormis que le portugais était sa langue maternelle. Il ne connaissait même pas son nom … »

Tistou - - 67 ans - 12 février 2009


Se trouver par les autres 10 étoiles

Mundus Gregorius, suisse allemand, professeur de langues anciennes, réglé comme du papier à musique... homme ennuyeux? Parfois il se pose la question, puis oublie, reprend ses habitudes. Jusqu'au jour où il croise un livre de Amadeu Prado, portugais inconnu qui a posé sa vie sur papier, en des termes forts et poétiques. Des mots qui vont droit au coeur de Gregorius, qui quitte tout, ose l'impensable pour partir sur les traces de cet homme dont il ne sait encore rien.

Roman initiatique, quête poétique dans un Lisbonne mystérieux, exploration d'un passé qu'on refuse de regarder en face ou d'un futur qui fait peur... autant d'éléments pour caractériser ce superbe roman de Pascal Mercier qui emporte le lecteur dans un voyage sans fin.
L'auteur n'a pas son pareil pour dépeindre les fragments d'une ville, son atmosphère et ses habitants. Il réussit également à rendre le personnage de Gregorius proche et attachant, tout en lui conservant une froideur et une distance qui vont s'effritant au fil des pages. Des pages parcourues avec bonheur, révélant au fur et à mesure quelques secrets de vie.
Chaque rencontre est la pièce d'un immense puzzle, alternant les maximes de Prado sur le monde et sa vie, et les interrogations de plus en plus nombreuses de Gregorius sur ce qu'il aimerait faire de son existence.

La plume de Pascal Mercier est élégante, belle et langoureuse; elle se marie à merveille au sujet évoqué, celui d'un voyage en soi à travers les autres.

Sahkti - Genève - 49 ans - 4 février 2009


Naître à soi-même 8 étoiles

Ce livre raconte l'étrange rencontre entre un professeur de lycée Suisse et un portugais nommé Amadéo qui est mort depuis trente ans. Cette "rencontre" se fait de manière tout à fait fortuite, mais déclenche un changement radical chez le professeur suisse qui était engoncé dans ses habitudes et qui se contentait de vivre renfermé sur lui-même et en-dessous de ses capacités. A tel point qu'il lâche tout et part à Lisbonne, ou il va enquêter sur cet homme qu'il ne connait pas mais dont il dispose d'un manuscrit.

J'ai bien aimé ce livre, surtout pour l'atmosphère de Lisbonne et du Portugal, ainsi que l'ambiance de mystère et de voyage dans le temps et dans l'espace, ce qui est assez dépaysant. Il y a une réflexion sur le sens de la vie, ce qu'on peut accomplir, les liens qui se forment avec des personnes même décédées mais qui ont le pouvoir de nous révéler à nous même. C'est une réflexion assez riche. Par contre j'ai trouvé les réflexions de Amadéo, des extraits de son fameux manuscrit, pas toujours à la hauteur du reste (un peu adolescent rebelle).

Saule - Bruxelles - 58 ans - 31 janvier 2009


J'irai bien faire un tour à Lisbonne! 9 étoiles

Un essai philosophique déguisé en roman! La belle trouvaille! Un certain nombre de thèmes chers aux philosophes sont ici admirablement bien amenés, suffisamment pour déclencher l'éveil, pas trop afin de laisser chacun se faire sa propre idée du sujet. Pour le reste, c'est difficile à décrire, donc autant laisser le plaisir de la découverte à tous les curieux qui aborderont ce roman puissant.

Gooneur - TOULOUSE - 40 ans - 22 novembre 2008


Exceptionnel ! 10 étoiles

Par Pascal MERCIER, pseudonyme de Peter BIERI, Professeur de philosophe à Berlin, Suisse bernois d'origine.

Date de parution : 31/08/2006
Présentation : Broché - 485 g - 14 cm x 21 cmISBN : 2350040305
Traduit de l'allemand (Suisse) par Nicole Casanova
Editeur : Maren Sell
En poche depuis le 20 février 2008.

Critique :

Un professeur de latin-grec au nom vieillot et tarabiscoté de Raimund Gregorius, personnage en apparence terne et tristounet, voire obsessionnel, divorcé blessé transformé en vieux garçon bernois, suisse alémanique se voyant lent, piètre acteur de sa vie, vieux prématurément, se trouve brutalement confronté à une jeune femme qui s’apprête à se suicider penchée sur le parapet d’un pont.
Il la sauve et tombe en état de fascination absolue (proche d’une révélation mystique) de cette inconnue, croit en devenir amoureux mais en passionné des langues anciennes qu’il est, se trouve en réalité pris dans une étrange et irrépressible attraction pour la langue parlée par cette femme désespérée : le portugais aux sonorités chuintantes qui lui rappelle une langue morte MAIS qui serait vivante, c’est-à-dire avec laquelle par exemple on pourrait faire ses courses au supermarché.

