La Puissance et la Gloire de Graham Greene

La Puissance et la Gloire de Graham Greene
(The Power and the Glory)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Saule, le 2 mai 2008 (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 58 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 988ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
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Catholicisme et communisme

Ce livre écrit en 1940 est le premier grand succès de Graham Greene, celui qui le rendit célèbre et lui vaudra d'être catalogué comme écrivain catholique. Cependant si le thème de ce roman est bien celui de la foi et de la religion, c'est essentiellement la foi prise par l'aspect du doute et du péché qui est en exergue (comme dans la plupart de ses romans en fait). Le titre est tiré du canon de la messe, après le notre père : "Car c'est à Toi qu'appartiennent la puissance, l'honneur et la gloire, ..".

L'histoire se déroule vers 1930 au Mexique, les révolutionnaires communistes pourchassent et fusillent les prêtres qui refusent de renier leur foi. Un prêtre clandestin, le dernier en activité, est poursuivi par un lieutenant communiste convaincu. Ce prêtre pourchassé est un héros contre son gré, alcoolique par couardise, père indigne suite à une faiblesse liée à la peur de la solitude. Mais la pauvreté, la précarité et le danger changent sa perspective sur la religion.

Graham Greene est un formidable conteur et ses romans sont passionnants, celui-ci ne fait pas exception même si le récit est parfois un peu confus (ou est-ce la traduction ?). D'une manière très habile, l'auteur entremêle l'histoire principale avec une histoire édifiante à l'eau de rose qu'une mère pieuse raconte à ses enfants, ce qui donne un relief différent à l'ensemble. Il y a des personnages secondaires étonnants qui apparaissent en filigrane de l'histoire et qui s'interrogent à leur tour sur la vie suite aux évènements du livre. Tout cela donne une force particulière.

Mais en plus d'une formidable histoire le livre est une réflexion puissante sur la foi, sur le péché (qui est l'orgueil), sur l'amour de Dieu pour les hommes et l'amour humain. Ce prêtre indigne, qui se vautrait dans la suffisance et la piété convenue, se révèle proche de le Sainteté lorsqu'il côtoie la misère profonde et le désespoir. Ce qui me fascine aussi dans ce roman c'est la foi de charbonnier des paysans (une foi superstitieuse mais qui fait vivre), le respect immense du prêtre pour le mystère de la présence réelle lors de l'eucharistie, l'importance de l'acte de contrition et de l'absolution. On voit bien aussi que Graham Greene avait une sympathie pour le communisme, le lieutenant est un brave homme convaincu par sa mission. D'ailleurs certains critiques communistes ont pu voir dans son œuvre une critique de l'église et une justification du communisme. En tout cas on voit très bien que l'église et le communisme, en tant qu'institutions, ne diffèrent pas dans leur ambition de faire le bien du peuple ni dans l'exploitation du peuple qui va de pair avec cette ambition.

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Puissance et gloire !

8 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 17 septembre 2017

La puissance et la gloire

Paru en 1940, traduit en français en 1948, publié chez Laffont et préfacé par Mauriac en personne, ce titre semble incontournable.
Le roman raconte l'histoire d'un prêtre catholique au Mexique dans les années 1930, époque où le gouvernement mexicain, dominé par Plutarco Elias Calles, s'était engagé dans une violente campagne anticléricale visant l’Église catholique.
Ce prêtre pourchassé est le condensé de l’homme ambigu, miné par ses faiblesses, sa lâcheté et ses doutes. Finalement c’est un homme tout simplement et toute l’histoire repose entre les polarités de ce qu’il est et ce qu’il devrait être.
Un peu de souffrance en plus ne se voit même pas dans l’immense abandon de ce pays et Graham Greene en rajoute des couches à profusion.
L’orgueil causa sans doute la chute des anges, le coeur est une bête dont il faut se méfier… voici les messages sous-jacents que l’auteur a dissimulé sous un texte dru.
Qu’en penser ?
J’ai eu l’impression que cette lecture vieillit mal. Ou alors pour nuancer mes propos il vaudrait mieux dire que le temps fait comme une vilaine ombre à cet ouvrage. Je verrai bien ce thème dans un film avec Robert Mitchum, ce rôle du prêtre pourchassé est taillé sur mesure pour lui.
Bref parfois laborieux, parfois intense, ce roman mérite d’être lu.

