Ténébreuses de Karin Alvtegen

Ténébreuses de Karin Alvtegen
( Skugga)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Cuné, le 12 mars 2008 (Inscrite le 16 février 2004, 56 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 9 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 142ème position).
Visites : 10 657 

"Qu'est-ce que je dirais ? Vous n'avez qu'à lire le bouquin, connards ! Tout est dedans. Tu crois que ça marcherait, putain ?"*

Voici les apparences : un écrivain moribond mais universellement connu : il a reçu le Prix Nobel pour l'ensemble de son oeuvre, Axel Ragnerfeld. Un fils, Jan-Erik, qui perpétue sa renommée en assurant de nombreuses conférences et lectures autour de l'oeuvre de son père. Un jeune homme paumé et perturbé, Kristoffer, qui tente d'écrire sa seconde pièce de théâtre. Quelques personnages féminins, aussi, tout aussi préoccupés (dévorés ? hantés ? torturés ? compliqués, en tous les cas) : les mères, épouses, fille, maitresse. Mélanger, secouer, servez : on plonge dans l'horreur totale.

Ca commence gentiment, par une employée municipale chargée de régler les successions; Marianne Flokesson est une brave personne, elle a à coeur de faire correctement son travail et met un point d'honneur à chercher au maximum à retracer la vie de Gerda Persson. 92 ans, une longue vie d'employée de maison chez les Ragnerfeldt. Elle fait de Kristoffer son unique héritier (de pas grand-chose en réalité). Mais pourquoi ? Quel rapport peut-il bien avoir avec elle ?...

A partir de là, on entre très progressivement dans une noirceur de plus en plus opaque et étouffante au fil des pages. Il y est question de réputation, des choix que l'on est amenés à faire au fil d'une vie, de folie, de renoncements, d'actes signifiants et de manquement, surtout. D'énormes, d'immondes, de terribles manquements, qui giflent les grandes idées et intentions, qui rabaissent l'intellectualisation à un rang presque minable, quand la perspective, fût-elle louable, fait oublier ceux qui sont là, autour, concrets et vivants.

Au premier tiers je me suis demandée si ça valait la peine de continuer, je voyais l'intrigue déroulée d'avance et il n'y avait guère de suspens possible. Je le termine en fait les joues en feu, c'est d'une puissance psychologique assez inouïe. Remuant, déstabilisant, bousculant. Un très bon roman !

*"En plus, je suis moche."

Message de la modération : Prix CL 2011 catégorie Roman Policier ou Thriller

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Les éditions

  • Ténébreuses [Texte imprimé] Karin Alvtegen traduit du suédois par Magdalena Jarvin
    de Alvtegen, Karin Jarvin, Magdalena (Traducteur)
    Plon / Roman Noir
    ISBN : 9782259207447 ; 8,00 € ; 05/03/2008 ; 314 p. ; Broché
  • Ténébreuses [Texte imprimé], roman Karin Alvtegen traduit du suédois par Magdalena Jarvin
    de Alvtegen, Karin Jarvin, Magdalena (Traducteur)
    Points / Points (Paris)
    ISBN : 9782757813041 ; 7,30 € ; 12/03/2009 ; 348 p. ; Poche
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Etouffement

6 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 30 septembre 2011

Il convient de s'accrocher dans ce thriller psychologique sous peine de se perdre dans les tréfonds de l'âme et des perversités humaines.
Une très grande noirceur teinte tant les personnages que leurs destinées au fil des ans et rapidement, le lecteur ressent le poids de cet étouffement qui dure depuis si longtemps. Un sentiment qui pourrait être rébarbatif dans un premier temps mais qui, en même temps, emprisonne, entraîne dans une démarche d'inquisition diablement séductrice. Les personnages sont sombres et attachants tout en étant de ci de là agaçants, on se plaît à mener soi-même l'enquête sur les traces du passé, à chercher l'élément qui permettra de relier les pièces du puzzle.
C'est du lourd, au propre et au figuré, on évolue dans une sorte de boue qui dévaste tout sur son passage et laisse des traces dont certaines sont indélébiles.
Je ne peux pas vraiment parler de coup de coeur pour cet ouvrage, j'ai apprécié la toile tissée par l'auteur et cette intrigue sur laquelle elle greffe ses protagonistes, tout en regrettant qu'il y ait de temps en temps quelques longueurs. Longueurs ceci dit à mettre en relation avec le désert émotionnel dans lequel ont pu se plonger l'un ou l'autre caractère de l'ouvrage. Pour plagier quelqu'un, "noir c'est noir".

