Processus familial
de Wang Wenxing

critiqué par Débézed, le 24 mars 2008
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Quand le Dragon dévore Confucius
Quand le Dragon, né de la côte de Chine, s’éveille, une nouvelle littérature apparaît. Wang Wenxing (né en 1939) est avec Bai Xyanyong (lire de celui-ci l’excellent « Garçons de cristal ») le chef de file de cette littérature taïwanaise des années soixante dix qui « paradoxalement, …, a su mieux que cinquante ans d’ostracisme communiste conserver et transmettre la culture chinoise traditionnelle et son art de l’écriture ».
« Processus familial retrace le cheminement qui conduit le narrateur depuis l’enfance et l’adoration du père jusqu’à l’âge adulte et au rejet de ce dernier. » Le roman débute par la disparition du père qui sera l’objet de toute l’histoire avec les recherches entreprises par Fan Yé, le fils qui a osé rejeter le père. Pour conduire son récit Wang a construit un plan articulé autour de deux séries de chapitres qui s’entremêlent : une série qui raconte la recherche du père et une autre de 157 chapitres qui comme les pièces d’un puzzle reconstituent la relation des deux protagonistes principaux du roman au sein de leur famille. Au cours de ces 157 chapitres souvent très courts, de quelques mots à quelques pages en passant par quelques lignes, Wang retrace la vie de ces Chinois du continent imbus de leur statut familial antérieur à travers les scènes de la vie quotidienne, les images, les sons et les souvenirs des événements marquants de la vie d’un enfant.
Tout au long de sa quête du père disparu Fan Yé se remémore ce père qu’il a admiré dans sa prime enfance et dont peu à peu il s’éloigne jusqu’à le rejeter totalement et même le haïr. Entre un père irrésolu, poltron et puéril dominé par une mère querelleuse, jalouse et menteuse, le fils puiné, la promiscuité aidant, voit les tares de ses parents prendre une importance de plus en rédhibitoire jusqu’à ce qu’il ne puisse plus les supporter.
Lors de son édition, ce livre scandalisa la critique, il incarne la révolte contre la piété filiale, véritable loi sacrée que nul ne doit transgresser dans la Chine traditionnelle et symbolise la révolte contre les régimes dictatoriaux qui se succèdent à cette époque sur l’île. C’est toute la tradition familiale du confucianisme qui est remise en question par cette nouvelle littérature née d’une Chine capitaliste et pragmatique dont les succès dans le domaine économique lui vaudront le surnom de « Dragon ». C’est la rupture entre la Chine millénaire et la Chine de Taïwan et la naissance d’une nouvelle société avec toutes les douleurs que cala implique.
Ce livre est aussi une véritable leçon d’écriture, tout ce qui est écrit est nécessaire, rien ne manque, rien n’est inutile et tout est juste. Une référence pour ceux qui meublent croyant faire suffisant !