Big Bang
de Neil Smith

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 17 avril 2008
(Montréal - 54 ans)


La note:  étoiles
L’implosion d’un nouveau talent
Le traducteur montréalais, Neil Smith, bizarrement, ne s’est pas occupé de celle de son premier recueil de nouvelles. Par contre, l’empreinte de son boulot de traduction de documents scientifiques se retrouve dans l’aspect clinique de ses textes, par exemple dans les péripéties d’un groupe de soutien aux personnes atteintes d’une tumeur bénigne ou les inquiétudes de parents d’un bébé prématuré.

Les thèmes abordés sont sombres ; l’alcoolisme, le deuil, la haine, la maladie. Grâce à une approche déjantée et axée sur l’humanité des personnages, on sourit beaucoup, sans perdre le dramatique de la situation, malgré que cela soit discutable. C’est une collection d’histoires à l’image de Montréal, diverse, éclatée et insolente. D’ailleurs les lieux de la métropole y sont visités avec précision.

Dans certains cas, le style simple et coloré nécessite un effort d’attention pour se situer. L’humour noir subtil et les finales joviales ne plairont pas à tous les lecteurs. Les lacunes ne font pas oublier qu’il s’agit de quelque chose d’unique et original. Un petit livre rafraîchissant dans une mer littéraire contemporaine souvent trop sage.
Un Montréal insolite 8 étoiles

Neil Smith est un Montréalais. Il ne faut pas le confondre avec son homonyme américain né à Denver en 1946. Ce dernier écrit des romans de science-fiction tandis que le premier est l'auteur d'un recueil de nouvelles. Les francophones de Montréal se reconnaissent dans son livre puisque cette ville sert souvent de toile de fond à l’œuvre, en particulier le centre-ville et le port avec son mini Big Ben.

Chacune des nouvelles s’attache à un moment singulier du quotidien, qui se fixera à jamais dans la mémoire des victimes et de leur entourage. Que ce soient la mort du mari ou la maladie comme le syndrome de Fred Hoyle qui pousse vers une vieillesse prématurée, chaque circonstance entraîne les héros dans un cul-de-sac. L’auteur ne leur aménage aucune issue pour s’en sortir, hormis cette possibilité d’exploiter la résilience pour survivre aux mauvais sorts auxquels les soumet leur humanité. C’est avec perspicacité qu’il met en relief les conditions pénibles de l’existence. Comme un chiromancien, il sait lire les lignes de la destinée qu’il englobe dans un Big Bang, un monde en expansion, mais pas nécessairement en faveur de ceux qui le composent. La vulnérabilité prend souvent des visages loufoques, mais elle n’en est pas pour autant moins triste. Qu’une veuve se promène avec les cendres de son défunt mari contenues dans une pierre de curling peut faire rire, comme cette grosse femme qui se retrouve nue dans la rue. Mais partout, c’est la détresse humaine qui s’affiche.

L’auteur anime ce paradis perdu d’un souffle particulier. Sa vision pessimiste de l’humanité souffrante emprunte la voie de l’ironie ou du cynisme. Avec ce recueil, Neil Smith manifeste un don d’écrivain évident, mais son éclectisme a passé à un cheveu de transformer ses héros en personnages de foire. Quoi qu’il en soit, il a écrit des nouvelles intéressantes, auréolées de fantastique, mais d’un achèvement inégal. Tout un auteur, qui devra apprendre à dompter son ardeur.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 16 février 2015