La lettre de Flora
de Fred Paronuzzi

critiqué par Cuné, le 31 août 2007
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Tendu et délicat
Matteo était conducteur de bus. Fils d’émigrés italiens, il a toujours souffert du rejet de son père, et trouvait refuge dans la salle de boxe du quartier, dans sa cité un peu pourrie. Quand il subit une violente agression au volant de son bus, il reste passif, et soudain tout ça devient « trop ». Il s’enfonce dans l’alcool, la déprime, et voit s’éloigner de lui inexorablement sa femme et sa fille. Du pays, on l’informe que sa tante Flora, avec qui il avait enfant de profonds et bons liens, s’éteint, c’est la fin. Il part lui dire adieu…

Un très joli roman, poignant sans jamais en faire trop, sur le fil tout du long, qui remue bien tout ce qu’on n’a pas réglé des non-dits de l’enfance, avec un épilogue inattendu.

Un passage en particulier, qui dit tellement :
« Honte.
Matteo avait lu le dégoût dans le pli rigide de la bouche, la dureté minérale des pupilles – un mépris qu’il connaissait par cœur.
« Papa », avait-il ânonné.
Mot saugrenu. Pitoyable bouteille à la mer.
« Papa. »
Il voulait expliquer qu’il n’y était pour rien, lui, mais que l’autre était fou – et qu’est-ce qu’on peut bien faire, dis voir papa, contre un fou ?
L’ironie du regard et le rictus, méchant, pour unique réponse, puis la main épaisse qui se saisit de la clenche.
Le dos large, osseux, s’était détourné.
Et Matteo était resté là, tout couillon, avec sa vieille culpabilité, sa vieille certitude de mal faire, toujours, à triturer sa stupide pomme à demi pelée… »