Laisse couler
de Mavis Gallant

critiqué par Sahkti, le 21 février 2008
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Tout l'art de l'ordinaire
Russel Banks dit de ces nouvelles de Mavis Gallant, dans la préface, que ce sont "ses plus canadiennes", parce qu'elles sont fortement teintées de l'empreinte de ce pays (par la nationalité des protagonistes, en fait); il dit également que ce sont celles qu'il préfère et conseille de les lire sans modération, tant elles excellent. Mavis Gallant suggère plutôt une lecture par morceau, chaque nouvelle devant être lue après et avant la lecture d'un autre auteur.
J'ai opté pour cette seconde solution et je ne le regrette pas. Trois récits composent ce recueil, accompagnés, outre de la préface, d'une intéressante postface de Mavis Gallant qui explique son lien à l'écriture, comment elle est venue à la plume, pourquoi et comment elle écrit. Un art qu'elle qualifie de difficile et enrichissant, qui lui apporte beaucoup et qu'elle prend tantôt au sérieux, tantôt à la légère. Manière peut-être de cacher une certaine angoisse face à la page blanche.
Les histoires proposées ici sont des récits ordinaires de gens qui le sont tout autant, racontés avec une certaine touche poétique, une pointe d'humour et un réalisme très présent, le tout apportant la note qui rend cet ordinaire si exceptionnel. Que ce soit la relation amicale entre deux familles ou les ambitions de cet homme qui veut ressembler à Harry Lapwing, il se dégage de la banalité de leur vie une force étonnante et émouvante. Mavis Gallant arrive à donner forme à des êtres terriblement attachants tout en étant formidablement quelconques. Pas étonnant finalement que Russel Banks ait si joliment préfacé cet ouvrage en clamant toute son admiration pour Mme Gallant; je retrouve chez l'un et l'autre une démarche similaire d'embellissement du quotidien grâce à une langue élégante et de grande qualité. Des destins qui marquent les esprits alors qu'ils sont plutôt éphémères, comme tout ce qui leur arrive. C'est tout un art de parvenir à cela. Du grand art.