Grandeur et décadence

8 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 65 ans) - 25 août 2011

Comme d'autres lecteurs avant moi, je me suis posée la question de ce classement dans les « policiers ».
C'est, à mon avis un thriller psychologique que cette espèce de descente dans les enfers de certains personnages et quelles découvertes, quelles surprises!
Alvtegen nous emmène sur de fausses pistes sans dévoiler toute la vérité qu'elle nous laisse d'ailleurs imaginer à la fin.

Gerda vient de mourir seule en léguant ce qu'elle avait à un jeune homme complètement inconnu. La ténacité de Marianne Folkesson pour retrouver des proches de la vieille dame nous emmènera à la rencontre d'un très célèbre écrivain nobellisé: Axel Ragnerfeldt.
Gerda était l'employée de maison d'Axel et donc le témoin de toute sa vie. « Nous ne sommes pas égaux toi et moi. … Parce que moi je me contente de ce que je suis, pas toi. Tu cherches toujours à être ce que tu imagines pouvoir devenir. Il sut d'un coup qu'il (Axel) venait de recevoir la pire insulte de sa vie. »

Parallèlement, nous suivons la vie de ce jeune légataire orphelin, écrivain, alcoolique .
« Parfois il (Kristoffer) pensait que l'évolution avait commis une erreur en développant un cerveau aussi avancé. Pourquoi sinon,étaient-ils si nombreux à éprouver le besoin de l'anesthésier? »

Et puis ce passage qui interpelle la « critiqueuse » que je suis mais qui prend aussi un tout autre sens à la fin du roman:
« Quels beaux livres s'exclamaient ces inconnus devant lui. Quel talent!... Que savaient ces gens du talent? Il aurait bien voulu le leur demander. En quoi mes romans sont-ils réussis, vous pouvez me le dire? Seul celui qui peut expliquer pourquoi il les trouve fantastiques, possède le droit de prononcer ces mots, se dit-il (Axel) tout en signant un ouvrage qui serait lu par un prétentieux de plus. Un de ceux qui ne savaient rien des efforts qui se cachaient derrière chaque mot, qui tournerait trop hâtivement les pages, sans consacrer à chaque phrase l'attention qu'elle méritait alors qu'il y avait passé tant de temps. »

La vérité finit toujours par éclater

8 étoiles

Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 21 mai 2011

Les apparences indiquent seulement la facette éclairée que les individus veulent bien montrer. Ce qui est caché est parfois noir, très noir et le suspense est bien mené jusqu’à la fin.

On entre dans les affres de l’écriture dont il est difficile d’en faire un métier dont on vit. On voit les petites compromissions avec la réalité, l’usure de l’habitude et les demi-vérités à l’intérieur d’un couple, le désir jamais assouvi de reconnaissance des personnes qui ne sont pas sûres d’elles et ne vivent que par les yeux des autres. Il y a la recherche du passé et de ses origines quand on ne sait pas d’où on vient et qui peut empêcher d’aller de l’avant si on ne s’en déprend pas.

C’est aussi l’histoire de différents combats contre soi-même, réussis ou pas et de moments charnières de l’existence. Peu en sortent indemnes mais il y en a, ce qui donne des touches d’espoir : ce sont ceux qui recherchent la satisfaction plutôt que le bonheur qui est toujours éphémère.

IF-0511-3728

Suède, psychologie et Prix Nobel.

