Le rôdeur des confins
de Kenneth White, Marie-Claude White

critiqué par Guermantes, le 19 septembre 2007
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
Poétique de l'errance
Ce livre est une parfaite illustration de ce qu'est la "géopoétique" pour Kenneth White. Il se compose d'une série de textes regroupés autour de trois grands axes: les terres du nord, les terres du sud et l'océan du vide (en l'occurrence le Pacifique sud).
S'intéressant aux lisières, aux marges, aux territoires-limites (dans le sens où il existe des états-limites), Kenneth White nous fait voyager des Orcades à la Scandinavie, de la Corse à l'Atlas pour terminer son périple en Polynésie française. Son livre, comme il l'écrit, "entre dans un champ d'expérience avec tout ce que celui-ci peut avoir de mouvant et d'émouvant,de confus et de flottant, d'obscur et de lumineux. Il plonge dans la prose du monde qui est souvent parcourue d'une étrange poéticité".
Au gré de ses pérégrinations, il nous fait rencontrer des personnages singuliers, tantôt bien actuels comme ces trois Québécois si joliment dénommés Jolicoeur, Tremblay et Bellechasse avec lesquels il effectue une virée dans le Maine, tantôt issus d'un lointain passé comme Swedenborg à Stockholm ou Salomon Ibn Gabirol, philosophe et poète juif de l'Analousie du XIième siècle. Un dialogue fécond se tisse à chaque fois entre l'auteur et ses compagnons de rencontres qu'ils soient des hommes illustres ou de purs inconnus.
Pour White, "le réel est plus riche que l'imagination. (Il)demande à être observé de près, il invite à une approche sensible des choses, tandis que l'imaginaire n'est la plupart du temps qu'un ramassis de stéréotypes.. "Pour lui, "établir une véritable relation avec le réel et sa résistance exige que l'on modifie ses manières de penser, de vivre, de s'exprimer, et conduit à une transformation de tout l'être".
Et il est vrai qu’au terme de la lecture ce beau livre, on a un peu l'impression d'avoir vu ses rêves s'enraciner, ses désirs prendre des formes à la fois plus tangibles et plus épurées et que l'on est à son tour tenté d'embrasser le monde d'un regard plus frais, plus innocent peut-être.