The Power and the Glory, 1940

10 étoiles

Critique de Martin1 (Chavagnes-en-Paillers (Vendée), Inscrit le 2 mars 2011, - ans) - 13 août 2014

Tout d’abord, je tiens bien sûr à remercier Saule qui m’a fait découvrir cet auteur, et particulièrement cet ouvrage.

C’est l’histoire d’un prêtre rongé par des vices, par l’ivrognerie, par l’impureté (il a fait un enfant) et par la négligence de sa sainte mission. Un mauvais prêtre donc, obligé de mendier son alcool, qui lui permet de faire oublier sa honte. Alors que le régime profondément anticlérical du Mexique des années 20 inspire la terreur et la fuite à tous les chrétiens, c’est la tête de ce prêtre honteux qui est mise à prix dans tout le pays. Des otages innocents seront tués sans avoir révélé où il était : mais le pauvre prêtre valait-il la peine qu’ils donnent leurs vies pour lui ? Le lecteur suit attentivement ses escapades successives – car plusieurs fois, il faillit être attrapé – et partage alors la honte du pauvre prêtre : il n’est pas digne du martyre.
Graham Greene écrit une sorte de chant mélancolique à l’humilité. Autour du prêtre gravitent une dizaine de personnages secondaires, chrétiens, païens, communistes, traîtres… il n’en est pas un duquel le prêtre ne dise : « celui-là est plus proche que moi du Royaume des Cieux ». Il pardonnera au métis, cet homme pauvre qui ne peut résister à la tentation des sept cents pesos ; au lieutenant, aspirant réellement à la Justice, sans comprendre que le marxisme est, lui aussi, un autre écueil de l’humanité ; au Padre José, ce prêtre collaborateur qui accepta de se marier, mais qui sait, au plus profond de lui, comme sa lâcheté le rend indigne de son état ; au gringo, un criminel de majesté, dont le dernier geste fut de laisser une chance de fuir à son compagnon d’infortune, le prêtre.
Moi, je prends ce livre comme un message aux chrétiens : nous sommes privilégiés par la connaissance de la vérité, et nous en sommes toujours – je dis bien toujours – indignes. « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans le tien ? » Un bon chrétien doit être armé contre l’orgueil, il doit se reconnaître misérable, plus misérable que les grands tyrans du siècle, ou que ses propres ennemis.
« Il savait maintenant qu’en fin de compte une seule chose importe vraiment : être saint. » (p.302). Celui qui veut être saint doit renoncer à la vanité. Car au fond, rien ne compte plus que son propre salut, dont chacun est en charge. C’est une nuance très subtile, mais qui me semble capitale pour comprendre le catholicisme.

Pour moi, le livre n’est pas non plus à charge contre l’Eglise, bien au contraire. Parce qu’il est humble, le prêtre sait qu’il est bon de se plier avec obéissance à cette Eglise bourrée de défauts. L’Eglise est comme le mauvais prêtre : elle a un grand pied enfoncé dans le péché d’orgueil, et peine à se débourber, mais elle n’en montre pas moins le chemin du Salut.
Il y a aussi ce conte, naïf et beau, sur le martyre de Juan, un martyre tellement parfait, éclatant, tellement accompli, comme je crois il y en eut beaucoup dans l’histoire des catacombes. Il ne faut pas être jaloux des grands martyrs, ni se moquer de leurs histoires. Ils sont pécheurs comme nous, après tout, et je suis persuadé qu’ils ne l’ignoraient pas. Leurs histoires servent d’exemple, ils nous incitent à leur ressembler, et le prêtre impur fut sauvé aussi parce qu’il eut le désir de leur ressembler.
Quant au marxisme, ce roman le montre sous un jour qui me paraît très exact : c’est bien par amour pour le peuple qu’il l’opprime. On se réfère à l’aveu même du lieutenant : « J’ai fait fusiller trois otages à cause de vous. Pauvres bougres. C’est eux qui m’ont fait vous haïr. » (p. 285). Soyons bienveillants envers les communistes, car leur combat est sincère, mais sans oublier qu’ils sont dans l’erreur la plus complète, car ils n’ont jamais su, eux, enseigner l’humilité ni rendre sacrée la vie humaine.

