Le choix de Pauline
de Henriette Bernier

critiqué par Shelton, le 2 septembre 2007
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Beau destin d'une femme volontaire...
Henriette Bernier est une romancière d’expérience qui depuis son premier grand roman, La folle aux chats, s’est donné comme mission, même si l’expression peut sembler, lui sembler exagérée, de raconter des destins de femmes tout en régalant tous les lecteurs avec des histoires cohérentes et passionnantes. Mais, c’est bien la femme qui est au cœur de son travail.
Alors, ceux qui la connaissent bien, qui se souviennent des romans comme La femme empêchée ou L’enfant de l’autre, de Amours d’automne ou de L’or blanc des pâturages, penseront que j’oublie un autre aspect de son écriture, celui qui tente, texte après texte, histoire après histoire, de faire revivre l’Est rural de la France, la vie de la Meuse en particulier. Oui, je le conçois bien mais je n’en parle pas en premier car je suis certain que ce qui est valable pour la Meuse, le département de son cœur et de sa chair, l’est pour un grand nombre de régions, en France comme dans les pays limitrophes. Oui, nos ancêtres des trois dernières générations ont plus vécu dans les campagnes que dans les villes, ont plus connu la vie dans les fermes que dans les HLM, ont plus emprunté les trains omnibus que les autoroutes à péage… D’ailleurs, dans ce dernier roman, c’est bien la voie ferrée qui se retrouve à l’honneur au moment où la SNCF fête ses soixante ans…
Pauline – il s’agit bien d’un destin de femme – est une jeune veuve de la seconde guerre mondiale. Son mari, Robert, modeste peintre en bâtiment, mobilisé puis fait prisonnier, sera, tout simplement et tragiquement, fusillé après sa seconde tentative d’évasion. Pauline est alors veuve avec deux jeunes enfants à charge, Juliette et Benoît. La jeune maman se réfugie chez sa mère, veuve elle aussi, et la libération arrive ramenant un grand nombre d’hommes et de femmes, mais aussi en laissant encore plus seule la pauvre Pauline. Elle aurait pu se lasser, se lamenter, se laisser aller à la révolte, dans la dépression… Elle fera un autre choix. Elle travaillera, elle sera indépendante, elle relèvera la tête…
C’est ainsi que Pauline se retrouvera chef d’une halte sur le trajet du train omnibus de la fameuse ligne 19. Modeste poste, modeste revenu, mais réinsertion dans la vie sociale, dans ce petit village de Fauville. Voilà pour le côté voie ferrée. Nous allons donc vivre ensemble la disparition des trains à vapeur, des omnibus délaissés à cause de l’arrivée en force des automobiles… Mais, où est le destin de femme ?
Pauline va connaître la vie d’une veuve, jeune et encore très belle, donc très désirable… On ne peut pas passer inaperçue lorsque l’on est une belle femme… Mais comment être maman, chef de halte et femme à la fois ? C’est assez délicat d’autant plus que Juliette n’a pas envie de partager sa maman avec qui que ce soit.
Comment, aussi, rester fidèle à son mari, ce Robert qu’elle adorait, sans pour autant, renier sa féminité, sa jeunesse, son corps ?
Henriette, qui est tout sauf une moraliste austère, nous montre comme cette femme va faire des choix successifs qui lui permettront de rester elle-même, de garder la tête haute et de faire, autour d’elle, une certaine unanimité, ce qui n’était pas évident. Heureusement, elle sera entourée de personnes très sympathiques comme sa mère, Justine. Certes, elle a du mal à comprendre sa fille, mais, petit à petit, elle changera son regard et là où elle avait écrit de sa main : le choix douloureux de Pauline (moment où l’incompréhension régnait) elle corrigera en : le choix heureux de Pauline !
Belle écriture, féminité présente et très touchante, roman de qualité que l’on referme avec une petite larme au coin de l’œil, même les hommes, bref, tout est réuni pour passer un excellent moment de lecture, avoir envie de retrouver un tronçon de la ligne 19 en tant que voyageur, regarder les femmes seules d’un œil plus amical et chaleureux et d’aller très prochainement se promener en Meuse…
Au fait, cette histoire est si humaine et touchante qu’on se dit que cette Pauline a du exister et que Henriette Bernier a du la rencontrer un jour au croisement d’une promenade…