La mort de Mignonne et autres histoires
de Marie Hélène Poitras

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 19 février 2008
(Montréal - 54 ans)


La note:  étoiles
Sales vies
Les animaux – surtout les chevaux - sont omniprésents au fil des nouvelles de ce recueil. La première nous fait connaître la jument domestiquée, Mignonne, dans ses derniers moments de liberté avant son trépas. Un court texte poétique sensiblement décalé par rapport aux autres textes, porteurs d’une certaine rage. Bizarrement, l’auteur semble explorer le côté sordide des choses avec comme objectif de mettre en relief la beauté et le virginal mythique, sans pour autant y croire. Dans « Fées et princesses au bout de leur sang » - une berceuse d’une grande adolescente adressée à sa petite sœur - l’espoir, de protéger l’enfance contre tous ceux qui veulent profaner la pureté, est déjà mort.

Le cynisme est de mise, comme dans « La beauté de Gemma » alors qu’une mannequin international désire revenir à la réalité rédemptrice de son village natal où elle était considérée laide. Il plane également un vent de refus adolescent. Nous sommes exposés aux blessures à l’âme de personnages, essentiellement urbains, en manque de valeurs, déchirés par un monde moderne sans pitié. Ils vomissent. Ils sont malades. Leur sexualité est mal vécue. Ils perdent leur innocence.

Douze morceaux d’une écriture encore brute, trop descriptive et inondée d’un déluge d’adjectifs. Le résultat est donc inutilement lourd, parfois figé précisément dans une période ou un lieu du Québec. Un peu d’intemporalité aurait permis au lecteur de mieux respirer. Mais là n’était pas le but. Si on écoute bien, on croirait entendre un peu de guitare grunge.
Du g-string et du paradis perdu 8 étoiles

Si le premier couple a inventé le g-string avec une feuille de vigne, un des personnages du recueil de nouvelles l'a abandonné sur un parcomètre de Montréal. Voulait-on s'affranchir du péché originel? L'histoire ne le dit pas, mais, à travers cette œuvre, nous sentons notre incapacité à nous réapproprier le jardin d'Éden. Chacun réalise son impuissance à sauver sa virginité au sens élargi du thème. La vie corrompt, comme l'a déjà écrit Jean-Jacques Rousseau. Le mensonge et la sexualisation créent une atmosphère malsaine qui contribue à la perdition de l'humanité.

Cette vision prométhéenne du monde est associée à des images fortes, qui s'appliquent également au règne animal comme l'illustre le cachalot trouvé près des berges de la rivière Bleue pour ne pas dire Brune. À la menace d'extinction des espèces s'ajoute le désespoir des humains qui envisagent de plus en plus la mort comme solution à l'instar du cheval venu mourir sur un terrain de base-ball abandonné de Montréal, où, naguère, les dieux du stade alimentaient tous les espoirs lors des jeux Olympiques de 1976.

Avec une langue châtiée, mais conventionnelle, l'auteure, trentenaire, dresse le bilan de sa perception du monde à laquelle l'a conduite le premier tiers de sa vie. Comme la regrettée Nelly Arcan, elle déplore la défloraison des idéaux. Les deux écrivaines ne lèvent pas les yeux au ciel pour se consoler. Marie-Hélène Poitras a troqué les prières pour les chansons de ses interprètes favoris, les nouveaux saints qui s'occupent davantage de leur succès que de servir de modèles à leurs pairs.

Bref, l’auteure est stigmatisée par la mort qui détruit les paysages culturels. Comme dans son dernier roman, Griffintown, ses œuvres se présentent comme de beaux requiem grunge.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 29 juillet 2012