Un rêve de théâtre
de François Bourgeat

critiqué par Jean Meurtrier, le 2 octobre 2007
(Tilff - 49 ans)


La note:  étoiles
Tréteaux le matin
Merlin Lenchanteur dirige une troupe de théâtre qui vient de subir de gros dégâts matériels lors d’une tempête. Il se rend à l’inauguration des Beaux-arts pour solliciter de l’aide, mais, arrivé trop tôt, il trouve porte close. Il décide alors d’attendre sur l’escalier du théâtre. Ne pouvant résister au sommeil, il glisse dans les bras de Morphée.
Dans ses songes, il croise Polichinelle et rencontre un Molière gentiment insolent et dragueur. Ils assistent ensemble à un extrait du «Malade imaginaire» que l’immortel auteur ne peut s’empêcher d’interrompre, au grand dam des acteurs exaspérés. Molière met un terme à la représentation pour jouer, une fois dans sa vie (post mortem) le rôle de «Dom Juan», Merlin lui donnant la réplique dans la peau de Sganarelle. Après ce grand moment de théâtre, Molière prend congé de Merlin qui poursuit son rêve. Il devient spectateur d’une des scènes les plus fortes du «Cid», celle qui suit le meurtre du père de Chimène. Jusqu’à son réveil, Merlin sera témoin ou acteur de diverses mises en situation hors du commun.
Ce pot pourri de scènes classiques s’apparente à une vibrante profession de foi qui prend ses désirs pour des rêves. Il n’est pas nécessaire d’être un grand intellectuel ou un initié pour apprécier cette pièce qui se revendique du théâtre populaire, avec ses bons sentiments. Attention cependant: populaire ne signifie pas commercial ou «people».
Onirique, cet éloge aux planches suit un fil conducteur capricieux. Les figures mythiques de la culture théâtrale vont et viennent comme le fantôme du passé de Dickens, glorifiant cet art plusieurs fois millénaire. D’autres passages plus intimistes, comme l’audition de la jeune fille soulignent avec respect le travail quotidien d’une troupe, le souffle créateur de l’auteur et la dévotion des acteurs, l’ensemble donnant un résultat magique comme l’illustre le nom de Merlin Lenchanteur.
Chaque extrait emprunté au patrimoine théâtral est soumis à un traitement de nature différente, le plus amusant étant l’intégration des mousquetaires dans le texte original de la tirade du nez de Cyrano. Malheureusement, le plaidoyer bat de l’aile quand il caricature la télévision ou Internet. Le point de vue conservateur de Bourgeat amalgame un peu le média et l’usage qu’on en fait. Si la TV n’a plus grand-chose à nous offrir (il subsiste des exceptions), le Web reste une mine d’information qui ne cède pas systématiquement à la paresse intellectuelle.
Les moyens à développer pour mettre cette pièce en scène ne sont pas négligeables en raison du nombre d’acteurs et de décors différents. Mais il y a fort à parier que les efforts seront récompensés. Les amateurs de tragédies classiques seront comblés et le reste du public à coup sûr diverti.