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 23 mars 2011

Ca fait drôle de qualifier « Ténébreuses » de polar ! On y regarde à deux fois quand on le referme tant l’aspect « Psychologie » est poussé à son paroxysme. L’agencement du roman aussi, d’une complexité qui ne se dénoue réellement à la fin et qui fait prendre conscience du coup de l’intense travail préparatoire de construction qui doit présider à un tel roman !
« Ténébreuses » ! Certes. Ca reste ténébreux très longtemps. Mais on peut se sentir bien aussi dans les ténèbres. Ceux qui se battaient dans le noir au couteau, à la baïonnette dans les tranchées sans lumière du Chemin des Dames ne devaient pas penser ainsi. Ceux qui jouent à colin-maillard, si ! Il y a un peu de colin-maillard ici. Un colin-maillard où il y a bien un peu de couteau, de coups portés à l’aveugle, mais plutôt un colin-maillard. Surtout pour le lecteur.
La fin est une véritable hécatombe. Enfin, pas vraiment puisque Karin Alvtegen indique le départ de la piste et laisse le lecteur finir la route tout seul, très intelligemment. Mais Dieu que sa galerie de portraits est sinistre. Peu d’intervenants à tirer leur épingle du jeu dans ce monde peu recommandable. Il y est question d’écriture, de littérature (un des principaux protagonistes est ni plus ni moins que Prix Nobel !), d’enfant abandonné, de grandes lâchetés, et de bombes humaines à retardement qui viendront péter toutes à la fin du roman. Quelque part comme une démonstration que nos actes ont une signification et une vie propre dont on ne se débarrasse pas comme ça. Rien n’est gratuit. Pas même les saloperies.
Une belle leçon de polar psychologique !

Secrets de famille

8 étoiles

Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 54 ans) - 14 mars 2011

Les amants de la psychologie des personnages seront choyés avec cette toile familiale tissée autour de secrets mystérieux – enfant abandonné, fausse représentation etc. L’intrigue avance par différents événements révélés au fur et à mesure pour conserver l’intérêt. Par moments, c’est un thriller captivant. À d’autres, la prose dense et la composition orchestrale deviennent une bouette ennuyante.

Néanmoins, le talent de Alvtegen est indéniable. Bien que son roman soit situé dans un milieu placide, elle parvient à évoquer toutes les émotions, la fureur et la passion, qui fermente dans le cœur de chaque humain, aussi inoffensif peut-il paraître.

polar or not polar?

6 étoiles

Critique de Koudoux (SART, Inscrite le 3 septembre 2009, 59 ans) - 4 mars 2011

Suite au décès de Gerda, ancienne domestique du célèbre écrivain Axel Ragnerfeldt, nous allons découvrir le passé de diverses personnes.
Un terrible secret remonte tout doucement à la surface.
Les analyses des personnages sont très intéressantes, la descente aux enfers est bien menée mais je ne considère pas ce livre comme un polar.

Quel salmigondis !

5 étoiles

Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 84 ans) - 13 juillet 2010

Je n'ai pas "mordu" à l'intrigue, qui n'apparaît pas vraiment à la lecture ; il faut arriver à quelques pages de la fin pour y déceler quelque chose.

J'ai eu l'impression que l'auteur avait commencé à mettre en place ses personnages, puis à les agiter dans des scènes incohérentes (le temps fait des sauts de plusieurs décennies sans crier gare). Elle aborde les sujets les plus à la mode, opposition riches/pauvres, alcoolisme, révolte des enfants, divorce, extermination des Juifs, écriture et succès, sans compter le féminisme...

On a le droit de finir par être fatigué et de ne pas partager l'avis de l'auteur, même si le dénouement rachète une partie des critiques précédentes.

Je n'appelle pas cela un roman policier et j'ai du mal à croire qu'elle soit "aussi reconnue que Mankell".

Quelle fin de roman

9 étoiles

Critique de Pipierre (, Inscrit le 28 juillet 2006, 64 ans) - 7 juin 2008

Véritablement, Karin Alvtegen est experte dans l'art de terminer ses romans. J'avais lu Trahie, qui avait aussi la qualité de finir
en force. Elle possède une écriture forte alors que chaque phrase reflète la lourdeur psychologique des personnages.
Il est vrai que l'histoire se distille lentement mais c'est pour mieux savourer l'élixir de la fin.
Vraiment, un roman prenant. Des personnages du tonnerre et une intrigue amenée finement vers un dénouement solide.
Moi qui est toujours déçu des fins bâclées, j'irai chercher les autres romans de cette auteure.

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