Cette étrange attraction primordiale, après une fuite rocambolesque de son lycée où il enseigne, le mène dans une librairie de littérature étrangère de sa bonne ville de Berne où Gregorius tombe en arrêt devant une deuxième fascination : Un opuscule en portugais (qui vient juste d’être manipulé par une jeune étudiante) d’un écrivain au nom de Amadeu Ignacio de Almeida Prado. Se munissant dans la foulée d’une méthode d’apprentissage du portugais, Gregorius traduit fiévreusement quelques passages du livre de Amadeu et reste sous le choc : c’est comme si l’auteur avait écrit ces lignes pour lui.

De cette double rencontre (une femme et un livre) condensée en une seule (la langue portugaise) jaillit une révélation inouïe qui ébranle notre professeur timoré : il doit abandonner l’idée de rester à Berne et il doit impérativement partir à Lisbonne sur les traces de Amadeu qui fut médecin et nous l’apprendrons plus tard, un résistant du temps de la dictature de Salazar. Il saute dans le train de nuit pour Lisbonne, largue ainsi toutes ses amarres malgré des angoisses insupportables, prend le large vers un inconnu qu’il vit comme un gouffre qui se présente à lui sans avoir été convoqué, du moins consciemment. Que fait-il ? Que lui arrive-t-il ? Il ne sait pas.

Il ne comprend pas mais il sait qu’il n’a aucun choix
Magistrale et vertigineuse démonstration de l’existence du désir car il ne s’agit rien d’autre ici que de la naissance de Gregorius comme sujet.
A l’image d’une boutade en psychanalyse où il est dit qu’une analyse est terminée dès le premier entretien et d’une autre qui dit qu’une analyse n’est pas encore commencée même à la dernière séance, la suite du livre de Pascal Mercier me semble découler du même paradoxe.
Cette suite, même si elle représente l’essentiel du texte, même s’il s’agit de la narration littéraire passionnante de la quête de Gregorius dans Lisbonne à la rencontre de multiples personnages (pour se terminer au cap Finistere en Espagne) afin de tenter d’approcher l’intériorité de Amadeu (qui est décédé), cette suite d’où découle le plaisir du lecteur, est à la fois essentielle parce qu’elle est le livre en soi et secondaire car elle ne fait qu’étayer et illustrer le démarrage fulgurant du roman (ça coule de source).
En s’imprégnant des traces de Amadeu, Gregorius découvrira de quoi il est fait, qui il est. Il fait des rencontres bouleversantes et sa lecture passionnée du livre du médecin portugais transforme complètement son intériorité (là encore à l’image d’une psychanalyse) jusqu’à tomber sur ce qu’il est vraiment.
Son parcours initiatique issu de ce fracas désirant le conduira vers de plus en plus de lucidité et de sérénité. Gregorius, malade, revient à Berne pour se faire hospitaliser sur les conseils de Doxiades, un ami ophtalmologiste bernois (ancien chauffeur de taxi grec !) qui sera le cordon ombilical tout au long du livre entre la Suisse et le Portugal : Ils ne se téléphonent quasiment que la nuit depuis fort longtemps car il existe des relations spéciales entre les insomniaques, nous apprend notre professeur.
A l’évidence, l’auteur laisse ouvertes les possibilités de dénouement pour Gregorius mais personnellement j’ai eu la forte conviction que notre héros, après avoir beaucoup risqué au cours de son expérience de rupture brutale, va récolter les fruits de son courage et se sortira complètement renouvelé et débarrassé de tout ce qui l’encombrait pour pouvoir vivre pleinement ce qu’il est.
Encore un clin d’œil de la psychanalyse ici car son éthique, celle du désir, rejoint complètement celle de Pascal Mercier (que Gregorius s’en sorte ou pas d’ailleurs, l’important est qu’il ait tenté cette transcendance).
L’auteur, suisse alémanique au vrai nom de Peter Bieri, né à Berne en 1944 et professeur de philosophie à Berlin, qui s’est choisi le pseudonyme très francophone de Pascal Mercier (alors qu’il écrit en allemand) pour contrebalancer (ce sont les propos de l’auteur que je cite de mémoire entendus dans une émission de radio) la lourdeur suisse allemande par la légèreté et l’élégance française, met à profit son savoir philosophique dans les écrits de Amadeu et se laisse une liberté de romancier pour narrer les péripéties de Gregorius.
Le livre de Pascal Mercier, outre un bonheur de lecture d’une écriture toute ramassée dans une précision impressionnante, foisonnante et dense, m’a paru passionnant et vertigineux.

Psychanalyste et essayiste (deux ouvrages importants sur l'angoisse chez De Boeck, collection Oxalis, 3e édition 2008 pour l'un et 1e édition 2005 pour l'autre : voir n'importe quel moteur de recherche où une librairie électronique).

Critique parue dans Envie d'Ecole n° 51.'

