La Fille Élisa
de Edmond de Goncourt

critiqué par Montgomery, le 5 janvier 2008
(Auxerre - 52 ans)


La note:  étoiles
L’Humaniste Edmond de Goncourt
Certes Elisa n’est pas née sous les meilleurs augures, mais la prostitution n’était pas pour elle une fatalité. En choisissant ce métier, elle fait coup double : elle se sépare d’une mère mal aimante et laisse libre cours à sa paresse. Débutant sa carrière en province, Elisa reviendra dans la capitale pour exercer son métier dans plusieurs établissements successifs du fait de son indiscipline. En la personne d’un soldat de ligne, Tanchon, ancien berger aux gestes romantiques, elle croit avoir trouver l’amour. La bluette tournera court et Elisa sera jugée et condamnée pour le meurtre de son amant. Elle finira sa vie, ou ce qu’il en reste, dans la Maison de détention des femmes de Noirlieu au sein de laquelle un strict silence est imposé aux condamnées selon les prescriptions du système d’Auburn.

Ecrit par Edmond en 1877, sept ans après la mort de son frère Jules, « La Fille Elisa » trouve son origine dans un épisode vécu par les deux écrivains lors de la visite d’un établissement pénitentiaire en 1862. Edmond resté seul concrétise le projet avec ce plaidoyer humaniste et réaliste. Il y démonte l’image qu’ont les romantiques de la prostitution et s’inscrit en faux contre un système carcéral qui déshumanise les détenues et les détruit peu à peu par un silence imposé ( pour plus de détail se référer à la très riche post-face de Pierre-Jean Dufief).

Outre le parti pris de son auteur, ce roman vaut aussi pour sa construction non linéaire. Grâce à ce procédé, l’auteur introduit une incertitude pendant une bonne moitié du livre sur le sort d’Elisa et renforce ainsi l'aspect dramatique du récit qui s’ouvre d’emblée sur le procès de l’héroïne. On peut également apprécier sans réserve les portraits aux petits oignons à l'image de celui de la mère maquerelle provinciale « grasse et bedonnante Madame, occupée à se rassembler, à se ramasser, repêchant autour d’elle sa graisse débordante, calant, avec un rebord de table, des coulées de chair flasque... ». On peut enfin s’arrêter, quelques instants, sur le chapitre consacré à la préférence de la prostituée pour le soldat, homme parfois brutal, mais qui « n’apporte pas, dans ses amours, l’ironie de l’ouvrier ou du petit bourgeois vicieux : un certain rire gouailleur appartenant en toute propriété aux civils. »

De la bonne littérature et en plus engagée : que demander de plus ?