Le juge et son bourreau
de Friedrich Dürrenmatt

critiqué par Matthias1992, le 24 novembre 2007
( - 32 ans)


La note:  étoiles
"Mettre l'art où personne ne le soupçonne"
Si Dürrenmatt est particulièrement célèbre pour ses pièces de théâtre vaudevillesques, il est également l'auteur de textes en prose, qui oscillent entre écrits humoristiques et réflexions presque philosophiques sur le hasard et la destinée.
"Der Richter und sein Henker" ("Le juge et son bourreau") fait partie de ces textes.

S'il faudrait expliquer la composition structurale et fonctionnelle de ce roman, on pourrait alors revenir à la fameuse citation de l'écrivain suisse: "Mettre l'art, où personne ne le soupçonne."
Ici, si on se montre attentif aux aspects les plus importants d'un texte en prose (la trame principale, les professions qu'exercent les protagonistes), on est amené à déclarer qu'il s'agit d'un roman policier.
En effet, le livre narre l'histoire d'un commissaire et de son partenaire, à qui incombe la tâche de découvrir le meurtrier d'un policier décédé.
Et c'est en ce point que réside la réussite fondamentale de l'art: celle de faire d'un roman policier un texte à la fois humoristique, philosophique et poétique. La poésie, que je n'ai pas encore évoquée, est bien présente, par exemple dans les longues descriptions de la situation météorologique ou celles des paysages en question.

Englobant ainsi plusieurs genres littéraires, "Der Richter und sein Henker" a aussi plusieurs facettes. C'est donc à la fois un récit plaisant, disposant de dialogues exquis et de personnages au premier abord hilarant (Von Schwendi, Lutz...), un livre qui incite à la réflexion sur la fatuité et le destin, un roman psychologique qui nous invite à nous concentrer sur la complexité des rapports humains (dans ce sens Tschanz est ingénieusement décrit) et un écrit qui peut réjouir des poètes en manque d'inspiration (les réjouissantes descriptions de la situation météorologique).
Le roman s'avère par conséquent d'une grande richesse.

Mais cette étonnante richesse a aussi ses revers: en bifurquant vers toutes les directions possibles dans un texte pourtant assez bref (un peu plus de cent pages), Dürrenmatt s'enmêle parfois un peu les pinceaux.

Toutefois, c'était une manière de mettre un grand nombre de lecteurs à son côté, en représentant un nombre important de genres littéraires différents. D'ailleurs le livre a été très bien accueilli, ayant été traduit dans vingt langues différentes et ayant été lu par beaucoup de lecteurs.
Je le définirais quant à moi comme un texte aux multiples facettes, qui, malgré sa richesse parfois assommante, promet un moment de lecture plaisant.