Psychoanalyste - - 70 ans - 6 novembre 2008


Du grand art 10 étoiles

Il est de ces livres dont on voudrait tant donner l’envie de les lire qu’il devient périlleux d’en faire une critique… « Train de nuit pour Lisbonne » figure parmi ces ouvrages qui marquent par la symbiose écriture-réflexion. S’il ne s’agit pas d’un essai philosophique, la réflexion philosophique en est néanmoins la caractéristique principale. Le professeur Gregorius va tenter de reconstituer la personnalité d’un auteur, Amadeu de Prado, en le traquant à travers ses écrits, sa ville, ses amis. Mais pour cela, Gregorius doit quitter son pays, son métier, sa vie. Finalement, il s’agit de se quitter soi pour investir quelqu’un d’autre, la question étant de savoir si ce n’est quand même pas soi-même qu’on retrouvera au bout du chemin. Une boucle, une relecture du passé qui cherche son dépassement dans l’avenir.

C’est aussi le genre de livre à savourer lentement, à lire avec beaucoup d’attention, à consteller de post-it : il contient tant de passages à retenir, sur lesquels revenir. En fait, je n’ai qu’une envie : le relire, pour ne pas en gaspiller une miette…

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 13 octobre 2008


Comprendre un autre pour se connaître soi-même 10 étoiles

Il est des livres qui sont une nourriture pour l’esprit comme pour l’âme, un aliment intellectuel et spirituel . TRAIN DE NUIT POUR LISBONNE en est un !
Un roman dense, riche, alliant délicatesse de l’écriture et gravité du sujet . Un roman qui ne prend tout son sens qu’après une centaine de pages, car son début laisse présager un ouvrage plus léger et l’arrivée à Lisbonne montre une succession de hasards heureux qui mettent très ( trop ?) facilement Grégorius en présence de personnes utiles pour son enquête .
Un ouvrage qui présente plusieurs niveaux de lecture ; il peut se lire à la fois comme
- une enquête-promenade érudite dans Lisbonne et dans l’histoire contemporaine tourmentée du Portugal
- un mélange de deux histoires qui s’imbriquent, qui proposent les portraits croisés de Grégorius et de Amadeu de Prado, personnages opposés qui finissent par se fondre, Grégorius mettant ses pas dans ceux de Prado, se dépouillant progressivement de ses habitudes antérieures pour s’identifier à lui .
- une réflexion sur l’écriture, « On n’est pas vraiment lucide quand on n’écrit pas ,on n’a aucune idée de qui l’on est sans parler de qui l’on n’est pas ….. Les choses n’existent vraiment que lorsqu’elles sont saisies par les mots » et une analyse des effets intérieurs de la poésie « On sentait qu’elle vous remuait, vous changeait, contribuait à donner à votre vie une forme, une coloration, une mélodie »
Mais ce à quoi j’ai été particulièrement sensible c’est à la réflexion sur les rapports entre le contenu d’une vie et l’attitude face à la mort « Cette peur de la mort en tant que peur de l’inaccompli… La peur que notre vie reste incomplète, une œuvre inachevée, la conscience de ne plus pouvoir devenir celui qu’on s’était fixé comme but . »
Un roman qui exige l’ attention soutenue qu’impliquent les thèmes de l’éthique et de la connaissance de soi . En effet, le récit de l’enquête est régulièrement interrompu par des fragments de l’œuvre de Amadeu de Prado sur la mort, la colère, le Verbe et par une analyse de ceux-ci
Un roman plein de lucidité car bien que révélant le comportement humaniste de Amadeu de Prado, il ne passe pas sous silence ses failles ou ses faiblesses .
S’il est possible, comme le découvre Grégorius, que le meilleur chemin pour s’assurer de soi-même passe par la connaissance et la compréhension d’un autre , il est également possible que, pour un lecteur, la connaissance de soi passe par la rencontre avec un livre tel que celui-ci, roman magistral, plein d’âme, qui montre comment l’écriture est seule capable de répondre aux questionnements de l’être humain .

Alma - - - ans - 1 juillet 2008


Un moment rare 10 étoiles

Cela fait maintenant plusieurs mois que j'attendais la première critique. je n'osais pas m'attaquer à cette formidable surprise qu'a été la découverte de ce livre !
Et je dois dire que si j'ai été surpris de découvrir "L'ombre du vent" en tête du classement CL, je l'étais encore plus de ne pas voir celui-ci.
Ce qui est le plus étonnant, ce sont d'ailleurs les similitudes entre ces deux romans; un livre à l'origine de tout, un personnage tourmenté, une période trouble.
Si je devais comparer, je trouve que "Train de nuit pour Lisbonne" est à "L'ombre du vent" ce que "Le nom de la rose" est à Cadfael.
Mais assez de comparatif.
Pascal Mercier possède une plume comme on en croise peu; fine et subtile tout en étant riche et recherchée. le personnage d'Amadeu s'incarne de lui-même par la seule force et beauté de ses textes.
Une autre grande qualité de ce livre est qu'à aucun moment il n'est possible de deviner où l'auteur va nous emmener.
A lire absolument

Karl glogauer - - 49 ans - 9 mai 2008