Un sens à la vie
de Dominique Bourgon, Cyril Mennegun

critiqué par Cuné, le 29 août 2007
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Le noir c’est de la lumière potentielle ?
C’est une gardienne d’immeuble, « même pas » en banlieue parisienne, qui décide un jour d’aller écouter l’histoire de ses voisins. Elle les met en mots et en fiction, pour nous raconter la vie, et surtout celle de ceux pour qui le mot est creux.
La forme varie, j’ai été un peu rebutée par le côté « haché », mais comme elle aussi j’ai été très touchée. Le « plus », c’est que Dominique Bourgon n’en fait pas trop, il n’y a pas de misérabilisme ; mais un portrait sacrément interpellant du quotidien dans une cité.

« Françoise », par exemple, une petite fille en pleine croissance qui ne peut pas manger, parce que trier les cafards dans le riz lui est insupportable, et qui grelotte dans sa chambre aux fenêtres grandes ouvertes parce que les bestioles n’aiment pas le froid…. Françoise, donc, sa mère, vissée aux Feux de l’amour parce que son poids l’invalide, ne voit rien. Quand la petite fille sera mère à son tour, à votre avis, comment se comportera-t-elle avec Blanche, sa fille ?...
Ou « Lumière potentielle », le petit Bouba « Zoulou-land » qui était si content d’entrer à l’école… Terrible, ce texte-là.
Ou encore « Je me suis assise et j’ai compté les morts », qui est une magnifique rétrospective de quarante ans de cité.

Oui, vraiment, il y a des choses terribles et un grand sens du récit et de l’humanité, dans ce livre. Mais faut pas vous attendre à aller gambader dans les prés le cœur léger après sa lecture…
Terriblement humain 9 étoiles

En vingt-cinq tranches de vies, Dominique Bourgon explore avec acuité les petits et les grands malheurs d’une cité : les immigrés et leurs souffrances, la nostalgie du bled, surtout celles des femmes, les réfugiés bosniaques dont les nuits sont encore emplies de cauchemars, les mères de famille obligées de justifier leur pauvre vie devant des assistantes sociales qui vivent à des années-lumière, les hommes qui vont voir ailleurs, les viols, la violence qui éclate soudain, les caissières de magasin, la misère et les blattes qui courent tandis qu’on s’abrutit devant Les feux de l’amour, les fermetures d’usine, le chômage, la folie qui s’insinue doucement… Eh oui, comme le disent des personnages : « le plus dur, dans la vie, c’est de comprendre le mode d’emploi ; moi, je n’y suis jamais arrivé » ou bien : « l’histoire vous dira que nos vies c’était peu de choses. » A lire ces récits, souvent très brefs, écrits sans complaisance comme sans misérabilisme, on n’est pas surpris de voir de temps en temps la cité qui flambe. Le mal vivre est partout, le temps est vide, la vie « est un grand escalier, qu’il faut monter dans le noir, marche après marche. » Dans cet environnement déshumanisé, l’espérance trouve quand même des petites niches. Même si ces gens sont des « vulnérables », ils connaissent la compassion et la solidarité. Qui permettent la survie.
Un premier livre exceptionnel, écrit par une gardienne d’immeuble.

Cyclo - Bordeaux - 78 ans - 12 août 2014