La Tête des autres
de Marcel Aymé

critiqué par JEANLEBLEU, le 19 avril 2008
(Orange - 56 ans)


La note:  étoiles
Ca fait réfléchir sur la société et sur l'individu
Cette pièce de Marcel Aymé est un violent réquisitoire contre la peine de mort (écrit en 1952 !) et contre les agissements entremêlés de la justice et du pouvoir.
Pourtant aucun manichéisme dans cette oeuvre. Comme toujours avec l'auteur tous les personnages ont des côtés attachants (même les plus abjects) et obscurs (même les plus positifs).
Il est impossible d'extraire toutes les citations pleines de sens tellement il y en a.
Et le miracle c'est que cette pièce malgré sa noirceur est un chef d'oeuvre d'humour et d'ironie ! Là encore c'est la signature du maître !

Marcel Aymé a remanié sa pièce en 1956 en changeant notamment totalement le quatrième et dernier acte. Les deux versions sont à lire et leurs significations légèrement différentes s'enrichissent mutuellement.

On comprend que cette pièce ait fait un tel scandale à l'époque chez les "bien-pensants". Elle doit être une des principales raisons pour lesquelles Marcel Aymé a été tenu à l'écart des "institutions" (et notamment de l'institution littéraire) ce qui lui vaut d'être oublié des manuels littéraires...
« La Tête des autres » et celle de Marcel Aymé 8 étoiles

Cette pièce absurde et caustique se passe en Poldavie ou Poldèvie, à savoir nulle part et donc en France. La Poldèvie a été inventé par un journaliste d'Action Française, Alain Mellet, en 1929, et le « drame poldève » dura plusieurs mois. Il était allé voir des parlementaires spécialistes de l'émotion frelatée politique à fleur de peau et de l'humanitarisme bas de gamme. Il leur avait parlé du drame de ce petit pays tellement malheureux, tous répondant bien sûr « Ouhlala, oui, bien sûr, comme je les plains, ces pauvres poldaves » sans même savoir où ce pays se trouvait (ce qui prouve qu'ils n'en avaient rien à foutre). Ce très bon canular fût perpétué par des personnes aussi différentes que Brasillach, Queneau ou encore André Weil et Jacques Roubaud.

Donc le procureur Maillard, après un long réquisitoire, vient d'obtenir la tête d'un jeune musicien de Jazz idéaliste, une autre décollation à son actif car le bougre est spécialiste de l'envoi à la « bascule fatale » des condamnés. Il est porté en triomphe par sa famille et ses amis comme un toreador qui vient de mettre à mort un bovidé qui ne lui avait rien fait. Il est pourtant soucieux. Le jeune condamné lui apparaît d'ailleurs pour clamer son innocence avant de s'enfuir à nouveau, il avait passé la nuit avec la maîtresse du procureur. Celui-ci, Valorin, sorte de hérault d'une justice idéale et idéaliste, sera malgré tout ingrat avec cette femme estimant qu'il ne lui doit rien. Les magistrats tremblants et soumis iront demander un échange d'innocents à condamner à l'omnidirigeant (président ? Roi ? on ne sait pas) qui tient tout le pays, sans oser réclamer la tête du vrai coupable qui est à son service. La pièce se finit de manière très amère, l'injustice demeure malgré quelques changements cosmétiques. Force doit rester à la stupidité humaine comme la plupart du temps dans les histoires de Marcel Aymé.

AmauryWatremez - Evreux - 54 ans - 22 novembre 2011


La Justice au banc des accusés. 6 étoiles

Autant les romans et nouvelles de Marcel Aymé s’appuient sur le fantastique ou y font référence, autant son théâtre (au moins « La tête des autres » ou « Lucienne et le boucher ») est hyperréaliste, didactique et militant.
« La tête des autres » est un pamphlet sur le dévoiement potentiel de la Justice et de ceux qui la rendent, une considération générale sur la relativité de la Justice.
Pièce de théâtre de la forme la plus classique, aux surprises calibrées, je ne suis pas certain que ce soit le domaine littéraire où le génie de Marcel Aymé s’exprime le mieux ?
Au domicile du Procureur Maillard, en fin de journée, on attend le retour dudit Procureur qui requerrait pour « une tête », celle de Valorin. Il arrive et c’est une explosion de joie pour Juliette, sa femme, Louis et Renée Andrieu, amis et collègue Procureur pour ce qui concerne Louis, Bertolin un autre Procureur. Tout ce beau monde s’apprête à fêter cela – une tête ! – quand apparait Valorin (on est au théâtre !) qui vient de s’évader et qui crie son innocence. Un peu vaudevillesque tout de même !
La situation va rapidement se compliquer puisque Roberte, la femme du Procureur Bertolier, est en fait la maîtresse de Maillard, que Valorin l’a compris d’autant que Roberte ne lui est pas inconnue ( !), et que d’autres surprises surgiront au fil des rebondissements. L’injustice – ou non-justice – sera portée à son comble quand on dénichera un nouveau coupable à la place de Valorin, nouveau coupable bouc-émissaire comme lui. L’occasion d’états d’âme pour Valorin et Juliette, la femme du Procureur Maillard. Justice – injustice, la valse lente évoluera tout du long et les concernera tous au bilan, même Valorin qui prendra conscience de l’injustice amoureuse. Tout le monde sera servi !

« De Roberte, la femme de Bertolier, un autre procureur, à Valorin :
- Résigne-toi, va, tout est injuste. Tu t’insurges contre l’iniquité, la mauvaise foi, mais tu échanges des serments d’amour avec la femme que tu crois la plus pure, la plus digne de toi, et tu la trahis au premier tournant de ta liberté. Que veux-tu, l’injustice est en nous, dans notre sang, et dans notre chair. »

Tistou - - 67 ans - 9 mars 2010


Peut mieux faire... 7 étoiles

Désolé Marcel, je t'aime bien en général, mais là, je ne suis pas convaincu. Peut-être que ce texte gagne à être joué, mais il ne convainc pas vraiment à la lecture. Comme le dit la précédente critique, tout ceci est vraiment caricatural. Il y a néanmoins de bonnes choses, nous sommes tout de même avec Marcel Aymé.
C'est aussi pourquoi j'attendais beaucoup de ce livre. Je pensais que la finesse et l'intelligence d'un tel auteur mêlé à un sujet aussi difficile que celui de la peine de mort, ne manquerait pas de produire un livre explosif... pétard mouillé pour ma part!
A lire tout de même bien sûr!

Attila - - 62 ans - 27 décembre 2009


Beaucoup de caricatures pour un pamphlet moyen 6 étoiles

Dans cette pièce, les personnages sont assez caricaturaux: les procureurs tous corrompus, les femmes de procureurs toutes insatisfaites, le condamné tout gentil et mignon... Quel dommage! Tous cela manque tellement de subtilité, et de ce style plus dilué qui rend une critique, à mon sens, plus juste et plus touchante. Les phrases "choc" contre la peine de mort qui ponctuent le livre sont, à mon sens, plutôt téléphonées...

Je critique, je critique, mais j'ai lu cette pièce d'une traite. Le premier et le troisième acte sont excellents, le comique est très bon, le cynisme ironique également (toujours dans le premier acte). Le problème, c'est que la critique de la peine de mort n'est pas toujours efficace, car trop peu subtile (Comme Siné, dessinateur bourrin sans talent ni subtilité, a accepté d'illustrer, j'aurais pu m'y attendre...).

Soldatdeplomb4 - Nancy - 34 ans - 9 mai 2009