La collecte des monstres
de Emmanuelle Urien

critiqué par Sandra78, le 21 avril 2008
(Maisons-laffite - 36 ans)


La note:  étoiles
Tous des monstres...
Emmanuelle Urien persiste et signe. Après Toute Humanité mise à part et Court, noir, sans sucre, la nouvelliste entre dans la cour des grands avec La Collecte des monstres édité chez Gallimard en collection Blanche, c’est dire si l’auteure est prometteuse !

Avec des mots simples, évidents et forts, Emmanuelle Urien dresse les portraits minutieux d’hommes et de femmes aux existences étriquées et pathétiques. Le plus averti des lecteurs, habitué des nouvelles et de leurs chutes parfois vertigineuses, s’y laisserait prendre. En quelques dix-huit nouvelles, l’auteure nous convie au spectacle le plus grinçant qui soit, celui d’une vie quotidienne où l’horreur côtoie l’ordinaire. Avec un style franc et décapant, Emmanuelle Urien nous embarque dans les existences mornes de ces monstres anonymes. Elle nous raconte leurs destins absurdes et leurs chutes grotesques que l’on reçoit comme des coups de poing.

Ne soyez pas offusqués, on vous avait prévenu. Emmanuelle Urien donne le ton dès l’épigraphe :
“ La collecte des monstres aura lieu le premier mardi de chaque mois. Veuillez déposer les objets à évacuer devant votre domicile avant huit heures du matin. Bulletin municipal, Ville de R. ”.
Il s’agit donc d’une collecte très particulière : les encombrants (ou les encombrés), les moches, les insignifiants, les égarés et les lâches, tout le monde y passera. De la pauvre fille seule et désespérée dont le quotidien est jalonné par les petites annonces ( L’homme qu’il me faut ) au jeune homme accusé à tort de trafic de drogue qui se rendra coupable de bien pire ( Présumé coupable ), en passant par l’escroc, la prostituée occasionnelle, la tête de Turc... Personne n’est épargné. Les individus les plus banals entrent subitement dans la lumière avant de s’effondrer une bonne fois pour toutes.

Emmanuelle Urien joue de son écriture incisive et parvient, par une parfaite maîtrise du mot juste, à nous entraîner subtilement dans cette galerie de portraits. Maîtrisant parfaitement l’art de la chute, la nouvelliste réussit en quelques mots à faire basculer le récit dans la stupeur et l’effroi. Elle nous bouscule et nous ébranle. Nous guettons l’horreur et la monstruosité à chaque détour de phrase, nous tentons de percer à jour le stratagème de l’auteure mais rien n’y fait : le monstre n’est jamais là où l’on pense le trouver.
Un recueil magnifiquement noir. 9 étoiles

Je suis d'accord avec le comm de Sandra.

Avant que ne sorte le prochain roman d'Emmanuelle Urien (ce mois-ci, toujours chez Gallimard), il faut absolument découvrir ce recueil de nouvelles.

Sindbadboy - - 65 ans - 17 février 2009