La Rabouilleuse de Honoré de Balzac

La Rabouilleuse de Honoré de Balzac

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Ferragus, le 17 octobre 2001 (Strasbourg, Inscrit le 8 mai 2001, 61 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 418ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 11 501  (depuis Novembre 2007)

Du vice et de la bonté...

La Rabouilleuse, voilà un titre qui sent son roman de gare à plein nez. Pour un peu, on y verrait du Guy des Cars en pleine forme. Et pourtant… C'est un des romans les moins connus de Balzac mais paradoxalement un de ses plus denses.
On peut penser que l'absence de notoriété est due à ce titre peu accrocheur mais également au caractère provincial de l’histoire. plus clairement les critiques qui font et défont les réputations littéraires auront préféré le clinquant futile de la vie des belles parisiennes (« Le père Goriot », « Illusions perdues ») à l'âpreté des intrigues provinciales.
Fils d’un administrateur loyal, intègre et dévoué de l’Empire, Philippe Bridau est un officier brillant des armées napoléoniennes (chef d'escadron et officier de la légion d'honneur à 20 ans). Il a tout perdu avec la chute de l'Empire et promène son ressentiment dans les bas-fonds de Paris. Homme courageux, Bridau est surtout un être cynique, brutal et sans morale qui ne voit pas pourquoi il ferait des efforts alors que gloire et richesses lui tendent les bras. Après la participation inopportune à une tentative hasardeuse de coup d'Etat, Philippe est assigné en résidence surveillée à Issoudun. Il y retrouve un oncle, dégénéré richissime qui ne survit qu'avec l’assistance d'une jeune et belle femme, son âme damnée, la Rabouilleuse (au lecteur d'y découvrir le pourquoi d'un tel surnom). La richesse de Rouget, l’oncle, est trop importante pour ne pas susciter les convoitises. Dans un ballet tragique, deux hommes, Bridau et Gilet, vont s'affronter pour la conquête de la fortune et, accessoirement de la Rabouilleuse.
La Rabouilleuse est un remarquable roman qui vaut aussi bien par ses caractères que par la description intime et détaillée d'une petite ville de province étouffante. On ne peut manquer, sur ce trait, de penser à « La muse du département » ou à « Ursule Mirouët ». Le lecteur attentif appréciera la description de l'indigente misère affective de la petite bourgeoisie locale chez qui l’accumulation obsessionnelle et dévoyée des biens finit par devenir la seule raison d'être.
Mais surtout, et c'est ce que l’on préfère chez Balzac, la galerie de portraits est ici exceptionnelle car plusieurs personnages emblématiques se croisent. La famille Bridau tout d'abord : Agathe, la mère, est une femme aveuglée par son amour maternel (thème récurrent chez Balzac, de la bonté dévoyée plus destructrice, par sa faiblesse, que bien des vices) ; le frère, Joseph, peintre naissant, que l'on retrouvera souvent dans d’autres romans, est l'antithèse de Philippe. Maxence Gilet, alter ego de Philippe, tout aussi courageux et amoral, est également une belle figure qui détaille encore plus et « a contrario » l'âme de Philippe Bridau. La Rabouilleuse est un roman âpre, noir et amer qui broie l'estomac de ses lecteurs. L’ascension énergique, brutale et cynique de Philippe Bridau est insupportable, d’autant plus insupportable qu'elle est involontairement soutenue par la bêtise et l'incurie de ses proches qui ne partagent en rien sa bassesse.
Ainsi est Balzac, extraordinaire descripteur d’une nature humaine tour à tour grandiose et désespérante.

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Les éditions

  • La Rabouilleuse [Texte imprimé] Honoré de Balzac texte présenté, établi et annoté par René Guisde
    de Balzac, Honoré de Guise, René (Editeur scientifique)
    Gallimard / Collection Folio.
    ISBN : 9782070361632 ; 1,48 € ; 26/08/1972 ; 442 p. ; Poche
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Des écrevisses à l'héritage

5 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 7 novembre 2020

La définition de "rabouilleur" est la personne qui trouble l'eau afin d'effrayer les écrevisses en vue de leur capture. Cette petite fille en haillons se livrait à cet exercice avec son père quand Jean-Jacques ROUGET l'aperçut.

