La couronne en papier doré
de Etienne Schréder

critiqué par Shelton, le 3 mars 2008
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Hommage personnel à l'auteur !
Un bel album très touchant en noir et blanc qui remonte de ma mémoire car Etienne Schréder, son auteur, revient sur le devant de la scène… C’était en 1998… Peu de gens en avaient parlé, les lecteurs n'étaient pas très nombreux mais tous avaient senti la qualité profonde de ce récit et c’est pour cela que je voulais en reparler, aujourd’hui, avant de présenter sa nouveauté, Amères saisons.
La couronne en papier doré est une histoire à plusieurs degrés de lecture. C’est, tout d’abord, l’histoire d’une famille bourgeoise qui possède une entreprise. Le père a deux fils, il y a le bon, celui qui pourra reprendre les affaires, mais il y a, aussi, le mauvais, l’imprévisible, celui qui a un petit grain, celui qu’il faudra cacher pour pas nuire à la réputation familiale…
C’est le second, Jérôme Avril, qui est au centre de ce récit. Il quitte la prison où il a passé quelque temps après avoir fait brûler une usine entière… Cinq ans de détention, mais, maintenant, une libération mais tout en restant sous la tutelle de son frère, Charles le Bon…
Qui est Jérôme ? Qu’est-ce qui l’anime ? Que ressent-il profondément ? Que signifie cette quête d’absolu que certains appellent alchimie ? Quels liens peut-il avoir avec sa fille ?
Cette histoire est aussi une fable, une fable sur la difficulté d’être dans une famille quand on se sent différent des autres membres de ce clan. Comment s’épanouir, comment vivre quand on ne peut pas faire comme les autres, quand on ne peut pas engranger les affaires, faire fortune… Jérôme est avant tout un homme plongé dans la solitude totale. Le théâtre de sa vie devient une usine désertée, abandonnée après un incendie…
Mais cette aventure prend une autre dimension quand le narrateur y fait apparaître des personnages mythiques, imaginaires… D’où viennent-ils ? Des fantasmes de Jérôme ? Des fruits d’une hallucination due à des produits illicites ? Sortent-ils de la divine bouteille, celle qui libère dans un premier temps avant d’enfermer l’être humain dans la dépendance totale ?
D’illusion en rêves, d’amour en désespérance, Jérôme chemine vers la libération totale. La transformation totale et absolue, celle qui fait naître l’or aura-t-elle le dessus… Ou, tout simplement, au hasard – mais existe-t-il ? – ne verra-t-on pas apparaître le véritable Jérôme, celui qui était étouffé par ses proches et qui va retrouver sa fille pour une nouvelle vie ?
Cet album oublié de trop de lecteurs est à découvrir et lire avec bonheur. C’est une merveille qu’il faut sortir de la poussière et prendre, ainsi, la mesure du talent de narrateur d’Etienne Schréder, un alchimiste de l’histoire. Son graphisme, hors-norme, profite de ce noir et blanc qui nous enferme dans son histoire et qui nous libère en même temps que Jérôme… D’ailleurs, ce Jérôme… ce ne serait pas un certain Etienne ???
Album merveilleux et magique qui trône depuis longtemps dans ma bibliothèque et que je suis heureux de montrer régulièrement à mes étudiants lorsque nous parlons de narration graphique.
Merci, cher Etienne, de me donner l’occasion avec ta dernière merveille, « Amères saisons », de sortir des rayonnages cette couronne de papier doré pour en faire une couronne amicale à ta gloire, cette gloire que tu as mis tant de temps à recevoir