Embuscade à Fort Bragg
de Tom Wolfe

critiqué par CC.RIDER, le 13 août 2007
( - 66 ans)


La note:  étoiles
La machine à décérébrer
"Embuscade à Fort Bragg" raconte une histoire des plus sordides : l'assassinat dans les toilettes d'un bar topless d'un jeune soldat des commandos US, homosexuel surpris par trois de ses collègues dans une "posture intéressante". Tout l'intérêt du livre repose sur la manière dont "l'enquête télévisée" est menée...
Pour Irv, producteur d'une émission d'investigation limite télé-réalité, tous les moyens sont bons : caméras cachées, planques durant des semaines, micros gros comme des têtes d'épingles installés discrètement dans les spots du bar, car-régie dissimulé dans un luxueux mobil-home, location des lieux pour les transformer en studio-télé invisible et même participation d'une strip-teaseuse pour arriver à découvrir une affaire encore plus glauque quoi que moins évidente que la démonstration de politiquement correct prévue...
Qu'à cela ne tienne, on coupe au montage, on change les plans, on charcute la pellicule à qui mieux-mieux, on trie les interventions, on choisit les séquences, on place des "bips" un peu partout pour faire croire à l'utilisation de termes encore plus orduriers que ceux cachés etc... Irv veut absolument prouver la culpabilité des GI's ainsi que l'homophobie latente des blancs en général. Par ce côté-là, le bouquin est passionnant. En effet, Wolfe se sert de ce fait divers nullissime pour placer le microcosme faisandé de la télé-poubelle sous le microscope de l'entomologiste et permettre au lecteur de découvrir toutes les ficelles cachées de la machine à décérébrer...
Court roman ou longue nouvelle (145 pages), d'abord paru en feuilleton dans la revue "Rolling Stone", au style aisé malgré quelques redites, vite écrit, vite lu mais néanmoins essentiel ...
Terrible piège 4 étoiles

Théâtral et cynique au sujet de la manipulation constante des médias (le livre montre comment un documentaire TV plutôt opportuniste est monté, dans la volonté de faire de l'argent et d'entourer de lauriers le producteur): nous suivons donc dans leurs palabres ces reporters qui enquêtent sur une affaire de bizutage ayant mal tourné et les commentaires de Tom Wolfe sur ces marines et leurs réflexions à propos de ces "lois de pédés", la démagogie des journalistes, etc...

Et tout comme le silence de l'armée et la barbarie de notre société, le célèbre écrivain dénonce un féminisme dévoyé servant parfois la cause de l'argent, le non-respect des libertés individuelles si elles ne sont pas entourées de cartes de crédit, une justice à deux vitesses, avec une démocratie finalement n'accordant que peu de place à la vérité. Toutefois même si ce livre est nécessaire le fait que 4 ou 5 chapitres accordent autant d'importance à une astuce grossière et entendue pour démasquer les militaires bourreaux atténue hélas le propos du livre, et nous laisse un goût d'inachevé par ce qui aurait pu être un nouveau "Bûcher des Vanités".

En un mot il est dommage que la fin en queue de poisson et le style bâclé ne changent rien au meilleur des mondes !

Antihuman - Paris - 41 ans - 9 octobre 2011