Frappé par la beauté de la fillette, il "l'achète" comme domestique.

Peu à peu il s'attachera à elle. Arrivée à l'âge adult, Flore comprendra toute l'ampleur de son pouvoir sur le vieil homme. Avec l'aide d'un garçon de son âge (Max), dont elle est secrètement éprise, elle tentera de capter l'héritage, enjeu crucial du texte.

C'est sans compter sur l'arrivée sur l'échiquier de Philippe BRIDAU, plus rusé encore que la Rabouilleuse et son complice.

Qu'en penser ?

A voir l'historique de ce texte on comprend vite le pourquoi d'un tel fourbi, car la trame est vraiment tentaculaire (un mélange de DALLAS et de DYNASTIE... pour ceux qui ont connu).

C'est compliqué, parfois même incohérent mais qu'importe : quand Balzac écrit, on lit !

A noter que pour la première fois l'auteur tient des propos rabaissant la femme. Il fait dire à un des ses personnages :" Les femmes sont des enfants méchants, c'est des bêtes inférieures à l'homme, et il faut s'en faire craindre, car la pire condition pour nous est d'être gouvernés par ces brutes-là ! " sic

HISTORIQUE DU TEXTE

Au départ le projet de 1839 se nommait LE BONHOMME PIEDEFER, puis en 1840 LE BONHOMME ROUGET. Un texte qui servait à rembourser un trop perçu que le journal qui employait Balzac lui avait octroyé. La parution se fait en deux fois avec un an et demi d'intervalle.

L'auteur ne livrera qu'une petite partie du texte (juste le nécessaire pour payer sa dette).

En 1841, un journal concurrent lance un texte à épisodes qui recueille un grand succès. Balzac lance alors la totalité du texte sous le titres LES DEUX FRERES (9 épisodes).

Remaniement du texte et rajouts donneront la première édition originale aux éditions Souverain


PERSONNAGES

On peut s'en tenir à ceux qui justifient les titres successif envisagés par Balzac et autour desquels le roman se construit : Rouget, les deux frères Bridau, la Rabouilleuse.

– Flore BRAZIER : c'est la fille du peuple, condamnée dès l'origine, pour peu qu'elle sorte de sa condition. Elle est programmée par son nom, de la fleur au feu (elle finit brûlée par les « liqueurs »). Très tôt orpheline, à la garde d'un oncle alcoolique et d'une tante qui la hait. Elle est cependant, à douze ans, une « petite fille ravissante », un « miracle de beauté » aux yeux du vieux Rouget qui la découvre « quasi nue » dans la rivière, occupée à rabouiller. Il l'achète à son parâtre, cent écus par an. C'est François, l'un des « cinq Hochons » qui révèle son surnom méprisant, dans le journal ragoteur d'Issoudun. Rouget entreprend son éducation, se réservant sans doute d'en recueillir les fruits. Ce ne serait pourtant que le « 15 avril 1806 » que Flore cesse d'être une « honnête fille », en devenant la maîtresse du fils Rouget. En 1815, dans « l'entier développement de sa beauté », elle règne sur la maison (et le ménage du garçon). Puis les événements se compliquent : maîtresse de Maxime en 1816, elle épouse Jean-Jacques Rouget en 1823, et devient ainsi la tante de Philippe qui la subjugue, l'épouse, en fait une éphémère comtesse de Brambourg pour mieux la dépouiller et l'achever : « Dieu se sert de lui comme un fléau ! », dit la moribonde à ceux qui sont à son chevet, avec Joseph Bridau : Bixiou, Bianchon, Desroches, les « bons » reparaissant.

– Joseph BRIDAU : Sa présence dans le roman est tempérée. Il est le sage !
Déjà apparu dans UN DEBUT DANS LA VIE : il participe aux deux voyages à Presles, celui de 1822 dans le coucou de Pierrotin et celui de 1838 dans son Hirondelle de l'Oise. De rapin farceur qui se fait passer pour le grand peintre Schinner dans le premier

– Philippe BRIDAU : après l'avoir créé dans Les Deux frères (voir Histoire (s) du texte), Balzac l'ajoute à des textes antérieurs, plus pour l'effet de reprise que pour nourrir une biographie déjà détaillée par La Rabouilleuse.
Il est toute la laideur incarnée, sans scrupule ni conscience.

