Les Souliers ferrés
de Maurice Bouchet

critiqué par Antinea, le 9 mars 2008
(anefera@laposte.net - 45 ans)


La note:  étoiles
Ceux qui restent
Dans les hauteurs des montagnes alpines, loin d’une guerre qui n’en finit pas, se construit la voie de chemin de fer tant attendue qui reliera Grenoble à Gap et sortira le pays de l’isolement. Et pour ces travaux pénibles, on met à contribution les soldats allemands arrachés à leurs champs de batailles ravagés. Michael Berard fait partie de la dernière fournée de prisonniers fraîchement débarqués dans ce coin perdu, en plein été de l’année 1916. Comme pour ses compagnons de rétention, ce travail au grand air vaut bien mieux que les tranchées, et les regards suspicieux et méfiants sont bien supportables après les années de boucherie qu’ils ont vécu. Berard. Ce nom n’a rien d’allemand. Et quand par mégarde quelques mots de français s’échappent de sa bouche, c’est toute la communauté qui s’interroge sur ce mystérieux prisonnier. Un aïeul français, huguenot et originaire de la région, de quoi alimenter les conversations des villageois et l’intérêt de Jeannette, l’institutrice. Le nettoyage du fossé qui mène l’eau des hauteurs jusqu’au village conduit Berard et quelques autres au hameau d’en haut, à peine peuplé. Là, il rencontre Ponsard, un paysan bourru qui se l’approprie pour l’aider dans ses travaux. De là-haut, la guerre, on ne la connaît que comme celle qui enlève les fils et ne les rend pas. Michael, devenu « le huguenot de Ponsard », devra apprendre à vivre parmi ces villageois meurtris, sur les flancs d’une montagne impitoyable.
C’est une histoire très simple et très attachante que nous offre là Maurice Bouchet. Un morceau de vie après l’horreur des tranchées, une reconstruction malgré la captivité, captivité d’ailleurs bien particulière. Le style est un peu dérangeant pour qui est habitué au passé simple. Ici, le passé composé donne au texte une sensation de proximité avec l’histoire, de simplicité aussi, comme si le style, s’ajoutant à un récit forçant déjà à l’identification, nous propulsait dans le hameau d’en haut.
Un roman de terroir, mais peut-être aussi un peu plus que cela, que je conseille vivement.