Le rêve de l'oncle
de Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski

critiqué par Dirlandaise, le 9 octobre 2007
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Une femme redoutable
Dans la petite ville de Mordassov vit une femme redoutable en la personne de Maria Alexandrovna Moskaliova. C’est une femme ambitieuse, calculatrice, très intelligente et dominatrice qui règne sur son entourage et ses nombreuses connaissances dans la ville. Sa fille Zina est d’une beauté à couper le souffle. À l’âge de vingt-trois ans, elle n’est toujours pas mariée au grand désespoir de sa mère qui décide de lui chercher un bon parti. Elle le trouve en la personne du prince K., une espèce de charmant vieux débris qui n’a plus toute sa tête. Maria Alexandrovna espère marier sa fille et la voir devenir très vite veuve, riche et libre. Mais Zina est amoureuse d’un jeune homme pauvre et malade qui aspire à devenir un grand poète. Acceptera-t-elle de suivre les conseils de sa mère ou écoutera-t-elle son cœur ?

Je n’ai résumé que les grandes lignes de l’histoire qui est un peu plus complexe. Comme le dit le traducteur André Markovicz dans sa préface, ce roman est le premier écrit par Dostoïevski à sa sortie du bagne, entre 1856 et 1859. Cette comédie avait été conçue à l’origine pour le théâtre.

C’est en tout cas extrêmement drôle et pittoresque. Comme je l’ai mentionné dans le résumé, l’action se tient dans une petite ville où tout le monde connaît tout le monde et où les scandales et les ragots ne manquent pas. L’occupation préférée de ces dames est de potiner devant une tasse de thé en médisant à qui mieux mieux les unes des autres. L’ascension sociale des unes constitue une menace pour les autres et on fait tout pour se nuire et l’hypocrisie règne en maîtresse incontestée sur cette petite communauté. L’histoire du supposé mariage de Zina et du prince K. soulèvera les passions et tout se terminera d’une façon tout à fait inattendue et fracassante au plus grand bonheur du lecteur. Vraiment très amusant mais avec un côté pathétique et des personnages pitoyables dont certains font preuve d'une méchanceté navrante.

« Maria Alexandrovna Moskaliova, à l’évidence, est la première dame de la ville de Mordassov, et il ne peut y avoir là-dessus le moindre doute. Elle se tient comme si elle n’avait besoin de personne et si c’était tout le monde, au contraire, qui avait besoin d’elle. Certes, presque personne ne l’aime et, même, ils sont vraiment nombreux, ceux qui la détestent cordialement ; mais, en revanche, tout le monde la craint, et, elle, c’est tout ce qu’elle demande. »

« — Voyons, prince ! s’écria-t-elle, lançant des étincelles, si votre Natalia Dmitrievna est une femme incomparable, alors, après ça, je ne sais plus ! Non, après ça, vous ne connaissez pas du tout la société d’ici, non, pas du tout ! Parce que ce n’est qu’une exposition de ses qualités inouïes, de ses nobles sentiments, ce n’est qu’une comédie, juste une écorce dorée extérieure. Soulevez cette écorce, et vous verrez tout un enfer sous les fleurs, tout un essaim de guêpes qui va vous dévorer complètement, jusqu’aux os ! »