Belleville-Barcelone
de Patrick Pécherot

critiqué par Sahkti, le 3 décembre 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Ombres espagnoles
Paris, Belleville, 1938. Nestor est détective privé, il travaille pour l'agence Bohman. Il reçoit une affaire en apparence simple et rapide: retrouver la jeune Aude Beaupréau, riche héritière qui s'est entichée d'un type peu recommandable, Pietro Lama. Le Lama en question disparaît, Nestor découvre qu'il participait à des trafics d'armes à destination des combattants espagnols. Ce que Nestor prenait pour quelque chose de facile s'avère être relativement complexe, c'est toute la politique de l'époque qui s'expose à lui (et au lecteur). L'effondrement du Front populaire, la guerre d'Espagne, la folie grandissante de Hitler, les difficultés stratégiques et les dernières semaines d'un calme relatif pour une Europe qui ne va plus tarder à connaître l'horreur.

Dans Belleville-Barcelone, il y a Belleville, la gouaille, les personnages hauts en couleurs, la vie de quartier où tout le monde connaît tout le monde, un certain art de vivre en paix et un regard lucide sur le monde qui entoure tout cela.
Alors quand Belleville se retrouve au centre de règlements de comptes liés à la guerre d'Espagne, il y a d'abord un temps d'adaptation avant la réaction. Réaction à l'image de Nestor le détective: efficace et débonnaire.
Il n'y a pas à dire, ça crée une ambiance particulière que Patrick Pécherot restitue dans le moindre détail grâce à une gouaille et un langage imagé qui fleure bon au fil des pages. Un langage parlé qui colle bien aux basques des personnages et de l'intrigue, bien fichue. et puis il y a les rencontres du livre, André Breton par exemple, palpable, présent, comme Jean Gabin, de passage dans le bouquin lui aussi. La belle époque si ce n'était la guerre.
Une guerre expliquée en fin de volume avec quelques pages de notes bien utiles, bonne démarche éditoriale.
Patrick Pécherot a réussi l'entreprise de donner vie à un quartier, avec ses bruits et ses odeurs; l'atmosphère qu'il a créée est admirable. Il est également parvenu à faire ressentir au lecteur les tensions qui étaient alors très présentes dans les esprits et les journaux, nous étions à la veille d'une guerre abominable, à un moment où l'on passait encore son temps à chantonner dans les cabarets tout en complotant pour sauver ses idéologies et ses amis.
A lire pour une plongée instructive dans un passé partagé entre insouciance et peur, le tout sous la plume joyeuse d'un auteur communicatif.