– Jean-Jacques ROUGET (alias le bonhomme Rouget) : le personnage est en quelque sorte la réplique du Jérôme Rogron de PIERETTE (même si Flore n'est pas Bathilde), mais en plus gris. Il est construit en négatif, par contraste. Agé de 37 ans à la mort de son père, dont il n'a ni la trempe, ni le caractère, ni la malice. A l'inverse de sa soeur Agathe il est incapable de grands sentiments. Elevé pour être propriétaire, c'est-à-dire rentier, c'est un inutile, un « nul », un boutonneux, malade de timidité physique et morale avant que Flore le déniaise. Il a pour elle un attachement « animal » et deviendra une proie facile entre les mains de son neveu Philippe. Resté célibataire dans le mariage, incapable d'être père, ce garçon de province sera tué par Paris.

Héritages, intrigues et complots de famille

7 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 28 juin 2020

Une famille se délite à vitesse grand V dans la bourgeoisie d'Issoudun, avec un soupçon d'enfant adultère, un volonté subséquente de déshériter, une évolution de famille en dents de scie. A cela, viennent s'ajouter moult intrigues d'argent, rebondissements politiques et de fortune, tant financière que professionnelle, avec tentatives d'escroqueries à la clé.
L'intrigue en devient dure à suivre, et la narration investit les bas fonds les moins florissants de la haute société française, tant parisienne que provinciale. Ces éléments constituent un roman aussi trépidant que malsain, dont le rythme effréné donne presque la nausée.

Réconciliation personnelle

9 étoiles

Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 9 janvier 2014

Ce livre m'aura certainement rendu l'envie de lire d'autres oeuvres d'Honoré de Balzac. J'avais relu "Eugénie Grandet" il y a quelques temps et lui avais trouvé beaucoup de charme. Là je dois dire que j'ai mal fait d'abandonner pendant toutes ces années cet auteur. L'âge intervient certainement dans la façon d'apprécier une lecture...

Quel verbe ! Quelle vision des choses ! Quel regard sur les êtres !

En fait "La Rabouilleuse" n'est pas vraiment le personnage central de ce livre, autour d'elle gravitent nombre de figures qui ne manquent pas de caractère et dont les vies tourmentées nous entraînent dans cette saga familiale aux nombreux rebondissements ! Pas de problème de longues descriptions qui sont à craindre, parfois, avec Balzac ! Tout passe très facilement, et l'intérêt du lecteur est constamment maintenu.

Une jolie découverte que ce roman, lu grâce à JulesRomans qui l'a évoqué dans un fil traitant du Berry, puisqu'une partie de ce livre se passe à Issoudun.

Chef d'œuvre !

10 étoiles

Critique de Thomasdesmond (, Inscrit le 26 juillet 2004, 43 ans) - 27 avril 2011

Pour moi un des cinq grands romans de Balzac, et surtout un des plus noirs, désespérés, avec La Cousine Bette et Le Cousin Pons. Il condense parfaitement les obsessions principales de Balzac : l'inspiration artistique pure comme ennemi jurée de la passion de l'argent couplée à l'inhumanité des humains. Final cauchemardesque et affreux, comme dans ses autres grandes œuvres (Illusions perdues, Goriot, Cousine Bette...).

Rabouilleuse bis

10 étoiles

Critique de Julie D (Paris, Inscrite le 15 juin 2005, 63 ans) - 16 juin 2005

C'est effectivement le plus époustouflant des suspenses de Balzac; le top du feuilleton à rebondissements, avec les ressorts les plus simples et les mieux servis : la mère aveugle sur la cruauté du fils préféré, le gentil qui ne prend pas ombrage de cette préférence, la rapacité de toute une bande de terrifiants parasites... Tout Balzac, et on en prendrait bien encore un petit millier de pages.

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  5 étoiles, pas 0,5 4 Julie D 2 juillet 2005 @ 10:33

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