Les 200 plus beaux tableaux du monde
de Jean-Luc Chalumeau

critiqué par Jlc, le 4 mars 2008
( - 80 ans)


La note:  étoiles
Nave Nave Mahama
Bien sûr, « choisir c’est renoncer » pour reprendre la formule de Gide et sélectionner 200 tableaux, en les qualifiant de plus beaux, relève de la subjectivité absolue qui peut être source de polémique. Jean-Luc Chalumeau, historien d’art reconnu, a eu la modestie de ne pas appeler son ouvrage « MES 200 plus beaux tableaux », ce qu’en réalité il est, mais ses choix sont tout à fait légitimes, à quelques exceptions près et quelques manques qui ne sont que mon propre parti pris et donc ma subjectivité, aussi exclusive que celle de l’auteur. Ce livre mérite beaucoup mieux que le petit jeu qui consisterait à remplacer telle œuvre par telle autre.

Bien sûr, cette sélection tient certainement compte de choix liés au droit des œuvres et il est dommage que le musée du Louvre soit surreprésenté au détriment d’autres musées européens ou américains. A ce sujet on pourra toujours se reporter au très beau livre de Pierre Rosenberg, ancien patron du Louvre, « En Amérique seulement ».

Bien sûr il est préférable d’aller voir un original dans le lieu pour lequel il a été conçu ou dans un musée créé pour magnifier les trésors qu’il expose mais tout le monde n’a pas la chance de vivre près du musée du Louvre, du couvent San Marco ou du MOMA et du MET de New York. Et une reproduction réussie, c’est-à-dire aussi fidèle que possible, est préférable au désert culturel de la page blanche.

Toutes ces réserves inhérentes à ce genre de livre sont pourtant balayées dés qu’on ouvre ce livre ou plutôt dés qu’on entre dans ce musée imaginé par Jean-Luc Chalumeau. Tout d’abord l’introduction de l’auteur est tout à fait remarquable sans être savante. A partir de plusieurs approches de définition de la beauté, il explique celle qu’il choisit, une discrimination certes mais aussi une hiérarchie car tout ne se vaut pas comme quelques esprits égarés tentent parfois de nous le faire croire. Il oppose à la montée de l’inculture, de la vulgarité et de la dérision la contemplation et la présence rayonnante de la beauté qui, selon François Cheng, « se manifeste comme une présence rayonnante et « reliante », laquelle incite à l’acquiescement, à l’interaction, à la transfiguration ». Mais ce qui est rayonnant pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre. D’où la difficulté ! Cette approche de la beauté qui va s’exprimer par le choix des œuvres présentées est donc tout à fait classique et on trouvera rien ici d’iconoclaste ou d’excessif.

Le grand format du livre offre des reproductions d’une grande qualité permettant de mieux cerner certains détails. Chaque tableau est commenté et situé par quelques informations essentielles sur la carrière et la vie du peintre. Chalumeau discerne le lien d’un artiste à l’autre, tel Pisanello influencé par Gentile da Fabriano ou Le Titien par Bellini. Il fait appel non seulement aux grands historiens d’art pour étayer ses commentaires mais aussi à des peintres d’une autre génération (Zao Won-ki sur Uccello, Soulages sur Cimabue), des intellectuels (Foucault sur Jérôme Bosch ), des écrivains (Proust et Vermeer, Claudel sur un autre Vermeer « La dentellière » où il voit « un éclair décoché par l’âme », Malraux et ses fulgurances sur Chardin ou La Tour –« ce n’est pas l’obscurité que peint La Tour, c’est la nuit »- ou des psychanalystes célèbres (Freud fouillant Léonard ou Lacan philosophant sur la tête de mort en anamorphose du tableau de Holbein « Les ambassadeurs »).

Ce très bel ouvrage pourrait être sous-titré « Nave Nave Mahama » -« Jours délicieux », en tahitien- qui est le nom d’un tableau de Gauguin ici reproduit, tant il procure ce bonheur quotidien d’intelligence et d’émotion que nous donnent les plus grands artistes, de quelque époque et de quelque civilisation qu’ils viennent. Bonheur qui est la meilleure invitation, chaque fois qu’on le peut, à entrer dans les musées pour y « éprouver la beauté au contact direct avec les œuvres ».
En ce siècle où nous n’avons jamais eu autant de possibilités de contempler les plus belles œuvres ni autant de tentations de nous en détourner pour des plaisirs plus immédiats, Jean-Luc Chalumeau nous propose une démarche simple vers la beauté qui, pour citer Dostoïevski, « est une chose terrible. Elle est la lutte de Dieu et de Satan, et le champ de bataille c’est mon cœur ». Mais c’est elle qui « sauvera le monde ».



PS : ce livre de grand format, cartonné, richement illustré est vendu à un prix bas (mais tout est relatif) si on le compare à d’autres ouvrages d’art. Philanthropie de l’éditeur ? Point du tout. Ce livre est imprimé en…Chine. La mondialisation est aussi passée par là !
Une image est plus éloquente qu'un long discours ... 10 étoiles

Mon cher JLC,

Je vous cite
"... une reproduction réussie, c’est-à-dire aussi fidèle que possible, est préférable au désert culturel de la page blanche."

J'ajouterais qu'elle est aussi préférable au désert culturel de la page emplie de vide ou de la toile ...

" La reproduction de tableau est un art et l'art de la reproduction de tableau, c'est faire d'une reproduction un tableau de maître.

Découvrez par vous même :
http://www.reproduction-tableau-art.com

Mettre un peu d’art dans sa vie et de la vie dans son regard sur l’art.

Artskal - - 68 ans - 11 mars 2008