Un roman essentiel pour qui veut être saint...

Une vocation disséquée

10 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 11 octobre 2012

Graham Greene entomologiste de l’âme humaine. Il aurait classé ce roman, considéré par beaucoup comme son chef d’œuvre, dans la catégorie « Littérature » (opposé à « Divertissement ») et aurait été très agacé de ce que l’ensemble des critiques le classent sous le label « écrivain catholique ».
En un sens, il n’a pas tort. Ce n’est pas tant le fonctionnement d’un fonctionnaire de l’Eglise Catholique que nous décrit Graham Greene. Ce qui l’intéresse, ce sont les rouages de l’âme humaine et les ressorts qu’elle actionne. Il se trouve que l’âme à laquelle il s’intéresse est celle d’un prêtre catholique mexicain, mais il a la même démarche lorsqu’il écrit sur le fonctionnement d’un agent du MI6, le service de renseignements anglais …
Graham Greene écrivit ce roman en 1939 à la suite d’un voyage au Mexique, l’année précédente, afin d’établir un rapport sur les persécutions du clergé catholique, à la demande de l’Eglise Catholique elle-même. Ce fut physiquement très éprouvant – certains compareront son épopée au Chiapas et les difficultés qu’il rencontra vis-à-vis des voies de communication à celles que vécût Joseph Conrad au Congo et qui l’amenèrent à écrire « Au cœur des ténèbres » - et il en ressortit très éprouvé. A signaler qu’à cette époque Graham Greene s’était converti au catholicisme depuis 13 ans (à l’âge de 22 ans).
« La puissance et la gloire » ne faisait pas partie de « la commande de l’Eglise Catholique » mais le besoin de transfigurer son expérience fut probablement plus fort que tout.
Il y a une véracité dans les épreuves qui attendent ce prêtre pourchassé par la police mexicaine – pour activité prohibée, tel était qualifié le culte catholique à l’époque au Mexique – proprement époustouflante. Pour avoir relu ce roman au cours d’un voyage au cœur de la mousson indienne, j’y ai retrouvé les affres des climats tropicaux avec leurs excès, la précarité dans laquelle on peut se retrouver hors du cocon de la « modernité ». Et puis il y a ces sublimes états d’âme qui conduiront ce prêtre – prêtre déchu, qui se sait voué à la damnation – à successivement avoir le salut physique à portée de main et pourtant ne pas renoncer à exercer son sacerdoce jusqu’au sacrifice final.
Graham Greene, qui revendiquait son admiration pour Joseph Conrad, écrit avec « La puissance et la gloire » le roman qui certainement s’apparente le plus au style de Conrad, avec toutefois ce complément d’introspection perpétuelle, pour permettre au lecteur de comprendre la cohérence des choix du prêtre, tellement typique de Greene.
La dureté de la nature du Chiapas et du comportement de ses hommes est à couper le souffle. Non, ce n’est pas à proprement parler un roman catholique. C’est un roman de la nature humaine, d’un humain en particulier, un prêtre mexicain en situation extrême.

« Il y a toujours dans notre enfance un moment où la porte s’ouvre et laisse entrer l’avenir. Ce port fluvial accablé de chaleur humide et ses vautours gisaient au fond de la corbeille à papier : lui-même les en avait tirés. Il est heureux pour nous que nous ne puissions distinguer les horreurs et les hontes qui gisent autour de notre enfance, dans les placards, sur les rayons des bibliothèques, partout. »

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  Réaction à la critique de Martin. 157 Myrco 23 août 2014 @ 19:03

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